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15/12/1998 | FRANCE | N°95-15307

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 décembre 1998, 95-15307


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° A 95-15.307 formé par la société civile immobilière (SCI) France Promotion X... Murat, dont le siège est ..., représentée par son gérant, M. Louis Y...,

en cassation d'un arrêt rendu le 27 mars 1995 par la cour d'appel de Paris (19e Chambre, Section A), au profit :

1 / de la société Banque du bâtiment et des travaux publics, BTP, dont le siège est ...,

2 / de l'Entreprise Petit, dont le siège est ...,r>
3 / de M. Alain Z..., ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° A 95-15.307 formé par la société civile immobilière (SCI) France Promotion X... Murat, dont le siège est ..., représentée par son gérant, M. Louis Y...,

en cassation d'un arrêt rendu le 27 mars 1995 par la cour d'appel de Paris (19e Chambre, Section A), au profit :

1 / de la société Banque du bâtiment et des travaux publics, BTP, dont le siège est ...,

2 / de l'Entreprise Petit, dont le siège est ...,

3 / de M. Alain Z..., ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Imotec, demeurant ...,

défendeurs à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° J 95-17.224 formé par la Banque du bâtiment et des travaux publics BTP Banque,

en cassation du même arrêt, au profit :

1 / de la société civile immobilière (SCI) France Promotion X... Murat,

2 / de l'Entreprise Petit,

3 / de M. Alain Z..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Imotec,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi n° A 95-15.307 invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° J 95-17.224 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 novembre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Dumas, Léonnet, Pullain, Métivet, Mme Garnier, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la Banque du bâtiment et des travaux publics, de Me de Nervo, avocat de la société France Promotion X... Murat, de Me Bertrand, avocat de M. Z..., ès qualités, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n J 95-17.224 et A 95-15.307, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 1995), que la SCI France Promotion X... Murat a confié à la société Imotec des travaux immobiliers que celle-ci a, pour partie, sous-traité à la société Entreprise Petit ; que la société Imotec a cédé ses créances contre la SCI à la Banque du Bâtiment et des Travaux Publics (la banque) ; qu'un contentieux est né sur le montant dû par la SCI à la société Imotec, les prétentions de celle-ci étant soutenues par la banque, en sa qualité de cessionnaire ; qu'en outre, la société Petit a exercé l'action directe contre la SCI pour recouvrer contre elle les sommes impayées par la société Imotec ; qu'au cours de l'instance, le Premier Président de la cour d'appel, statuant sur demande de sursis à exécution provisoire a ordonné une consignation de certaines sommes par la SCI ; que la banque, la société Petit et la SCI ont réclamé l'attribution de ces sommes ; que la SCI a demandé la résiliation du marché conclu avec la société Imotec, et contesté les prétentions à paiement émanant du mandataire liquidateur représentant cette société, ainsi que celles de la société Petit et de la banque ;

Sur le moyen unique du pourvoi n J 95-17.224, pris en ses deux branches :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir accordé une partie des sommes consignées à la société sous-traitante, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'ayant constaté que l'affectation spéciale résultant de la consignation ordonnée par le délégataire du Premier Président le 10 juillet 1992, et tendant à la garantie du paiement des créances acquises par la société Imotec, telles que fixées par le jugement du 21 avril 1992, consacrant la validité de la cession de créances consentie à la BTP, devait "profiter au seul banquier cessionnaire en raison de l'effet de transfert de patrimoine résultant" de ladite cession, l'arrêt attaqué n'a, dans son dispositif qui, au vu de ladite ordonnance, "dit qu'après complet paiement des sommes dues en principal à la société Petit, telles que déterminées par le présent arrêt, le reliquat des sommes consignées entre les mains de l'avoué... sera versé à la Banque du Bâtiment et des Travaux Publics" introduit une restriction à l'affectation spéciale, au détriment de la banque, cessionnaire régulier, qu'au prix d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ; qu'ainsi l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de motifs, en violation des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'ayant distingué et

