AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Laroussi X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt le 17 juin 1996 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section A), au profit de la Banque intercontinentale arabe, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La Banque intercontinentale arabe a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 octobre 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Girard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ransac, Chagny, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Girard, conseiller référendaire, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de M. X..., de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la Banque intercontinentale arabe, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., engagé le 19 décembre 1975 par la Banque intercontinentale arabe et promu aux fonctions de sous-directeur, a été licencié le 10 juillet 1993 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident et sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 1996) d'avoir décidé que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse et non d'une faute grave, alors que selon le moyen, de première part constitue une faute grave le refus réitéré d'un salarié de se conformer aux formalités de pointage destinées à contrôler les horaires du personnel, un tel comportement ayant nécessairement pour effet de perturber le fonctionnement de l'entreprise ; qu'en estimant au contraire qu'un tel comportement ne caractérisait pas une faute grave, la cour d'appel a violé l'article L. 122-6 du Code du travail ; alors que, de deuxième part, dans ses conclusions d'appel, l'employeur a expressément fait valoir que le refus réitéré de M. X... d'utiliser son badge lors des entrées et des sorties de l'établissement était de nature d'une part à caractériser un acte d'indiscipline, d'autre part, à mettre son employeur dans l'impossibilité de s'assurer du respect, par le salarié, des horaires de travail qui lui étaient contractuellement applicables ; qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance qu'aucun conflit sur les horaires proprement dits n'avait opposé l'employeur au salarié, pour en déduire que le comportement de ce dernier ne caractérisait pas une faute grave, sans répondre à ce chef péremptoire des écritures d'appel de l'employeur, qui démontrait l'impossibilité de contrôler les horaires de M. X..., en raison du comportement de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors que, de troisième part, le respect des obligations de pointage au sein d'un établissement bancaire vise tant à contrôler les horaires du
personnel qu'à assurer la sécurité des lieux qui, par nature, sont particulièrement exposés à des risques d'intrusion de personnes étrangères au service ;
qu'ainsi, en estimant que le comportement du salarié ne caractérisait aucun trouble grave pour l'entreprise, sans rechercher si le non respect des obligations de pointage n'était pas de nature à mettre en péril la sécurité de l'établissement, et ainsi à caractériser une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail ;
Attendu que M. X... fait lui-même grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen que, le motif de licenciement doit procéder d'une cause réelle et sérieuse ; que dès lors, en se bornant à retenir que le refus de M. X... de se plier aux exigences de contrôle formulées par la direction justifiait une mesure de licenciement, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce motif correspondait à la réalité et à l'exactitude requises dès lors que, depuis 1989, l'obligation du port d'un badge existait et que sa méconnaissance n'avait fait l'objet d'aucune sanction au sein de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code civil ;
Mais attendu d'abord que la cour d'appel a relevé que les différentes notes de service relatives à l'instauration d'horaire mobile dans l'établissement était applicable aux personnes exerçant les fonctions de sous-directeur comme M. X... et que celui-ci en refusant de se plier à ces instructions avait commis une faute justifiant son licenciement ;
Attendu ensuite qu'elle a pu décider, eu égard à l'absence de conflit sur les horaires, que le seul refus de l'usage du badge ne rendait pas impossible le maintien du salarié pendant le préavis et ne constituait pas une faute grave ; d'où il suit qu'aucun des moyens n'est fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de l'intégrale de l'indemnité de bilan pour 1992 et au prorata temporis de celle pour 1993, alors selon le moyen que, en cause d'appel une nouvelle communication de pièces versées aux débats de première instance n'est pas exigée et toute partie peut la demander ; qu'il ressort du bordereau établi lors de l'instance prud'homale que M. X... a produit ses bulletins de paie de chaque mois où il a perçu la gratification de fin d'année de 1990 à 1993 ; qu'en rejetant la demande formulée de ce chef en raison du défaut de production desdits bulletins de paie sans justifier d'une telle exigence en appel, la cour d'appel a violé l'article 132 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et que la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a estimé que les éléments versés aux débats n'apportaient pas la preuve du caractère obligatoire de la prime ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de paiement d'un complément de salaires à raison de la discrimination salariale de la part de son employeur, alors selon le moyen, qu'il appartient à l'employeur d'assurer l'égalité des rémunérations entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe pour autant que les salariés en cause soient placés dans une situation identique ; que M. X..., dans ses conclusions reprises à la barre, faisait valoir que sa rémunération était inférieure à celle des autres cadres et faisait sommation de communiquer à la BIA la grille des salaires et les fiches de paie en application au cours des cinq années incriminées concernant les cadres de même niveau ; qu'en mettant à la charge de M. X... le soin de rapporter la preuve des salaires de ses collègues, preuve impossible à rapporter, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé que la discrimination alléguée n'était pas établie puisque les salaires invoqués ne concernaient pas des salariés exerçant des fonctions différentes ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Banque intercontinentale arabe ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.