AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Pierre X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1995 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, section 2), au profit de la société Banque de Savoie, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 novembre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Banque de Savoie, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 novembre 1995), que M. X... s'est porté caution de la société X..., dont il présidait le conseil d'administration, au profit de la Banque de Savoie ; que poursuivi en paiement de diverses dettes de la société vis-à-vis de la banque, M. X... a contesté le montant du compte de cessions de créances consenties sur le fondement de la loi du 2 janvier 1981, et prétendu la banque fautive à son égard, pour ne pas avoir notifié certaines des cessions aux débiteurs, et pour s'être s'abstenue de s'opposer à une compensation judiciairement ordonnée entre la société X... et un de ses débiteurs ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les paiements effectués entre les mains du créancier par le débiteur sont opposables au cessionnaire de la créance qui n'a pas notifié la cession de créance professionnelle ; qu'en énonçant que le défaut de notification de la cession de créance ne limitait pas le droit du cessionnaire d'exercer son recours aussi bien contre le cessionnaire qu'à l'encontre du débiteur, la cour d'appel a violé l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 ; alors, d'autre part, que le défaut de notification aux débiteurs des créances cédées par bordereaux Dailly a pour effet de permettre au débiteur de se libérer valablement entre les mains du créancier cédant et d'opposer la compensation entre dettes connexes ; que la banque cessionnaire qui a omis de procéder à cette notification engage sa responsabilité envers la caution en raison de cette abstention fautive lorsqu'elle a eu pour effet d'empêcher que les paiements effectués par les débiteurs ne la libère de son engagement de caution ; qu'en se bornant à relever que la notification était une formalité facultative sans rechercher si en l'espèce l'omission d'y procéder n'avait pas entraîné le maintien de la dette cautionnée en dépit des règlements effectués par les débiteurs ou des compensations intervenues, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles 5 de la loi du 2 janvier 1981 et 1147 du Code civil ; alors, en outre, que la chose jugée n'a d'effet qu'entre les mêmes parties au jugement dont l'autorité est invoquée ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que la Banque de Savoie n'était pas partie à l'arrêt qui a ordonné la compensation entre les créances des sociétés X... et SGEEM ; qu'en énonçant que M. X... ne pouvait pas reprocher à la Banque de Savoie d'avoir fait obstacle à la compensation entre les créances des sociétés X... et SGEEM au motif qu'elle avait été ordonnée par un arrêt du 28 novembre 1990, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ; alors, au surplus, qu'à compter de la notification de la cession de créance le débiteur cédé ne peut opposer la compensation légale avec sa créance sur le débiteur cédé que si sa créance était liquide certaine et exigible avant la notification ou, à défaut, si les créances étaient connexes ; qu'en se bornant à relever que la compensation entre la créance de la société X... et celle de la SGEEM, débiteur cédé qui s'était vu notifier la cession de la créance d'un montant de 92 633 francs, avait été ordonnée par un arrêt de la cour d'appel de Chambéry, auquel la Banque de Savoie n'était pas partie sans rechercher si les dettes étaient connexes ou si les conditions de la compensation légale étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 ; et alors, enfin, que M. X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que la Banque de Savoie connaissait l'existence d'une instance pendante entre la société X... et la société SGEEM et qu'il lui appartenait d'intervenir volontairement pour faire valoir ses droits de cessionnaire de la créance contre la société SGEEM ; qu'il en déduisait que la banque avait, par son inaction, commis une faute qui lui causait un préjudice ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la notification des cessions étant, au regard du texte cité, une faculté pour la banque, l'abstention de celle-ci d'y procéder ne peut être invoquée par les cautions du cédant comme constitutive de faute à leur égard ; que l'arrêt a, à bon droit, statué en ce sens et retenu que la banque conservait, même si elle n'avait pas procédé à la notification de certaines cessions, ses recours à la fois contre les débiteurs et contre le cédant ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que la société SGEEM, à laquelle a été notifiée une cession de créance, n'en avait pas pour autant réglé le montant à la banque cessionnaire, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la société cédante en restait débitrice solidaire envers cet établissement et que celui-ci pouvait exercer son recours contre elle, ou la caution, sans avoir à faire valoir auparavant ses droits contre le débiteur cédé ; qu'elle n'avait, dès lors, pas à procéder aux recherches prétendument omises, ni à répondre aux conclusions prétendument négligées ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Banque de Savoie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.