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16/12/1998 | FRANCE | N°97-60521

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 1998, 97-60521


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n° N 97-60.521 et n° P 97-60.522 formés par :

1 / la société Thomson CSF-RCM, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / la société TT 48, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un même jugement rendu le 21 octobre 1997 par le tribunal d'instance de Morlaix au profit du comité d'entreprise de la société TT 48, dont le siège est ...,

défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 novemb

re 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Bouret, conseill...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n° N 97-60.521 et n° P 97-60.522 formés par :

1 / la société Thomson CSF-RCM, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / la société TT 48, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un même jugement rendu le 21 octobre 1997 par le tribunal d'instance de Morlaix au profit du comité d'entreprise de la société TT 48, dont le siège est ...,

défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 novembre 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Bouret, conseiller rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Le Roux Cocheril, Ransac, Chagny, conseillers, M. Frouin, Mmes Girard, Barberot, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Bouret, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société TT 48, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Thomson CSF-RCM, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat du comité d'entreprise de la société TT 48, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité joint les pourvois n N 97-60.521 et P 97-60.522 ;

Sur les moyens réunis du pourvoi de la société TT 48 et du pourvoi de la société Thomson CSF-RCM :

Attendu que les deux sociétés font grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Morlaix, 21 octobre 1997), d'avoir retenu l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés Thomson CSF-RCM et TT 48 et de les avoir en conséquence condamnées à mettre en place un comité d'entreprise commun, alors, selon le pourvoi de la société TT 48 de première part, que pour décider la création d'une UES entre la société TT 48 et la société Thomson CSF-RCM, le jugement prend uniquement en considération les éléments concernant l'établissement de Brest de cette dernière société, et fait silence sur deux autres établissements situés l'un à Elancourt (78) et l'autre à Pessac (33), de sorte qu'en s'abstenant de définir le périmètre réel de la prétendue UES et de rechercher si elle correspondait à une meilleure représentation de chacune de ses entités, le juge électoral a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, de deuxième part, qu'en tout état de cause, méconnaît son office au regard de l'article L. 433-11 du Code du travail et viole les articles 10 et 13 du décret des 16-24 août 1790, le juge électoral qui enjoint aux parties d'avoir à réaliser, dans un délai d'un mois, des élections d'un comité d'entreprise au sein de la prétendue UES, préjugeant ainsi de l'existence ou de l'inexistence d'un découpage en plusieurs établissements dotés de comités propres, et d'un comité central d'entreprise, découpage qui, à défaut d'accord entre les

parties, relève exclusivement, selon l'article L. 433-2 des compétences de l'autorité administrative ; alors, de troisième part, que l'unité économique et sociale s'apprécie en l'état de la situation existante à la date de la requête introductive d'instance ; qu'en décidant néanmoins d'apprécier la situation des deux sociétés au regard de l'unité économique et sociale, à la date de la survenance des difficultés économiques éprouvées par la société TT 48 et avant que n'ait été envisagé le licenciement économique, soit à une période manifestement antérieure à la requête introductive d'instance, le Tribunal a violé l'article L.431-1 du Code du travail ; alors, de quatrième part, qu'en ne cessant de se référer à l'appartenance des deux sociétés au groupe Thomson CSF, pour en déduire que la société TT 48, moins puissante, serait privée de toute autonomie par rapport à la société Thomson CSF-RCM, le jugement ne fait que relever des indices propres à caractériser la reconnaissance d'un comité de groupe, mais non celle d'une unité économique et sociale ; qu'en confondant dès lors ces deux critères, le Tribunal a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ;

alors, de cinquième part, en affirmant que l'absence d'indépendance économique de la société TT 48 par rapport à la société Thomson CSF-RCM est "évidente", du fait que ces deux sociétés appartiennent au même groupe et que la production de TT 48 doit être vendue à RCM dans des conditions satisfaisantes pour l'une et l'autre, le jugement élude complètement les conclusions de l'exposante qui faisaient valoir que les charges de travail données à Thomson CSF-RCM ne représentaient que 11,7% des charges totales de TT 48 pour 1997 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à établir l'absence d'unité économique entre les deux sociétés, le Tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de sixième part, que l'unité économique est notamment caractérisée par une direction commune des sociétés ; qu'en l'espèce, si MM. X..., Z... de TT 48 et Oudot, directeur, étaient salariés de Thomson CSF-RCM, ils n'en étaient pas dirigeants, de sorte qu'il n'existait pas de commandement unique des deux entreprises auprès duquel puisse s'instaurer une représentation valable des travailleurs ;

