AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), dont le siège est 79037 Niort Cedex et ayant Centre de Gestion, quartier Fourchon, 13200 Arles,
2 / Mme Vincente X..., épouse Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 juin 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (10e chambre), au profit :
1 / de M. Didier A..., demeurant ...,
2 / de M. Didier A..., demeurant ...,
3 / des Mutuelles du Mans, dont le siège est ...,
4 / de la Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est ...,
5 / de la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
MM. A... et les Mutuelles du Mans ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 octobre 1998, où étaient présents : M. Laplace, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. de Givry, conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pierre, Dorly, conseillers, Mme Kermina, conseiller référendaire, M. Chemithe, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. de Givry, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la MACIF et de Mme Y..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de MM. A... et des Mutuelles du Mans, de la SCP Ghestin, avocat de la Caisse des dépôts et consignations, les conclusions de M. Chemithe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Met hors de cause la Caisse des dépôts et consignations ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur route, en agglomération, la voiture conduite par Mme Y..., à bord de laquelle se trouvait son mari, est entrée en collision à une intersection avec le véhicule, conduit par M. Didier A..., appartenant à son père, passager dudit véhicule ; que M. Y... ayant trouvé la mort et les consorts A... et Z...
Y... ayant été blessés, cette dernière a assigné en indemnisation MM. A... et leur assureur la MGFA devenue les Mutuelles du Mans ; que cette compagnie a mis en cause la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (la MACIF), assureur de Mme Y... ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné Mme Y... et la MACIF à indemniser totalement M. Didier A..., conducteur, alors, selon le moyen, que la faute du conducteur victime d'un accident de la circulation, dès lors qu'elle est constatée, a pour effet de limiter l'indemnisation du dommage qu'il a subi lorsqu'elle a contribué ou aggravé ce dommage ; qu'ayant constaté que M. A... dont les blessures étaient constituées d'un traumatisme crânien et d'une plaie au front et au cuir chevelu avait commis, d'une part, un excès de vitesse et, d'autre part, avait omis d'attacher sa ceinture de sécurité, la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que ces fautes n'avaient joué aucun rôle dans les dommages subis par ce conducteur, sans s'expliquer davantage, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que M. Didier A... circulait sur une avenue prioritaire, large et d'une parfaite visibilité, à une vitesse de 50 à 60 km/h pour une vitesse autorisée de 40km/h, lorsqu'il a brusquement ressenti un choc sur son aile avant gauche, d'autre part, que son père ayant attaché sa ceinture de sécurité avait été plus sérieusement blessé, la cour d'appel a pu déduire, justifiant légalement sa décision, qu'il n'existait pas de relation de cause à effet entre l'excès de vitesse et le défaut de port de ceinture de sécurité et les blessures de M. A... ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté Mme Y... de sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice alors, selon le moyen, que la faute commise par le conducteur victime n'exclut l'indemnisation des dommages qu'il a subis que lorsqu'elle est la cause exclusive de ce dommage ; qu'ayant constaté que M. A... avait commis un excès de vitesse, la cour d'appel qui s'est bornée à affirmer que la faute de Mme Y... était à l'origine exclusive de l'accident litigieux a encore entaché son arrêt de manque de base légale au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que Mme Y..., était débitrice d'une priorité absolue marquée par un panneau stop et qu'aucune trace de freinage n'avait été relevée, la cour d'appel a, à bon droit, retenu qu'elle avait commis une faute et souverainement apprécié que cette faute avait pour effet d'exclure son droit à indemnisation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident et le troisième moyen du pourvoi principal, réunis :
Vu les articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'il appartient alors, au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure ;
Attendu que l'arrêt retient que Mme Y... a droit à l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice par ricochet et condamne la MACIF à relever et garantir les Mutuelles du Mans des sommes mises à leur charge en indemnisation du préjudice subi par Mme Y..., ès qualités d'ayant droit de M. Y... tout en relevant qu'elle avait commis une faute excluant son droit à indemnisation ; en quoi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement sur l'indemnisation de Mme Y..., ès qualités, d'ayant droit de M. Y... et sur la condamnation de la MACIF à garantie, l'arrêt rendu le 25 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts A... et des Mutuelles du Mans ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.