AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Primagaz, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 avril 1996 par la cour d'appel de Nîmes (1ère chambre, section B), au profit :
1 / de M. Michel Y..., demeurant ...,
2 / de M. Jean Y..., demeurant La Bastide Forte, 2, ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 novembre 1998, où étaient présents : M. Buffet, conseiller le plus ancien, non empêché, faisant fonctions de président, Mme Lardet, conseiller rapporteur, Mme Borra, MM. Séné, Etienne, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Monnet, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lardet, conseiller, les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société Primagaz, de Me Thouin-Palat, avocat des consorts Y..., les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 30 avril 1996) et les productions, que dans un litige opposant la société Primagaz à MM. Y... et à une société Etablissement Y... tendant au paiement de dommages-intérêts pour violation de la clause de confidentialité contenue dans un protocole d'accord conclu en Avignon le 18 mars 1992, MM. Y... ont assigné la société Primagaz devant le tribunal de grande instance d'Avignon ; que la société Primagaz a soulevé l'incompétence de cette juridiction au profit du tribunal de grande instance de Paris, lieu de son siège social ; que les premiers juges, faisant application de l'article 46, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, se sont déclarés compétents pour statuer sur la demande de MM. Y... ; que la société Primagaz a formé contredit et que MM. Y... ont également invoqué devant la cour d'appel l'article 43 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence, alors, selon le moyen, que, d'une part, pour retenir la compétence du tribunal du lieu d'une succursale d'une société, les juges du fond doivent y constater la présence d'une personne dotée du pouvoir d'engager cette société par l'acte dont la violation est invoquée devant ledit tribunal ; qu'en se bornant à énoncer que lors de la signature du protocole du 16 mars 1992, la société Primagaz était représentée par son directeur régional, et que le protocole avait été signé en Avignon où il devait être exécuté, les juges du fond n'ont pas caractérisé le fait que le directeur régional avait été doté du pouvoir d'engager la société Primagaz ni que ledit protocole ne résultait pas que de la seule volonté de la société dont le siège est à Paris, seulement représentée à l'acte par son directeur régional ; que la cour d'appel a donc violé l'article 43 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, dans ses conclusions d'appel, la société Primagaz faisait valoir qu'il "ne suffit pas pour établir la compétence territoriale d'une succursale, de retenir qu'elle est dotée de pouvoirs de représentation de la société ; (qu)'encore faut-il... que l'objet du litige présente un lien étroit avec l'activité propre de la succursale" ; qu'elle faisait alors valoir qu'en "l'espèce, l'action de MM. Y... a pour cause la divulgation du protocole par voie d'assignation délivrée à la requête de la société Primagaz sise à Paris" qu'à "supposer même que MM. Y... puissent se prévaloir d'un tel manquement et qu'il soit avéré, il ne saurait être le fait de la direction régionale établie en Avignon mais de la société mère établie à Paris" ;
que faute d'avoir répondu à ce moyen de nature à modifier la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, enfin, MM. X... fondaient leur action en dommages-intérêts contre la société Primagaz sur la violation d'une clause de confidentialité contenue au protocole d'accord ; que la société Primagaz faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'une telle clause, qui devait seule être prise en considération, ne pouvait s'analyser en une prestation de service ; que faute d'avoir examiner ce moyen déterminant pour la solution du litige, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la société Primagaz n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que le directeur régional pour la région sud-est de la société Primagaz n'avait pas eu les pouvoirs de représenter cette société, de contracter en son nom avec les tiers et de l'engager, le moyen est nouveau mélangé de fait et de droit dans sa première branche ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le protocole d'accord, dont la violation prétendue servait de base à l'action en paiement de dommages-intérêts exercée par MM. Y... à l'encontre de la société Primagaz, devait s'exécuter dans le ressort de la direction régionale sud-est de cette société, dont l'établissement était lui-même situé dans le ressort du tribunal de grande d'instance d'Avignon, ce dont il résultait que c'est dans ce ressort que s'étaient produits les faits invoqués comme générateurs de responsabilité, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
Et attendu, enfin, que le moyen dans sa troisième branche est dirigé contre un motif surabondant ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable et mal fondé, est inopérant pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Primagaz aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Primagaz à payer aux consorts Y... la somme globale de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.