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01/12/1998 | FRANCE | N°96-20189

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 décembre 1998, 96-20189


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de la décision de sanction contestée devant la cour d'appel que, le 25 avril 1995, la Commission des opérations de bourse (la COB) a ouvert une procédure de sanctions administratives à l'encontre de M. X..., à l'issue d'une enquête sur l'information financière diffusée par la société Compagnie immobilière Phénix (la société CIP) dont il présidait le conseil d'administration ; que le 12 mai 1995 la COB notifiait à M. X... qu'il avait à se défendre d'avoir publié des informations ni exactes, ni précises, ni sincères sur les prÃ

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Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de la décision de sanction contestée devant la cour d'appel que, le 25 avril 1995, la Commission des opérations de bourse (la COB) a ouvert une procédure de sanctions administratives à l'encontre de M. X..., à l'issue d'une enquête sur l'information financière diffusée par la société Compagnie immobilière Phénix (la société CIP) dont il présidait le conseil d'administration ; que le 12 mai 1995 la COB notifiait à M. X... qu'il avait à se défendre d'avoir publié des informations ni exactes, ni précises, ni sincères sur les prévisions de résultats de l'exercice 1993, à raison de la prise en compte d'une opération de cession de titres qui ne pouvait être intégrée dans ces prévisions et de n'avoir pas publié de communiqué rectificatif lorsque les écritures comptables constatant cette opération, qui ne s'était pas réalisée, avaient été annulées par la société ; que le président de la COB, dans un entretien portant notamment sur les dysfonctionnements induits par la crise du secteur immobilier, publié dans la revue " La Vie française " datée du 6 au 12 mai 1995 opposait au cas de certains dirigeants qui " avaient été victimes d'un certain optimisme... certains ayant cru à la reprise du secteur ", celui " des acrobaties comptables de l'immobilière Phénix, où des hôtels sont passés à des prix gonflés de filiale en filiale, comme un mistigri " ; que le 16 novembre 1995 M. X... était informé qu'au vu de ses observations, la Commission avait décidé dans sa séance du 31 octobre 1995 qu'il y avait lieu de poursuivre la procédure et que le 12 décembre 1995 la COB, retenant les griefs ci-dessus énoncés, a prononcé à l'encontre de M. X... une sanction pécuniaire de 500 000 francs et ordonné la publication de sa décision ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6, paragraphes 1 et 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial qui décidera du bien-fondé de toute accusation portée contre elle en matière pénale, à laquelle sont assimilées les poursuites en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère d'une punition prononcées par une autorité administrative, et est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ;

Attendu que pour rejeter le recours en annulation formé par M. X..., la cour d'appel retient qu'il ne résulte pas des propos reproduits une atteinte à la présomption d'innocence dès lors que, d'une part, les faits évoqués ne permettent pas de les identifier aux manquements reprochés en l'espèce, la cession de titres incriminée ne portant que pour partie sur les actions d'une société exploitant un hôtel et devant être réalisée au profit d'une société indépendante de CIP et à un prix dont l'évaluation n'a pas été contestée et, d'autre part, que l'auteur des propos incriminés, ayant cessé ses fonctions, n'a pas participé à la décision arrêtant le principe de la poursuite de la procédure ni à la décision sur le fond ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que le président de la COB (s'exprimant publiquement en cette qualité) avait déclaré que l'immobilière Phénix se livrait à des acrobaties comptables, ce qui mettait nécessairement en cause l'information diffusée par la société et qu'il était établi que ces déclarations, reproduites dans la revue " La Vie française " datée du 6 au 12 mai 1995, avaient été faites entre la délibération de la COB du 25 avril 1995 ouvrant la procédure aux fins de sanctions et la notification des griefs à M. X... le 12 mai 1995, peu important par ailleurs que leur auteur, ayant cessé ses fonctions, n'ait pas participé à la délibération décidant la poursuite de la procédure au vu des observations en réponse aux griefs, ni à la décision sur le fond, dès lors que le respect de la présomption d'innocence interdit que le président de la COB en exercice déclare une personne coupable d'une infraction avant que les juges compétents ne se soient prononcés, la cour d'appel a violé l'article susvisé de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Statuant à nouveau :

ANNULE la procédure suivie par la Commission des opérations de bourse contre M. X....


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-20189
Date de la décision : 01/12/1998
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Interprétation - Article 6.2 - Présomption d'innocence - Bourse de valeurs - Commission des opérations de bourse - Président - Déclarations .

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Interprétation - Article 6.1. - Droit à un tribunal impartial - Bourse de valeurs - Commission des opérations de bourse - Président - Déclarations

Viole l'article 6, paragraphes 1 et 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la cour d'appel qui, pour rejeter le recours en annulation formé par une personne poursuivie par la Commission des opérations de bourse (COB) pour avoir publié des informations ni exactes, ni précises, ni sincères, retient qu'il n'y a pas eu atteinte à la présomption d'innocence alors qu'elle avait constaté que le président de la COB, s'exprimant publiquement en cette qualité, avait mis en cause l'information publiée par cette personne, dans des déclarations reproduites dans une revue entre la décision de la COB ouvrant la procédure aux fins de sanctions et la notification des griefs à l'intéressé, peu important que leur auteur, ayant cessé ses fonctions, n'ait pas participé à la délibération décidant de la poursuite de la procédure au vu des observations en réponse aux griefs, ni à la décision sur le fond, dès lors que le respect de la présomption d'innocence interdit que le président de la COB en exercice ne déclare une personne coupable d'une infraction avant que sa culpabilité ne soit établie.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6, paragraphe 1, paragraphe 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 septembre 1996

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1996-06-18, Bulletin 1996, IV, n° 179, p. 155 (irrecevabilité et cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 déc. 1998, pourvoi n°96-20189, Bull. civ. 1998 IV N° 283 p. 237
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 283 p. 237

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Métivet.
Avocat(s) : Avocats : M. Bouthors, la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.20189
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