AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° E 96-17.730 formé par :
1 / M. Yves X...,
2 / Mme Marie-Thérèse C..., épouse X...,
demeurant ensemble ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 mai 1996 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre, section A) , au profit :
1 / M. Jean-Claude Z...,
2 / Mme Danielle A..., épouse Z...,
demeurant ensemble ...,
3 / Mme Danielle Y..., épouse de la Pena Gabancho,
4 / M. Enrique de D...,
5 / Mlle Isabel de D...,
6 / M. David de D...,
demeurant tous quatre Le Chesnay Piguelay, 35440 Guipel,
défendeurs à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° Y 96-19.840 formé par Mme Danielle Y..., épouse de la Pena Gabancho,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1 / de M. Jean-Claude Z...,
2 / de Mme Danielle A..., épouse Z...,
3 / de M. Yves X...,
4 / de Mme Marie-Thérèse C..., épouse X...,
5 / M. Enrique de D...,
6 / Mlle Isabel de D...,
7 / M. David de D...,
défendeurs à la cassation ;
Sur le pourvoi n° E 96-17.730 :
MM. B..., David et Mlle Isabell de D... ont formé, par mémoire déposé au greffe le 10 mars 1997, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les époux X..., demandeurs au pourvoi principal, invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation, également annexé au présent arrêt ;
Sur le pourvoi n° E 96-19.840 :
MM. B..., David et Mlle Isabell de D... ont formé, par mémoire déposé au greffe le 7 avril 1997, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Mme de D... Gabancho, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation, également annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 novembre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Philippot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Philippot, conseiller, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat des époux X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme veuve de D... Gabancho, de MM. B... et David et de Mlle Isabel de D..., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat des époux Z..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n° E 96-17.730 et n° Y 96-19.840 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal n° E 96-17.730, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 mai 1996), qu'un immeuble acquis par les époux de D... a été, après le décès de M. de D..., vendu, par acte sous seing privé du 29 avril 1993 signé par Mme de D..., aux époux Z... et, par acte sous seing privé du 4 mai 1993, signé par les consorts de D..., aux époux X... ; que les époux Z... ont assigné Mme de D... en réitération de la vente, les enfants de la Pena : B..., Isabel et David intervenant volontairement à l'instance, de même que les époux X... ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande des époux Z... alors, selon le moyen, "que les consorts de D..., c'est-à-dire David, B... et Isabel de D..., avaient, dans leurs conclusions signifiées le 16 octobre 1995, et expressément reprises par M. et Mme X..., déclaré qu'ils niaient la délivrance de leur accord à l'acte du 29 avril 1993, au profit des époux Z... ; que, dès lors, la cour d'appel, en retenant que ceux-ci s'étaient bornés à formuler une dénégation de principe de leur consentement, et avaient effectivement acquiescé à la vente, a dénaturé lesdites conclusions contestant de manière claire et précise tout accord de leur part en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'ayant apprécié souverainement les circonstances ayant précédé, accompagné et suivi l'établissement de l'acte et la portée et le sens de la dénégation du consentement à cet acte des enfants de la Pena, contenue dans leurs conclusions signifiées le 16 octobre 1995, la cour d'appel a, sans dénaturation, souverainement retenu qu'ils avaient approuvé et ratifié, de façon non ambiguë, la promesse de vente du 29 avril 1993 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du pourvoi principal n° E 96-17.730, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur le moyen unique du pourvoi principal n° Y 96-19.840 et des pourvois incidents de MM. B..., David et Mlle Isabel de D..., réunis :
