AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. René X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 juillet 1996 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), au profit de la société Petit Bâteau, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire rapporteur, MM. Finance, Lanquetin, conseillers, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 juillet 1996), que M. X..., engagé le 1er juillet 1975 comme représentant par la société Petit Bâteau, a été licencié le 3 juin 1991 pour insuffisance de résultats et a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
Attendu que le salarié fait grief à la cour d'appel de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon les moyens, d'une part, qu'en déclarant que M. X... avait accepté les objectifs fixés qu'il s'était engagé à réaliser pour conclure à la légitimité du licenciement sans viser les documents l'ayant conduit à formuler un telle affirmation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 122-14-3 du Code du travail et 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que le non-respect de l'objectif contractuellement fixé peut justifier le licenciement à la condition que l'écart entre le quota donné, qui doit être réalisable, et les résultats obtenus, ait un caractère non négligeable ; que dès lors, en se bornant à constater une baisse du chiffre d'affaires réalisé par M. X... qui n'avait pas atteint l'objectif de 35 000, sans rechercher si, d'une part, les pourcentages de 94 % obtenus par le salarié sur la collection été 1991 et 89 % sur celle de l'hiver 91/92 ne constituaient pas de bons résultats, eu égard notamment à la crise économique qui commençait à sévir et, d'autre part si l'objectif fixé pour l'hiver 91/92 n'avait pas été fixé en fonction des résultats spectaculaires obtenus par l'intéressé en 90/91 et non par rapport à ceux réalisables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-14-3 du Code du travail et 1134 du Code civil ; alors, en outre, qu'en affirmant que les résultats obtenus par l'équipe de M. X... étaient supérieurs aux siens, la cour d'appel a dénaturé les pièces versées aux débats par l'employeur, auxquelles elle se référait et desquelles il résultait que sur neuf représentants, la moitié seulement atteignant leurs objectifs et
ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que l'appréciation du caractère suffisant de la motivation de la lettre de rupture doit être distinguée de celle du caractère réel et sérieux du licenciement de sorte que les juges du fond doivent, dans un premier temps, contrôler que la lettre de licenciement énonce un grief susceptible d'être vérifié, et, si tel est le cas, dans un second temps, examiner la réalité et le sérieux des griefs en formant leur conviction au vu des éléments fournis par les parties ; qu'en l'espèce, pour démontrer le caractère fallacieux du grief de non-réalisation des objectifs formulés par son employeur, M. X... rappelait que sur l'ensemble des saisons, il avait été classé meilleur vendeur de son équipe pour la collection sous-vêtements, les objectifs de réassort et de permanent, faits non contestés par la société Petit Bâteau et repris par la cour d'appel ;
que dès lors, en écartant ces éléments déterminants non visés dans la lettre de rupture, dont elle aurait dû tenir compte pour former sa conviction et apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, en décidant que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.