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16/12/1998 | FRANCE | N°95-17078

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 1998, 95-17078


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Anne-Marie Y..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 20 avril 1995 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), au profit de la société Fidal, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La société Fidal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;r>
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Anne-Marie Y..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 20 avril 1995 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), au profit de la société Fidal, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La société Fidal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 novembre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Bouret, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli, Le Roux-Cocheril, Ransac, Chagny, conseillers, M. Frouin, Mmes Girard, Barberot, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Bouret, conseiller, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de Mme Y..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Fidal, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Y... a été engagée, en 1985, en qualité de "manager" par la société AJF et associés, devenue par la suite Peat Marwick, société de conseils juridiques ; qu'elle sera promue "partner" le 1er octobre 1991 ; qu'en prévision d'une absorption de la société Peat Marwick par la société Fidal, il avait été prévu, lors d'une réunion tenue le 30 juin 1988, que les conseils juridiques de la société Peat Marwick continueraient, après l'absorption, à être rémunérés, selon les règles en vigueur dans cette société ; que, dans les projets de budget 1991-1992 et 1992-1993 la rémunération de Mme Y... avait été prévue conformément à ces règles ; que la société Fidal est devenue société d'avocats dès l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1990 ; que Mme Y... est devenue avocat, salariée de cette société ; qu'en novembre 1992, la société Fidal soumettait à Mme Y... un contrat de travail qui réduisait a postériori sa rémunération pour l'exercice 1991-1992 et revenait sur sa classification indiciaire pour l'exercice 1992-1993 ; que Mme Y..., estimant que sa rémunération aurait dû être conforme aux conditions prévues le 30 juin 1998 et que son employeur lui imposait unilatéralement une modification substantielle de son contrat de travail, prenait acte, le 3 juin 1993, de la rupture du contrat de travail du fait de la société Fidal ;

que la cour d'appel de Versailles, saisie par Mme Y... après décision du bâtonnier (du barreau des Hauts-de-Seine), a considéré que Mme Y... était fondée à prendre acte de la rupture du contrat de travail du fait de la modification substantielle, imposée par l'employeur, des conditions de rémunération, accordé à Mme Y... des rappels de salaires ainsi qu'une indemnité de licenciement calculée selon les dispositions de la convention collective du 20 février 1979 réglant les rapports entre les avocats et leur personnel, considéré que ce licenciement avait une cause réelle et sérieuse et rejeté la demande d'indemnité formée par Mme Y... pour licenciement abusif, et considéré que Mme Y... n'avait commis aucun acte de détournement de clientèle au détriment de son ancien employeur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la salariée :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 1995) de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que si la réduction de la rémunération à raison des difficultés économiques que connaît l'entreprise peut conférer au motif du licenciement du salarié qui refuse de l'accepter un caractère réel et sérieux, c'est à la condition qu'elle soit annoncée par l'employeur dès que les difficultés sont connues et sans rétroactivité ; qu'ainsi, en l'espèce où Mme Y... n'a appris qu'en novembre 1992 que son salaire pour l'exercice 1991-1992 commençant le 1er octobre 1991 ne bénéficierait pas de l'augmentation prévue au contrat de travail, la cour d'appel, qui, tout en admettant que l'annonce de la modification avait été tardive et sans concertation a jugé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse, a violé les articles L. 122-14-3 du Code du travail, 7 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, 137 et 142 du décret du 27 novembre 1991 ;

Mais attendu que le licenciement prononcé à la suite du refus par un salarié de la modification de son contrat de travail a pour cause le motif de cette modification ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la modification était justifiée par des difficultés économiques réelles ; qu'elle a, dès lors, pu décider que le licenciement avait une cause économique ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident formé par l'employeur :