Attendu que les époux X..., F... de la Pena et les enfants de la Pena font grief à l'arrêt d'accueillir la demande des époux Z... alors, selon le moyen, "1 ) qu'il doit être passé acte devant notaires ou signatures privées de toutes choses, excédant une somme ou une valeur fixée par décret, qui est actuellement de 5 000 francs ; qu'en se bornant à déduire l'existence d'un engagement à la charge des enfants de la Pena en ce qui concerne l'acte du 29 avril 1993, signé par leur mère, à partir des seules circonstances objectives et faits précis relatés dans leurs conclusions par les époux Z..., l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles 1341 et 1347 du Code civil ; 2 ) que la cour d'appel, en se fondant sur les mêmes circonstances déclarées "objectives" et des "mêmes faits précis" contemporains de la signature du compromis par Mme veuve de D... Gabancho, n'a pas caractérisé l'existence d'une ratification par les consorts de D... de l'acte signé par leur mère, en l'absence d'actes de ces coïndivisaires, démontrant avec évidence leur intention d'accepter le contrat proposé ; que, dès lors, l'arrêt attaqué est aussi entaché d'un manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 3 ) qu'un indivisaire ne peut procéder à la cession d'un bien indivis que s'il détient un mandat spécial d'aliéner dûment conféré par les coïndivisaires non signataires de l'acte ; que la cour d'appel, qui, pour déclarer valable la vente conclue par Mme de D... Gabancho seule, a retenu, au sein de sa motivation, qu'une procuration sous seing privé avait pu être établie chez Me E... ou ailleurs, en la forme authentique ou sous seing privé, a statué par des motifs hypothétiques et entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 815-3 du Code Civil ; 4
/ que comme le rappelaient expressément les enfants de la Pena dans leurs conclusions, la preuve de leur consentement à une vente pour un prix excédant 5 000 francs devait être rapportée par écrit ; qu'en l'absence de tout écrit, cette preuve d'un accord qu'ils contestaient avoir donné ne pouvait pas résulter de simples présomptions, ou de leur simple silence lors de la signature d'une promesse de vente par leur mère ; qu'en décidant que la preuve de leur consentement résultait uniquement de leur silence "ou des données de fait de l'espèce", la cour d'Appel a violé l'article 1341 du Code civil ; 5 / que faute de constater des actes des indivisaires de nature, postérieurement à la vente conclue par leur mère, à démontrer la ratification de cet acte de leur part, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; 6 / qu'un indivisaire ne peut procéder à la vente du bien indivis qu'avec mandat spécial des autres coïndivisaires aux fins d'aliénation de ce bien ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer valable à l'égard de tous les coïndivisaires la vente conclue par un seul coïndivisaire, qu'une procuration sous seing privé "avait pu" être établie chez Me E..., ou ailleurs, en la forme authentique ou sous seing privé, la cour d'appel, qui laisse l'existence de ce mandat à l'état de supposition, a ainsi statué par motifs hypothétiques et ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'il n'était pas contesté que Mme de D... et ses trois enfants étaient présents lors de la conclusion de la promesse de vente du 29 avril 1993, que ces derniers avaient participé à la discussion et aux tractations avec les époux Z... qui l'avaient précédée, que l'accord sur le prix et les modalités de cession débattus, ils s'apprêtaient à signer l'acte, lorsque leur mère avaient indiqué que cela était inutile en raison de l'existence d'une procuration qu'ils lui avaient donnée et d'une donation entre époux, qu'ils n'avaient ni au moment de la signature de l'acte par Mme de D... qui s'était déroulée sous leurs yeux, ni ensuite manifesté une quelconque opposition ou réserve, qu'ils avaient, au contraire, manifesté leur satisfaction sur le champ et effectué des photocopies des offres d'achat des époux Z... destinées à être annexées à la promesse de vente, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant, en a déduit que les circonstances objectives et faits précis ayant précédé, accompagné et suivi l'établissement de l'acte démontraient que les enfants de la Pena avaient approuvé et ratifié, de façon non ambiguë, la promesse de vente du 29 avril 1993, retenant, à bon droit, que le consentement et la ratification intervenus, qui ne nécessitaient pas de forme particulière, étant pleinement valables, le contrat de vente, de caractère consensuel, était parfait par simple accord des parties sur la chose et le prix, et que si l'écrit du 29 avril 1993 valait preuve directe et matérielle de l'accord de Mme de D..., l'ensemble des données de fait précises et concordantes de l'espèce établissait et confirmait celui de ses enfants ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, les époux X... et F... de la Pena à payer aux époux Z... la somme de 9 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, prononcé et signé par Mlle Fossereau, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du seize décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.