AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Michel X..., demeurant ...,
2 / Mlle Sabine X..., demeurant ...,
en cassation d'un jugement rendu le 12 avril 1996 par le tribunal de grande instance de Perpignan (2e chambre, 2e section), au profit de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Méditérranée (CRCAM), dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 novembre 1998, où étaient présents : M. Laplace, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Borra, conseiller rapporteur, MM. Buffet, Séné, Mme Lardet, M. Etienne, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Monnet, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Borra, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat des consorts X..., de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Méditérranée (CRCAM), les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon le jugement attaqué que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Méditerranée a fait délivrer un commandement valant saisie-immobilière aux consorts X..., pris en leur qualité de cautions hypothécaires d'une société ; que les débiteurs saisis ont formé une opposition à ce commandement en soutenant que la procédure simplifiée prévue par le décret du 28 février 1852 n'était applicable qu'aux immeubles donnés en gage par les emprunteurs eux-mêmes, et pour le recouvrement de prêts amortissable, à long terme ;
qu'ils ont subsidiairement sollicité des délais de grâce ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief au jugement d'avoir rejeté leur demande de nullité du commandement, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes du chapitre II du décret du 28 février 1852, intitulé "des droits et moyens d'exécution de la société contre les emprunteurs", que la procédure simplifiée de réalisation prévue par les articles 32 et suivants dudit décret n'est applicable qu'aux immeubles donnés en gage par les seuls emprunteurs ; qu'en l'espèce, cette procédure n'était donc pas applicable aux immeubles propriété de M. Michel X... et de Mlle Sabine X..., ceux-ci n'ayant pas la qualité d'emprunteurs, mais celle de simples cautions hypothécaires de prêts consentis par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Méditérranée ; qu'en décidant, néanmoins, que la qualité de caution solidaire et hypothécaire des consorts X... n'interdisait pas à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de poursuivre la vente selon le régime spécial du décret de 1852, le Tribunal a violé les articles 32 et suivants du décret du 28 février 1852 ; d'autre part, que la procédure simplifiée de réalisation des immeubles donnés en gage par les emprunteurs, prévue par les articles 32 et suivants du décret du 28 février 1852, n'est applicable que pour le recouvrement des prêts amortissables à long terme ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisaient valoir les consorts X... un seul des deux prêts consentis à la société SFL par la CRCAM était amortissable à long terme, car remboursable sur une durée de douze ans, l'autre prêt constituant un prêt à moyen terme, remboursable en sept ans ; que le Tribunal ne pouvait décider que la procédure simplifiée du décret du 28 février 1852 était applicable au recouvrement des deux prêts, au seul motif que ces deux prêts, dont le prêt à long terme constituait l'essentiel, réalisaient une opération de crédit indivisible, sans préciser en quoi de ces deux prêts, le prêt à long terme était l'essentiel et en quoi ces prêts étaient indivisibles ; qu'en se déterminant comme il l'a fait, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 1217 et suivants du Code civil et 32 et suivants du décret du 28 février 1852 ;
Mais attendu que le Tribunal a retenu, à bon droit, que les articles 32 et suivants du décret du 28 septembre 1852 ne distinguent pas selon que l'immeuble à vendre appartient à l'emprunteur ou à une caution solidaire et hypothécaire qui doit être considérée comme débiteur au sens de l'article 33, ce qui autorise la caisse à recourir à la procédure spéciale édictée par ce texte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé dans sa première branche ;
Et attendu qu'aux termes de l'article 44 du décret du 28 février 1852 dans sa rédaction alors en vigueur, la procédure prévue par ce texte est applicable non seulement aux prêts amortissables par annuités à long terme visées à son articles 1er, mais aussi aux prêts amortissables suivant tout autre modalité ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par la seconde branche du moyen, le jugement se trouve légalement justifié ;
Sur le second moyen pris en sa première branche :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à obtenir des délais, alors que, selon le moyen, les dispositions de l'article 37 du décret du 28 février 1852 ne sont applicables que dans l'hypothèse où le Crédit foncier ou tout organisme assimilé agit en qualité de créancier poursuivant subrogé dans l'hypothèque d'un créancier antérieur qu'il a remboursé ; que l'article 37, alinéa 3, dudit décret, aux termes duquel "il n'est accordé, si la société s'y oppose, aucune remise d'adjudication", n'est donc pas applicable lorsque le Crédit foncier agit en qualité de créancier poursuivant originaire ; qu'en l'espèce, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Méditérranée agissant comme créancier poursuivant originaire, il ne pouvait être fait application des dispositions de l'article 37, alinéa 3, du décret du 28 février 1852 ; qu'en se déterminant comme il l'a fait, le Tribunal a violé, par fausse application, l'article 37, alinéa 3, du décret du 28 février 1852 ;
Mais attendu que les pouvoirs du Crédit foncier sont les mêmes qu'il soit créancier poursuivant, après subrogation, ou créancier poursuivant originaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Mais sur le second moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article 37 du décret du 28 février 1852 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de délais formé par les consorts X... le jugement retient que la fixation de la date d'adjudication empêche l'octroi aux débiteurs des délais prévus par l'aritcle 1244-1 du Code civil et que l'article 37 du décret du 28 février 1852, interdit toute remise de l'adjudication sans l'accord du créancier poursuivant ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la date de l'adjudication avait été fixée par la caisse, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de délais des consorts X..., le jugement rendu le 12 avril 1996, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Perpignan ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Béziers ;
Condamne la CRCAM Sud-Méditérranée aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la CRCAM Sud-Méditérranée ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.