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12/01/1999 | FRANCE | N°96-21644

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 janvier 1999, 96-21644


Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 26 septembre 1996), que la société ADP Del Prete Europe (société Del Prete), spécialisée dans le commerce d'articles ménagers, s'est approvisionnée, notamment auprès de la société Verrerie cristallerie d'Arques (société VCA) et de la société Téfal, qui lui ont consenti sous forme de délais de paiement un crédit, garanti par une assurance souscrite auprès de la société Namur ; que cette société a demandé le 11 janvier 1993 à la société Del Prete de se porter cauti

on solidaire envers elle de toutes sommes pouvant être dues par certaines de s...

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 26 septembre 1996), que la société ADP Del Prete Europe (société Del Prete), spécialisée dans le commerce d'articles ménagers, s'est approvisionnée, notamment auprès de la société Verrerie cristallerie d'Arques (société VCA) et de la société Téfal, qui lui ont consenti sous forme de délais de paiement un crédit, garanti par une assurance souscrite auprès de la société Namur ; que cette société a demandé le 11 janvier 1993 à la société Del Prete de se porter caution solidaire envers elle de toutes sommes pouvant être dues par certaines de ses filiales (les sociétés ADP), revendant les produits litigieux ; que le même jour la Société immobilière de la fabrique (société SIF) s'est portée caution solidaire en vers la société Namur à concurrence de 35 000 000 francs, d'une part, des engagements de la société Del Prete à l'égard de ses fournisseurs bénéficiant de la garantie de cette société d'assurance-crédit et, d'autre part, des sommes pouvant être dues par la société Del Prete au titre du cautionnement des obligations prises par ses filiales ADP ; que le 2 septembre 1993, la société Namur a assigné la société Del Prete en paiement de la somme de 45 573 989,72 francs, montant des créances qui lui avaient été cédées par les sociétés VCA et Téfal ; que la société Namur a également assigné, au titre de ses engagements de caution, la société SIF en paiement de la somme de 35 000 000 francs ; qu'en cours d'instance les sociétés Del Prete et ADP ont été mises en redressement judiciaire ; qu'en même temps les sociétés Del Prete, ADP ont assigné les sociétés Namur, VCA, et Téfal en paiement de dommages-intérêts en leur reprochant d'avoir provoqué par leur comportement l'ouverture des procédures collectives ; que le tribunal de commerce a condamné la société SIF à titre de caution solidaire au paiement de 35 000 000 francs, a fixé à une somme ne pouvant être inférieure à 45 077 220,04 francs la créance de la société Namur, et a nommé un expert afin de fixer le montant définitif de la créance, les sociétés Del Prete et ADP étant déboutées de leurs demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Del Prete, ADP, et M. X..., ès qualités de mandataire liquidateur de ces sociétés, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en paiement pour abus de dépendance économique dirigées contre les sociétés Téfal et VCA, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'état de dépendance économique d'un distributeur par rapport à un fournisseur s'apprécie notamment au regard de l'importance de la part du chiffre d'affaires réalisé par le distributeur avec ce fournisseur ; qu'en ne recherchant pas quelle était la part de la société VCA dans le chiffre d'affaires de la société Del Prete, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8.2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, que l'état de dépendance pour cause d'assortiment est caractérisé lorsqu'un fournisseur est titulaire d'une marque, ou de procédés techniques de fabrication rendant les produits distinctifs, non substituables à des biens destinés au même usage, qu'en l'espèce le mandataire-liquidateur faisait valoir dans ses conclusions du 17 mai 1996 qu'il n'existait aucun produit équivalent, les sociétés VCA et Téfal étant titulaires de marques et de brevets empêchant toute commercialisation de produits similaires, et qu'il n'existait aucun produit équivalent, en ce qui concerne le cristal produit mécaniquement ; que la cour d'appel, qui a énoncé que " la disposition d'approvisionnement de substitution est au contraire attestée par la circonstance alléguée par VCA sans être démentie, que la société Del Prete a pu, postérieurement au redressement judiciaire, poursuivre son activité pendant 2 ans ", sans répondre aux écritures précitées et sans rechercher si le chiffre d'affaires réalisé par la société Del Prete et ses filiales pendant la période de continuation, ne faisait pas apparaître une baisse significative de la vente de produits similaires, a, de nouveau, entâché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 8.2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que l'importance de la part des sociétés Téfal et VCA dans le marché considéré ne pouvait se déduire, en l'absence d'autres justifications, " de la seule notoriété de ces marques (ou) de l'exploitation de procédés de fabrication spécifiques ", a constaté que M. X... et la société SIF à qui incombait la charge de la preuve, justifiaient seulement d'une part de 20 % des produits Téfal dans le chiffre d'affaires de la société Del Prete ; qu'en l'absence de toute preuve en ce qui concerne la société VCA et ayant constaté que les sociétés Del Prete avaient pu " pendant 2 ans " s'approvisionner en produits de " substitution ", auprès de sociétés concurrentes de la société VCA, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autres recherches, n'encourt pas les griefs du moyen ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société SIF et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de dommages-intérêts, dirigées contre la société Namur pour ses fautes ayant contribué à l'ouverture de la procédure collective, alors, selon le pourvoi, que l'assureur-crédit, s'il dispose en général d'une faculté lui permettant de réduire la limite d'encours précédemment accordé à l'assuré, n'a pas à s'immiscer dans les relations entre ce dernier et son client ; que la cour d'appel, qui a admis qu'il n'appartenait qu'aux sociétés VCA et Téfal de maintenir le volume du crédit-fournisseur consenti, à la société Del Prete et à ses filiales, ne pouvait affirmer que la compagnie d'assurances avait la faculté, en cas d'aggravation sensible du risque garanti, de demander à ses assurés de réduire l'encours de crédit-fournisseur consenti à leurs clients ; qu'en refusant de retenir une faute à l'encontre de la société Namur, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, que la cour d'appel n'a pas constaté que la société Namur avait la possibilité de faire aménager les conditions de crédit accordées par les sociétés Téfal et VCA ; qu'elle a seulement relevé qu'en sa qualité d'assureur-crédit de ces sociétés, supportant les risques d'insolvabilité de la société Del Prete et de ses filiales il était légitime qu'elle s'informe " des événements affectant la solvabilité " de ces entreprises et qu'en cas d'aggravation sensible du risque encouru elle demande à ses assurés de réduire l'encours de crédit consenti à ses clientes ; qu'ayant en outre constaté que la société Del Prete avait connu à compter du mois de janvier 1993, d'importantes difficultés de trésorerie l'ayant conduite à demander des reports d'échéance, la cour d'appel a pu estimer que la société Namur n'était pas à l'origine des difficultés rencontrées par cette entreprise et n'avait commis aucune faute en relation avec le préjudice allégué ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-21644
Date de la décision : 12/01/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° CONCURRENCE (ordonnance du 1er décembre 1986) - Pratique anticoncurrentielle - Exploitation abusive de la dépendance économique d'autrui - Conditions - Dépendance économique - Dépendance à l'égard d'un fournisseur - Critères.