qu'en déclarant néanmoins, que l'unité économique était caractérisée par leur présence au sein des deux entités, le Tribunal a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, de septième part, que le recours de la société TT 48, aux services de Mme Y..., simple salariée responsable des relations sociales, au sein de la société Thomson CSF-RCM, afin de l'assister au cours de certaines réunions (7 sur 30) du comité d'entreprise, n'était pas de nature à conférer à cette dernière une quelconque qualité de dirigeante de la société TT 48, au moment où elle siégeait dans lesdites réunions, qu'en affirmant cependant que cette dernière avait "bien sûr un rôle évident quant à la gestion du personnel", de la société TT 48, le Tribunal a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, de huitième part, que l'unité sociale est caractérisée par un statut collectif unique, une gestion du personnel commune et une permutabilité des salariés établissant l'existence d'une communauté de travailleurs ; que, dès lors, en affirmant que les salariés de Thomson CSF-RCM et TT 48, avaient un statut similaire résultant de l'application de la convention Thomson-CSF, en sa rédaction de 1995 pour l'une et de 1987 pour l'autre sans s'expliquer sur les nombreuses différences entre les deux textes, répertoriés par TT 48, et surtout sans s'expliquer sur les conditions de travail différentes, élément essentiel pour caractériser l'unité sociale, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 431-1 du Code du Travail ; alors, de neuvième part, qu'en s'abstenant de rechercher si la très forte disparité de catégories de personnel au sein de chacune des deux sociétés (49% des cadres et 12,8% d'ouvriers chez Thomson CSF-RCM contre 4,76% de cadres et 70% d'ouvriers chez TT 48), n'était pas de nature à constituer un obstacle à la reconnaissance d'une communauté de travailleurs liés par des intérêts communs, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, de dixième part, qu'en déclarant qu'en deux ans, huit salariés de TT 48 avaient été mutés au sein de Thomson CSF-RCM, sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, ces reclassements n'avaient pas été opérés dans le cadre de procédures de licenciement collectif imposant à l'employeur de satisfaire à son obligation de reclassement au sein du groupe, même en l'absence d'UES, et non de transferts ou détachements provisoires selon les besoins de l'une ou l'autre des entreprises caractérisant la permutabilité du personnel, le Tribunal a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 431-1 du travail, alors, enfin, que le juge s'abstient totalement de s'expliquer sur l'avantage que présenterait pour les salariés de TT 48 le passage au régime de l'UES, d'où il résulterait que la représentation des 85 salariés de cette société, serait confondue avec celle de la société Thomson CSF-RCM qui comprend elle-même 3200 salariés et provoquerait, par voie de conséquence, la disparition du bénéfice de la représentation unique dont ils disposaient auprès du chef d'entreprise, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 431-1, alors, selon le pourvoi de la société Thomson RCM, d'une part, que l'unité économique et sociale s'apprécie en l'état de la situation existante à la date de

