REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- Y... Mamadou,
- l'administration des Douanes, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 2 juillet 1997, qui a relaxé Mamadou Y... du chef de fausses déclarations de valeur à l'importation, et l'a condamné pour exportation sans déclaration de capitaux à une amende de 738 360 francs ainsi qu'au paiement de la somme de 1 476 720 francs tenant lieu de confiscation.
LA COUR,
Vu les mémoires et les observations produits en demande et en défense ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté en faveur de Mamadou Y..., pris de la violation des articles 343, alinéa 2, et 365 du Code des douanes, 502 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur les poursuites de l'administration des Douanes, déclaré recevable l'appel interjeté par cette administration et condamné Mamadou Y... du chef d'exportation sans déclaration de 263 700 dollars US ;
" alors que, en ce qui concerne l'appel du jugement, si les agents poursuivants des Douanes sont habilités à représenter l'Administration sans pouvoir spécial, encore faut-il que leur qualité soit spécifiée et résulte des constatations mêmes de l'acte d'appel ; la circonstance constatée par l'arrêt, selon laquelle l'Administration a fait parvenir ultérieurement à la Cour la justification de la qualité d'agent poursuivant de M. Z..., signataire de l'acte d'appel en qualité de " mandataire ", est insusceptible de régulariser a posteriori la déclaration d'appel qui doit, à elle seule, faire preuve de sa régularité intrinsèque " ;
Attendu que, pour déclarer recevable l'appel relevé par l'administration des Douanes, l'arrêt attaqué constate que la déclaration en avait été faite par un fonctionnaire de l'agence de recouvrement et des poursuites de la Direction nationale de recherche et d'enquête douanière ;
Qu'en cet état, et dès lors qu'un tel agent a qualité, aux termes de l'arrêté ministériel du 1er mars 1988, pour représenter en justice l'administration des Douanes devant les juridictions de l'inter-région de Paris sans avoir à justifier d'un pouvoir spécial ni faire état d'une habilitation, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 343, alinéa 2, du Code des douanes ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation présenté en faveur de Mamadou Y..., pris de la violation des articles 65 et 334 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité de la réquisition du 20 juillet 1990 et à écarter des débats les documents bancaires produits ;
" aux motifs qu'il ne résulte d'aucun élément de la procédure que l'administration des Douanes ait obtenu ces documents par fraude, stratagème ou procédure irrégulière ; que, dans ces conditions, et alors que la BNP personne morale requise et son représentant n'invoquent aucune insuffisance des formes de la réquisition, il n'y a pas lieu de déclarer nulles ou d'écarter des débats les pièces en objet ;
" alors que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, Mamadou Y... invoquait la nullité de la réquisition du 20 juillet 1990 ayant permis la saisie de documents bancaires le concernant dans les locaux de la BNP, en faisant valoir que ladite réquisition présentait des irrégularités de forme et que la personne requise n'avait pas, comme elle le devait, été sommée d'assister à la rédaction des procès-verbaux de saisie ; que la cour d'appel a vainement rejeté cette exception en retenant que la BNP n'invoquait pas l'irrégularité de la réquisition, lors même que la disposition dont s'agit est évidemment prévue dans l'intérêt de la personne concernée par la saisie, seule partie à la procédure, et non point dans celui du tiers requis ; que la cour d'appel n'a donc pu valablement écarter l'exception présentée par Mamadou Y... " ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief des conditions d'exercice du droit de communication prévu par l'article 65 du Code des douanes, dès lors que l'établissement bancaire concerné n'a formulé aucune critique et qu'il n'en est résulté aucun élément à charge à l'égard du prévenu ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen unique de cassation présenté en faveur de l'administration des Douanes, pris de la violation des articles 313-2, 336, 377 bis, 382, 399, 404 à 407, 414, 426-3, 435 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu du chef du délit de fausses déclarations de valeur à l'importation ;
" aux motifs que le tribunal a, à juste titre, relevé que la seule différence entre le montant total des valeurs déclarées à l'importation et les mouvements de fonds résultant d'une estimation et dont la destination n'est pas précisée ne permet pas d'établir pour chacune des opérations d'importation litigieuses la fraude par une différence entre la déclaration de la facture et le règlement réellement effectué ;
" alors que les procès-verbaux de douane font foi jusqu'à preuve contraire des aveux qu'ils rapportent ; qu'en l'espèce, à la question : " comment expliquez-vous que pour l'année 1989 le total des importations réalisées par la Galerie Touba s'élève à 1 830 000 francs environ, alors que les règlements à l'étranger s'élèvent à 2 405 000 francs par voie bancaire et 474 944 dollars exportés en espèces et que pour les 7 premiers mois de l'année 1990, le total des importations effectuées par la Galerie Touba s'élève à 1 522 000 francs alors que les règlements à l'étranger s'élèvent à 1 627 000 francs par voie bancaire et 237 000 dollars exportés en espèces, le prévenu avait déclaré aux agents des Douanes que " mes fournisseurs américains... m'établissaient des factures dont le montant est de 50 % inférieur au prix payé " ; que cet aveu faisait foi jusqu'à preuve contraire et dont la charge incombait au prévenu ; qu'en refusant de tenir compte de cet aveu établissant la fausse déclaration de valeur à l'importation, ainsi que le faisait valoir la demanderesse, la cour d'appel a violé l'article 336 du Code des douanes ;