1° CONCURRENCE (ordonnance du 1er décembre 1986) - Pratique anticoncurrentielle - Exploitation abusive de la dépendance économique d'autrui - Conditions - Dépendance économique - Preuve - Charge.

1° Justifie le rejet de la demande en paiement pour abus de dépendance économique formée par un distributeur contre deux de ses fournisseurs la cour d'appel qui, après avoir relevé que l'importance des parts de ces derniers dans le marché considéré ne pouvait se déduire, en l'absence d'autres justifications, de la seule notoriété de ces marques ou de l'exploitation de procédés de fabrication spécifiques, constate que le demandeur, à qui incombe la charge de la preuve, justifie seulement d'une part de 20 % des produits du premier d'entre eux dans son chiffre d'affaires et, en ce qui concerne le second, ne produit aucun élément de preuve, cependant qu'il est établi que, pendant 2 ans, il a pu s'approvisionner en produits de substitution auprès de sociétés concurrentes de ce dernier.

2° ASSURANCE CREDIT - Responsabilité de l'assureur - Risque assuré - Aggravation - Encours de crédit - Réduction - Faute à l'égard du client de l'assuré (non).

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Assurance (règles générales) - Crédit - Risque - Aggravation - Encours de crédit - Réduction (non).

2° Statuant sur l'action engagée par un commerçant mis en redressement judiciaire contre la société d'assurances qui garantissait le crédit que lui consentaient deux de ses fournisseurs, et dont les agissements auraient, selon lui, contribué à l'ouverture de la procédure collective, une cour d'appel a pu estimer que cette société n'était pas à l'origine des difficultés rencontrées par le commerçant et qu'elle n'avait commis aucune faute en relation avec le préjudice allégué, après avoir relevé, d'une part, qu'en sa qualité d'assureur-crédit des fournisseurs, supportant les risques d'insolvabilité du commerçant, il était légitime que cette société s'informe des événements affectant la solvabilité de ce dernier et qu'en cas d'aggravation sensible du risque encouru, elle demande à ses assurés de réduire l'encours du crédit consenti à leur client, et, d'autre part, que ce commerçant avait connu, à partir d'une certaine période, d'importantes difficultés de trésorerie l'ayant conduit à demander des reports d'échéance.


Références :

Ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jan. 1999, pourvoi n°96-21644, Bull. civ. 1999 IV N° 10 p. 10
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 IV N° 10 p. 10

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Léonnet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Roger.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.21644
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