la requête introductive d'instance ; qu'en reprenant ce principe et en décidant néanmoins d'apprécier la situation des deux sociétés au regard de l'unité économique (complémentarité d'activité, production TT 48 destinée à RCM, consolidation des comptes...) Et de l'unité sociale (transfert et reclassement...) En janvier 1997, date à laquelle TT 48 avait décidé de procéder à des licenciements collectifs, soit plus de six mois avant la requête introductive d'instance, voire même à une période plus ancienne encore comme septembre 1996, le Tribunal a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, d'autre part, en toute hypothèse, qu'en retenant la volonté de l'employeur de faire disparaître l'unité pour décider d'examiner la situation des entreprises à la date où le projet de licenciement avait été formé et non à la date de la requête, sans s'expliquer sur les éléments l'ayant conduit à admettre une telle attitude de sa part, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, en outre, que l'unité économique est notamment caractérisée par une direction commune des sociétés, qu'en l'espèce si MM. X..., Z... de TT 48 et Oudot, directeur, étaient salariés de Thomson CSF-RCM ils n'en étaient pas dirigeants, de sorte qu'il n'existait pas de commandement unique des deux entreprises ; qu'en déclarant néanmoins que l'unité économique était caractérisée par leur présence au sein des deux entités, le Tribunal a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, au surplus, qu'en retenant la présence de Mme Y..., chargée des ressources humaines au sein de RCM, lors de 7 réunions du comité d'entreprise de TT 48 pour admettre l'existence d'une unité économique, sans répondre aux conclusions de la société Thomson CSF-RCM selon lesquelles en raison de la petite taille la société TT 48 faisait régulièrement appel à des spécialistes, issus des autres sociétés du groupe Thomson, en cas de difficultés particulières pour la solution desquelles elle avait besoin de conseil, le Tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors par ailleurs, qu'en s'abstenant de rechercher si, comme le faisait valoir la société Thomson CSF-RCM, l'absence d'imbrication de capitaux avec TT 48 ne démontrait pas l'absence d'unité économique, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, de même que, l'unité sociale est caractérisée par un statut collectif identique, une gestion du personnel commune et une permutabilité du personnel établissant l'existence d'une communauté de travailleurs ; que, dès lors, en affirmant que les salariés de Thomson CSF-RCM et TT 48 avaient un statut social similaire, résultant de l'application de la convention Thomson CSF en sa rédaction de 1995, pour l'une et de 1987 pour l'autre, sans s'expliquer sur les nombreuses différences existant entre les deux textes, répertoriées par Thomson CSF-RCM, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, encore qu'en constatant que les horaires et les règlements intérieurs étaient différents, en raison des activités distinctes et en retenant néanmoins un statut collectif commun, le Tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a ainsi violé l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, dans le même sens, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la

société Thomson CSF-RCM, selon lesquelles la répartition du personnel dans les différentes catégories, cadres, agents de maîtrise, ouvriers étaient totalement différentes dans chaque société d'où il résultait l'absence d'une communauté de travailleurs, le Tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors également, qu'en déclarant qu'en deux ans, huit salariés de TT 48 avaient été mutés au sein de Thomson CSF-RCM sans rechercher si, comme le soutenait la société, ces reclassements n'avaient pas été opérés dans le cadre de procédures de licenciement collectif imposant à l'employeur de satisfaire à son obligation de reclassement, et non de transferts ou détachements provisoires selon les besoins de l'une ou de l'autre des entreprises caractérisant la permutabilité du personnel, le Tribunal a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, enfin, qu'en déclarant que la gestion du personnel était commune sans s'expliquer sur l'existence de deux services du personnel distincts, établis par les organigrammes fermés aux débats, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le juge du fond, devant qui il n'était pas soutenu que la société Thomson CSF-RCM eût d'autres établissements que celui de Brest, et qui, appelé à statuer uniquement sur l'existence d'une unité économique et sociale, n'avait pas à s'expliquer sur les avantages que présenterait cette reconnaissance a, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la période antérieure à la date de la demande, apprécié l'existence de l'UES en l'état de la situation existante à la date de la requête introductive d'instance ;

Attendu, ensuite, que le juge du fond a estimé, répondant ainsi aux conclusions, que, à la date de la demande les activités des deux entreprises, appartenant toutes deux au même groupe, étaient complémentaires ; qu'ayant constaté que le président directeur général et le directeur de la société TT 48 étaient salariés de Thomson CSF-RCM, que le directeur des ressources humaines de cette société assistait les dirigeants de la société TT 48, en a à bon droit déduit qu'il existait une concentration de pouvoirs et a pu décider qu'il existait entre les deux sociétés une unité économique ;

Attendu, enfin, que le tribunal d'instance, dont le jugement constate que le responsable des ressources humaines de la société Thomson CSF-RCM jouait un rôle prédominant dans la gestion du personnel de la société TT 48, qu'une partie de celui-ci avait été muté au sein de Thomson-RCM et que les différences de statut social entre les salariés des deux entreprises étaient minimes, a fait ressortir qu'il y avait gestion centralisée du personnel ; qu'ayant ainsi caractérisé l'existence d'une communauté de travailleurs ayant des intérêts communs, il a pu décider qu'il y avait unité sociale ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-60521
Date de la décision : 16/12/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Morlaix, 21 octobre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 1998, pourvoi n°97-60521


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WAQUET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.60521
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