AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Chabodis "Centre Leclerc", société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 juillet 1996 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), au profit :
1 / de Mme Josiane X..., demeurant ...,
2 / de l'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce de Belfort et de la Haute-Saône, dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire rapporteur, MM. Finance, Lanquetin, conseillers, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de la société Chabodis "Centre Leclerc", les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 juillet 1996), que Mme X... a été engagée le 1er juillet 1988 par la société Leclerc Chabodis en qualité de vendeuse au coefficient 160 en application de la convention collective des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 10 mai 1994 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités de licenciement, de préavis et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le moyen unique, pris en sa dernière branche, qui est préalable :
Attendu que la société Leclerc Chabodis fait grief à la cour d'appel d'avoir accueilli les demandes de la salariée, alors que le dernier manquement de celle-ci à ses obligations professionnelles permettait de retenir l'ensemble des précédents, même s'ils avaient été déjà sanctionnés, pour apprécier la gravité des faits reprochés ; qu'en s'abstenant dès lors d'examiner l'ensemble des manquements commis en 1993 et 1994 par Mme X..., pour apprécier la gravité de sa faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail ;
Mais attendu que les juges du fond ont relevé que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reprochait seulement à la salariée d'avoir omis de mettre en concordance les prix et les tarifs applicables ; que le moyen pris en sa dernière branche n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que le refus du salarié d'effectuer un travail entrant dans ses attributions constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que selon la convention collective applicable, Mme X... avait pour attribution la mise en rayon suivant les instructions reçues ; qu'en énonçant que l'étiquetage des produits en rayon selon les instructions reçues ne relevait pas des attributions de cette vendeuse qualifiée pour en déduire que son refus d'exécution de cette mission était légitime, les juges du fond ont méconnu la convention collective et partant violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, en toute hypothèse, qu'il résulte des constatations des juges du fond que Mme X... avait accepté la mission d'étiqueter les prix des produits en rayon, selon les instructions reçues ; qu'en énonçant néanmoins que cette mission ne lui incombait pas, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations, au regard de la loi des parties, violant l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, elle a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen qui ne tend qu'à remettre en cause cette appréciation ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chabodis "Centre Leclerc" aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.