" alors qu'en tout état de cause dans ses conclusions d'appel, la demanderesse avait fait valoir qu'il résultait des constatations opérées par les agents des Douanes que les importations en provenance des USA s'élevaient à 498 167 dollars, alors que les exportations de capitaux étaient de 900 000 dollars, soit près du double, ce qui correspondait aux aveux du prévenu ; qu'elle ajoutait qu'en ce qui concerne les importations en provenance des pays autres que les USA des documents fabriqués avaient été produits à l'appui des déclarations en douane d'importation et qu'au vu des factures, le prix facturé était de 3 dollars dans un cas et de 6, 5 dollars, cette différence de 50 % étant une fois encore conforme aux aveux du prévenu ; qu'en s'abstenant de répondre de manière précise à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Mamadou Y... a été poursuivi pour 191 fausses déclarations en valeur commises à l'aide de documents inexacts ou inapplicables, enregistrées du 19 janvier 1989 au 29 août 1991, portant une valeur déclarée de 4 489 221 francs alors que leur valeur reconnue est de 10 422 541 francs, et que les droits et taxes ont été éludés pour un montant de 1 639 489 francs ;
Attendu que, pour le renvoyer des fins de la poursuite, l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme énoncent qu'à défaut de toute autre constatation matérielle, la seule différence relevée, sur une période de près de 2 ans et demi entre le montant total de la valeur déclarée à l'importation et les mouvements de fonds opérés pendant cette même période, dont une partie n'a fait l'objet que d'une évaluation et dont la destination et l'usage ne sont pas connus avec certitude, ne saurait suffire à rapporter la preuve du délit poursuivi, dont la matérialité devrait être démontrée par l'Administration poursuivante à l'occasion de chacune des 191 déclarations en douane incriminées ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les juges, qui ont souverainement apprécié la valeur probante des éléments produits aux débats, s'agissant notamment des déclarations faites par le prévenu aux enquêteurs, ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, présenté en faveur de Mamadou Y..., pris de la violation des articles 464 du Code des douanes, 465 du même Code, du décret du 18 décembre 1990, de l'arrêté relatif aux conditions des transferts à l'étranger du 16 juillet 1993, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mamadou Y... coupable d'exportation sans déclaration de 263 700 dollars US, faits commis d'août 1990 à août 1991 ;
" aux motifs qu'" il est exposé qu'au vu des déclarations du prévenu, il existe une indétermination concernant les sommes exportées par lui-même ou par son épouse (...) ; qu'en ce qui concerne la multiplicité des voyages effectués par lui-même et selon ses dires avec parfois la compagnie de son épouse, la Cour observe que, compte tenu de la somme exportée de 500 000 dollars US et du maximum autorisé de 50 000 francs par voyage, il en résultait des déplacements aux Etats-Unis peu vraisemblables par leur fréquence et dont le prévenu n'apporte aucune justification (...) ; que les premiers juges ont à juste titre (...) limité la période de la prévention aux faits postérieurs au 12 juillet 1990 " ;
" alors que l'infraction d'exportation de capitaux sans déclaration n'est constituée que si un défaut de déclaration est constaté à l'occasion d'un transfert d'une somme d'au moins 50 000 francs ; que c'est donc lors de chaque passage à la frontière qu'il faut se placer pour apprécier si les éléments du délit sont réunis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait considérer en bloc que la somme exportée sur une année par Mamadou Y... et son épouse l'avait été sans déclaration, sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les capitaux transférés au Etats-Unis l'avaient été par fraction d'un montant chacune égal ou supérieur à celui expressément prévu par le texte " ;
Vu les articles 464 et 465 du Code des douanes ;
Attendu que les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, ne peuvent être poursuivies, pour défaut de déclaration, que s'il est constaté que chaque transfert a excédé la somme de 50 000 francs ;
Attendu que, pour déclarer Mamadou Y... coupable de défaut de déclaration du transfert à destination des Etats-Unis de 263 700 dollars US, représentant la contre-valeur de 1 476 720 francs exportés pour la période comprise entre le 12 juillet 1990 et l'année 1991, la cour d'appel, nonobstant les conclusions de l'intéressé qui alléguait avoir convoyé ces devises au cours de nombreux voyages accomplis aux Etats-Unis en compagnie de son épouse, énonce que l'intéressé ne rapporte pas la preuve que la fréquence de ses déplacements ait été telle que le transfert des devises ait été chaque fois d'un montant inférieur à 50 000 francs, l'exonérant de l'obligation déclarative prévue par les textes ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il appartenait à l'Administration partie poursuivante d'établir que chaque transfert de capitaux à destination des Etats-Unis l'avait été par fraction d'un montant égal ou supérieur à celui prévu par l'article 464 du Code des douanes, les juges n'ont pas donné de base légale à leur décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi formé par l'administration des Douanes ;
Le REJETTE ;
II. Sur le pourvoi formé par Mamadou Y... ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 2 juillet 1997, en ses seules dispositions ayant condamné Mamadou Y... pour exportation sans déclaration de 263 700 dollars US, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.