chiffré les créances respectives sur la SCI France Promotion X... Murat, maître de l'ouvrage de l'entreprise Petit, sous-traitant exerçant l'action directe, et de la banque BTP, bénéficiaire d'une cession de créance régulière sur les travaux exécutés par la société Imotec, l'arrêt attaqué ne pouvait pas remettre en cause l'affectation spéciale de la consignation résultant de l'ordonnance du 10 juillet 1992, et portant sur la seule créance d'Imotec cédée à la BTP, à laquelle l'entreprise Petit, dont la créance propre était différente, restait étrangère ; qu'en limitant le droit de la BTP au seul reliquat de ladite consignation, après désintéressement complet du sous-traitant, l'arrêt attaqué a méconnu les effets légaux du transfert dans le patrimoine de la banque, à partir du bordereau de cession établi le 29 avril 1991, de la créance, dûment établie et chiffrée, d'Imotec sur le maître de l'ouvrage et accordé à l'entreprise Petit, sans aucun droit sur l'affectation spéciale susvisée, une sorte de privilège ne reposant sur aucun texte ni aucune communauté de créance ; qu'ainsi l'arrêt attaqué n'a restreint les droits de la BTP sur l'affectation spéciale découlant du jugement du 21 avril 1992, pour la créance cédée par Imotec, qu'en violation des articles 4 et 5 de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 et 2095 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est sans se contredire que la cour d'appel a retenu que certaines sommes étaient dues par la SCI à la société Imotec, et que la banque était cessionnaire de ces sommes, puis a décidé que les droits de cet établissement étaient primés par ceux de la société sous-traitante ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a statué à bon droit comme elle a fait, dès lors qu'en l'absence du cautionnement personnel et solidaire prévu par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, la cession par l'entrepreneur principal de créances correspondant à des travaux qu'il a sous-traités est inopposable au sous-traitant, peu important qu'une telle cession et le paiement effectué pour en assurer l'exécution soient intervenus antérieurement à l'exercice de l'action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur les cinq moyens, réunis en leurs diverses branches, du pourvoi n A 95-15.307 :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat d'entreprise et le contrat de mandat peuvent exister conjointement en présence d'une mission complexe, comportant à la fois des actes matériels et des actes juridiques ; qu'en décidant que le contrat d'entreprise et le contrat de mandat étaient antinomiques, la cour d'appel a violé les articles 1710 et 1984 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'article 9 du contrat litigieux disposait : le présent contrat emporte pour l'entrepreneur pouvoir de conclure les contrats, recevoir les travaux, liquider les marchés et généralement celui d'accomplir à concurrence du prix global, convenu tous les actes qu'exige la réalisation du programme ; qu'en énonçant que le marché litigieux (article 9) ne donnait pas mandat à la société Imotec de conclure des contrats au nom du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a dénaturé les termes du contrat en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, que les juges du fond ne peuvent justifier leur décision, en se contentant d'affirmer l'existence de faits contestés par les parties ; qu'en affirmant purement et simplement et de manière erronée, que les contrats de sous-traitance avaient été communiqués à la SCI antérieurement au jugement, la cour d'appel, qui n'a pas visé les documents sur lesquels elle s'est fondée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ; alors, au surplus, que dans ses conclusions d'appel, la SCI a fait valoir que la société Imotec avait commis une faute justifiant la résiliation du contrat, en omettant d'informer la BTP des contrats de sous-traitance, et d'avoir ainsi obtenu une cession de créance de la totalité du marché, au préjudice du maître de l'ouvrage qui avait déjà payé entre les mains de la BTP, une somme de plus de 5 millions de francs ; qu'en omettant de répondre aux conclusions de la SCI sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, par ailleurs, que l'article 17-1 du CCAG dispose en son paragraphe "Résiliation aux torts du maître de l'ouvrage", que dans le cas de résiliation du marché décidée par le maître de l'ouvrage, l'indemnisation due à l'entreprise ne serait évaluée "que d'après les dépenses dont "I'entrepreneur justifierait" ; qu'en condamnant la SCI à payer les sommes de 5 680 375,03 francs, sans rechercher comme l'y invitaient les conclusions d'appel de la SCI (concl. 25 janvier 1995, p.10 à 12 et p.13 7 et 8), si la résiliation unilatérale intervenue à l'initiative du maître de l'ouvrage, n'avait pas modifié les obligations des parties quant au montant des sommes en litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, encore, qu'il résulte de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, que l'entrepreneur principal peut céder à un établissement de crédit sa créance de travaux, à l'exclusion des travaux sous-traités ; que le débiteur cédé (maître de l'ouvrage) a qui la cession a été notifiée, ne doit se libérer auprès de l'établissement de crédit que des travaux effectivement exécutés par l'entrepreneur principal, la cession de créance des travaux soustraités lui étant inopposable ;

