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01/12/1998 | FRANCE | N°96-18657

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 décembre 1998, 96-18657


Donne acte à M. X... de son désistement de pourvoi ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 avril 1996), que la Société d'intérêt collectif agricole des aviculteurs de Picardie (la société Sicadap) avait pour principal client la Sarl Les Six Provinces (la société SSP), grossiste installé à Rungis, qui assurait, à un prix plus élevé que les prix moyens, l'enlèvement régulier d'une grande part de sa collecte d'oeufs, à qui elle consentait de larges facilités de paiement et dont, depuis 1974, elle détenait p

lus du tiers du capital ; que jusqu'en novembre 1978 son conseil d'administration...

Donne acte à M. X... de son désistement de pourvoi ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 avril 1996), que la Société d'intérêt collectif agricole des aviculteurs de Picardie (la société Sicadap) avait pour principal client la Sarl Les Six Provinces (la société SSP), grossiste installé à Rungis, qui assurait, à un prix plus élevé que les prix moyens, l'enlèvement régulier d'une grande part de sa collecte d'oeufs, à qui elle consentait de larges facilités de paiement et dont, depuis 1974, elle détenait plus du tiers du capital ; que jusqu'en novembre 1978 son conseil d'administration n'avait été spécialement avisé ni de cette participation, prise sans habilitation spéciale par son directeur général, ni de l'augmentation constante de la dette de la SSP qui, en dépit des difficultés notoires de la Sarl à partir de la fin de l'année 1977, n'avait pas été inscrite au bilan de la société Sicadap comme créance douteuse ; que la société SSP a été mise en redressement judiciaire et que la société Sicadap a assigné en responsabilité, notamment, la Société picarde d'expertise et de gestion comptable Gex-Compta (à présent dénommée société Arex), son expert-comptable et M. Y..., membre de ladite société mandaté par elle auprès de la société Sicadap ;

Attendu que la société Arex reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Sicadap, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le devoir de conseil de l'expert-comptable ne saurait être étendu à la fourniture d'information et d'explications des comptes sociaux que son client ne peut pas ignorer ; qu'il résulte en l'espèce des propres constatations de l'arrêt attaqué, que le directeur général salarié de la société Sicadap connaissait la cause des difficultés financières de cette société résultant des délais de paiement accordés au principal client ; qu'en lui reprochant, néanmoins, de n'avoir pas donné aux administrateurs de la Sicadap des explications sur l'origine du déficit de trésorerie qu'ils devaient ainsi nécessairement connaître, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué constate par ailleurs que le commissaire aux comptes avait alerté le directeur de la société Sicadap de l'importance du solde débiteur des comptes et que, dès l'année 1975, l'un des administrateurs de la Sicadap avait déploré le fait que les éleveurs devenaient les banquiers des clients, ce qui démontrait que les membres du conseil d'administration n'ignoraient pas l'existence du besoin de fonds de roulement, son caractère excessif et la cause de celui-ci ; qu'en lui imputant néanmoins un déficit d'information sur ces difficultés financières, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; alors, en outre, que, sauf s'il a été investi d'une mission d'audit comptable et de gestion, l'expert-comptable, chargé de la tenue des comptes, n'est pas tenu de formuler des avis sur les choix de gestion de son client et notamment d'appeler spécialement son attention sur les difficultés de trésorerie causées par les délais de paiement excessifs qu'il accorde à son principal partenaire commercial ; qu'en énonçant qu'il lui incombait d'expliciter les comptes en précisant que le besoin de financement était anormal comme résultant de facilités excessives accordées aux clients, " peu important les honoraires demandés et le travail réellement demandé ", la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; et alors, enfin, que la faute de l'expert-comptable doit être prouvée par celui qui met en cause sa responsabilité professionnelle ; que l'arrêt attaqué est fondé sur le fait qu'il n'est pas établi qu'elle ait véritablement alerté et mis en garde les administrateurs sur les causes des besoins anormaux de trésorerie ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'à chaque bilan annuel était annexé un tableau de financement de l'exercice et une analyse du fonds de roulement, qui étaient mis sous les yeux du conseil d'administration, et qu'il était dangereux de présenter un simple inventaire des emplois de fonds comme le fonds de roulement de l'exploitation " nécessaire ", sans préciser aussitôt, qu'il s'agissait en partie d'un besoin financier anormal né des facilités excessives accordées à certains clients et imposant à la société une surcharge anormale de ses engagements, l'arrêt retient qu'étant présent à toutes les séances du conseil d'administration, sans jamais avoir mis en garde les administrateurs par des commentaires appropriés des pièces comptables, l'expert-comptable avait ainsi donné une apparence de sérieux aux renseignements donnés aux administrateurs avec qui, manifestement, le directeur général ne souhaitait pas partager certaines informations ; qu'au vu de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, d'autre part, qu'en constatant qu'il n'apparaît pas que les actes, définis par leur objet, par lesquels l'expert-comptable se serait acquitté de ses obligations aient été accomplis, la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-18657
Date de la décision : 01/12/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Faute - Expert-comptable - Société mise en redressement judiciaire - Mise en garde des administrateurs par des commentaires qu'appelaient les pièces comptables - Absence - Apparence de sérieux des renseignements ainsi communiqués aux administrateurs - Constatations suffisantes .

Statuant sur l'action en responsabilité engagée par les administrateurs d'une société mise en redressement judiciaire contre l'expert-comptable de cette société, une cour d'appel, ayant retenu que ce dernier, étant présent à toutes les séances du conseil d'administration sans jamais avoir mis en garde les administrateurs par des commentaires qu'appelaient les pièces comptables, avait ainsi donné une apparence de sérieux aux renseignements qui étaient donnés aux administrateurs avec qui, manifestement, le directeur général ne souhaitait pas partager certaines informations, a pu condamner l'expert-comptable à des dommages-intérêts.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 05 avril 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 déc. 1998, pourvoi n°96-18657, Bull. civ. 1998 IV N° 288 p. 240
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 288 p. 240

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Poullain.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.18657
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