AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société de travaux et installations industrielles (STII), dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1995 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), au profit de la société SIEMPA, dont le siège est ..., aux droits de laquelle vient la société Entrepose-Montalev,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 novembre 1998, où étaient présents : M. Laplace, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Séné, conseiller rapporteur, M. Buffet, Mmes Borra, Lardet, M. Etienne, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Chemithe, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Séné, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de la Société de travaux et installations industrielles, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SIEMPA, les conclusions de M. Chemithe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 octobre 1995) que des désordres ont affecté des travaux, confiés par un maître d'ouvrage à la société SIEMPA que celle-ci avait sous-traités à la Société de travaux et installations industrielles ;qu'imputant à la société SIEMPA, aux droits de laquelle se trouve la société Entreprose-Montalev, un retard injustifié de paiement alors qu'elle avait elle-même été payée par le maître d'ouvrage et avait conservé les fonds, la société sous-traitante a demandé la réparation du préjudice financier qu'elle avait ainsi subi ; que cette demande ayant été accueillie en première instance, la société SIEMPA a interjeté appel ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement qui lui était déféré, alors, selon le moyen, que, d'une part, aucun moyen, même d'ordre public, non soulevé par les parties, ne pourra être examiné d'office sans que celles-ci aient été appelées à présenter leurs observations à cet égard ; qu'en se fondant sur la règle qui n'avait été invoquée par quiconque, posée par l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation le 3 mars 1995 en matière de point de départ des intérêts moratoires en cas de restitution de sommes payées indûment et en affirmant "comme ça" que la solution posée par cet arrêt de principe doit être étendue aux mesures provisoires et conservatoires autorisées par un juge, précisément à une saisie-arrêt, sans avoir invité les parties à s'expliquer quant à ce, la cour d'appel viole l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, ensemble méconnaît les exigences des droits de la défense ; que, d'autre part et en toute hypothèse, le juge doit trancher le litige soumis à son examen conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que la cour d'appel était saisie de demandes fondées sur le retard dans le paiement d'une créance dont le débiteur reconnaissait qu'elle était due, si bien qu'en statuant sur le fondement des règles relatives au point de départ des intérêts moratoires en cas de restitution de sommes payées indûment, la cour d'appel méconnaît son office au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, violé ;
qu'enfin, en l'absence de consignation des sommes saisies arrêtées, la décision ayant prononcé la saisie-arrêt n'arrête pas le cours des intérêts moratoires qui restent dus jusqu'au paiement effectif ; qu'en ne constatant pas l'existence d'une consignation de la créance saisie par la société Siempa sur elle-même, la cour d'appel ne satisfait pas aux exigences des articles 557 du Code de procédure civile (ancien) et 1153 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société SIEMPA avait été autorisée à pratiquer entre ses mains une saisie-arrêt à l'encontre de la Société de travaux et installations industrielles, par ordonnance d'un président de tribunal de grande instance contre laquelle cette dernière n'avait exercé aucun recours et constate que la société saisissante a spontanément libéré les fonds saisis par la suite ; qu'ainsi, c'est sans violer le principe de la contradiction ni méconnaître les termes du litige que la cour d'appel, tenue de trancher la contestation conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, a statué comme elle l'a fait ;
Et attendu que la créance saisie arrêtée étant indisponible entre les mains du tiers saisi, l'absence de consignation était sans incidence ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société de travaux et installations industrielles aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.