qu'ayant constaté que la banque BTP s'était vue céder l'intégralité des créances, résultant du marché conclu entre la SCI et la société Imotec, entrepreneur ; que les travaux de construction avaient été sous-traités, la cour d'appel ne pouvait condamner la société France Promotio X... Murat à payer à la BTP les sommes supérieures aux travaux exécutés par l'entreprise cédante ; qu'en omettant de rechercher le montant de la créance de l'entrepreneur principal, après déduction des travaux sous-traités, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 modifié par la loi n 81-1 du 2 janvier 1981 ; et alors, enfin, qu'une cour d'appel ne peut se fonder sur une pièce dont il n'apparaît pas qu'elle ait été régulièrement communiquée et qui n'a donc pas pu faire l'objet d'un débat contradictoire ; qu'en l'espèce, malgré trois sommations, la société Petit n'a communiqué aucune pièce ; qu'ainsi les mises en demeure de payer qu'elle prétend avoir adressées à la SCI France Promotion X... Murat n'ont pas été versées aux débats ; qu'en se fondant néanmoins sur ces pièces, le cour d'appel a violé les articles 15,16 et 132 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans dénaturer le contrat litigieux mais en relevant l'absence de toute référence à un mandat de la SCI à la société Imotec, et sans énoncer l'incompatibilité de principe entre un tel mandat et une mission d'entreprise, que l'arrêt analyse les engagements réciproques entre ces sociétés et se prononce sur leur qualification ;

Attendu, en deuxième lieu, que le motif relatif à la communication des divers contrats de sous-traitance à la SCI au cours de la procédure de première instance est surabondant, dès lors que l'arrêt rejette la demande de résiliation du contrat pour omission de diverses communications, en considérant que la SCI a, par ailleurs, reçu les renseignements essentiels sur la situation des sous-traitants, et que les griefs invoqués par la SCI contre elle, n'auraient pu être opérants que dans le cas, écarté, d'une opération de promotion immobilière ; que par ce même motif, l'arrêt justifie son refus de prononcer la résiliation demandée par la SCI, pour une faute commise par la société Imotec à l'encontre de la banque ;

Attendu, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient le troisième moyen, les conclusions invoquées ne demandent pas à la juridiction d'appel de se prononcer sur les conséquences de la résiliation unilatérale du marché, à l'initiative de la SCI, précisant au contraire qu'une autre juridiction aurait à en connaître, et aucune conséquence juridique n'y étant tirée des allusions faites à cette question ;

Attendu, en quatrième lieu, que, contrairement à ce qu'y est soutenu par le quatrième moyen, la cour d'appel a recherché quel était le solde du montant de la créance de l'entreprise principale après déduction de ce qui était dû à la société sous-traitante ;

Attendu, enfin, que les sommations de communiquer ne visant pas particulièrement les sommations, que la SCI était censée avoir déjà reçues par ministère d'huissier de justice, c'est sans méconnaître les textes cités par le dernier grief que l'arrêt a pu tenir comme non contestées les conclusions prises au nom de la société Imotec invoquant de telles sommations et suivies d'aucune dénégation à cet égard ;

D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société France Promotion X... Murat et la Banque du bâtiment et des travaux publics BTP Banque aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-15307
Date de la décision : 15/12/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Action en paiement - Cession de la créance par l'entrepreneur principal - Inopposabilité au sous-traitant.


Références :

Loi 75-1334 du 31 décembre 1975 art. 14

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (19e Chambre, Section A), 27 mars 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 déc. 1998, pourvoi n°95-15307


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.15307
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