Attendu que la société Fidal fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la demande de rappel de salaire, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Fidal qui faisaient valoir que la progression du nombre d'Units n'était pas au sein de la société Peat Marwik, déterminée par la seule ancienneté, mais en fonction d'un ensemble de critères appliqués à chaque cas, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, s'agissant d'un usage dans l'entreprise, il appartient au salarié de rapporter la preuve non seulement d'un usage, mais de son contenu, à savoir que l'attribution des "Units" aurait dépendu du seul critère de l'ancienneté, de sorte qu'en retenant l'existence d'un usage sans caractériser les conditions de l'octroi d'Units sur le critère de l'ancienneté, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ; alors, de troisième part, qu'en retenant que le procès-verbal de réunion du 30 juin 1988, à une date antérieure à la prise d'effet de la fusion, établirait que le critère de l'ancienneté serait le seul permettant de déterminer le nombre d'Units, bien qu'il s'agisse d'un simple document de travail non signé qui n'émane pas de la direction de l'entreprise, ni surtout de la société Fidal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du Code civil ; alors, enfin, qu'à supposer que le "procès-verbal de réunion du 30 juin 1988" ait la moindre valeur entre les parties, ce document qui faisait référence à la notion d'ancienneté n'émettait qu'un souhait de la part des futurs avocats salariés et était contredit par d'autres mentions qui plafonnaient certains partners à 415 units au lieu de 430 comme prévu à la page 1 dudit protocole, de sorte qu'en admettant que ce document aurait établi une augmentation d'"Units" sur la seule base de l'ancienneté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1315 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve que, selon l'usage en vigueur dans l'entreprise, le salaire des "partners" progressait automatiquement à l'ancienneté ; que, répondant ainsi aux conclusions, elle a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Fidal fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Y... avait droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue à la convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats du 20 février 1979 alors, selon le moyen, que, si les dispositions de l'article 46 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, comportent des dispositions transitoires, il reste que ces dispositions ne concernent que les rapports entre les avocats et leur personnel et non les avocats entre eux ;

Mais attendu que l'article 46 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par la loi du 31 décembre 1990, qui dispose qu'à défaut de convention collective propre à la profession d'avocat conclue au 31 décembre 1992, et à défaut de nouvelle convention collective de travail à l'expiration de ce délai, la convention collective applicable aux rapports entre les avocats et leur personnel est la convention collective des avocats et ses avenants, soit celle du 20 février 1979, ne fait aucune distinction entre le personnel salarié non-avocat et le personnel salarié avocat, alors que d'autres articles du chapitre des dispositions transitoires font cette distinction ; qu'aucune convention collective concernant spécialement les avocats salariés n'étant intervenue à la date de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a exactement décidé qu'il en résulte que l'indemnité de licenciement de M. X... devait être calculée, selon les règles de la convention collective du 20 février 1979 ;

qu'elle a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Fidal fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Y... avait satisfait aux principes essentiels de la profession et n'avait pas opéré de détournement de clientèle et d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel qui constate elle-même que Mme Y... est intervenue dans "le suivi de dossiers fiscaux" de plusieurs clients, mais qui dénie l'existence de travaux en cours, ne tire pas les conséquences de ses propres constatations et viole l'article 5 du règlement intérieur du barreau des Hauts-de-Seine ; alors, d'autre part, que la déontologie impose à tout avocat non seulement de solliciter l'accord du confrère à qui il succède, mais également de vérifier si le client est en règle avec l'intéressé en ce qui concerne ses honoraires, de sorte qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de Mme Y... qui faisaient valoir que, notamment le 11 octobre 1993, celle-ci avait certes informé la société Fidal de ce qu'elle interviendrait pour certaines des opérations concernant la société EDS, mais n'avait nullement abordé la question des honoraires dus au cabinet, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, après avoir constaté que Mme Y... avait respecté les règles déontologiques envers son ancien employeur en l'avisant, dès sa prise de nouvelles fonctions, de ce que plusieurs anciens clients de la société Fidal lui avaient demandé d'être son conseil, a relevé que la société Fidal n'apportait pas la preuve, qui lui appartenait, de ce qu'elle avait pour ces sociétés des dossiers ou des travaux en cours ; qu'elle a ainsi justifié sa décision au vu des éléments de fait qui lui étaient présentés ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a adopté les motifs du premier juge constatant que Mme Y... avait abordé la question des honoraires dus au cabinet, a, par là-même, répondu en les écartant aux conclusions ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-17078
Date de la décision : 16/12/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS COLLECTIVES - Avocats - Domaine d'application - Avocat salarié.

CONVENTIONS COLLECTIVES - Avocats - Licenciement - Licenciement économique - Constatations.

CONVENTIONS COLLECTIVES - Avocats - Licenciement - Salaire - Progression à l'ancienneté.


Références :

Convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats du 20 février 1979

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), 20 avril 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 1998, pourvoi n°95-17078


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.17078
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