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17/11/1998 | FRANCE | N°96-15138

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 novembre 1998, 96-15138


Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Pluri Publi exerce, depuis une vingtaine d'années, sous l'enseigne et la marque Hestia, une activité de prestataire de services dans le secteur immobilier en vue de favoriser tout rapprochement entre particuliers, pour la vente et la location d'immeubles, au moyen d'adhésions à un " club ", de publications multi hebdomadaires et d'un centre serveur télématique ; qu'elle a constitué un réseau de franchisage dans les principales villes françaises ; qu'à la suit

e de différends, survenus avec un certain nombre de franchisés, don...

Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Pluri Publi exerce, depuis une vingtaine d'années, sous l'enseigne et la marque Hestia, une activité de prestataire de services dans le secteur immobilier en vue de favoriser tout rapprochement entre particuliers, pour la vente et la location d'immeubles, au moyen d'adhésions à un " club ", de publications multi hebdomadaires et d'un centre serveur télématique ; qu'elle a constitué un réseau de franchisage dans les principales villes françaises ; qu'à la suite de différends, survenus avec un certain nombre de franchisés, dont Mme Monique X..., ceux-ci ont assigné la société Pluri Publi devant le tribunal de commerce en invoquant, en premier lieu, la nullité des contrats conclus avec elle et, en second lieu, en demandant la résiliation desdits contrats pour inexécution par le franchiseur de certaines de ses obligations ; que, par demandes reconventionnelles, la société Pluri Publi a sollicité le prononcé de la résiliation des contrats aux torts exclusifs des franchisés et leur condamnation à des dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme Monique X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de constater la nullité du contrat de franchise litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de franchise suppose la transmission d'un savoir-faire, c'est-à-dire, selon la définition du règlement CEE n° 4087-88 du 30 novembre 1988, la transmission d'un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci qui est secret, substantiel et identifié, ainsi qu'une assistance continue pendant la durée de l'accord dans tous les éléments de l'engagement prévus dans le contrat de franchise ; qu'en l'espèce, le contrat de franchisage mentionnait l'existence d'une publicité faite par la société Pluri Publi à l'échelon national et local et de promotions ; que, sur ce point, elle faisait valoir que le service de publicité n'était pas rendu, aucune publicité n'étant faite pour les franchisés de province, que la revue " Que Choisir " de juin 1993 avait souligné le manque absolu de savoir-faire de Hestia dont les offres étaient indigentes ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen des conclusions de nature à démontrer que son consentement avait été obtenu sur de fausses indications et était donc entaché d'erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1-3 B du règlement CEE n° 4087-88 du 30 novembre 1988, 1109 et 1110 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les articles 6, 7 et 8 du contrat litigieux définissent de manière détaillée l'ensemble des informations techniques et commerciales devant être fournies aux franchisés par le franchiseur, la cour d'appel, en retenant dès lors que l'existence d'une obligation d'assistance pesant sur le franchiseur n'est pas contestable au regard des prévisions contractuelles, et que les critiques des franchisés quant au service rendu par le franchiseur en matière d'assistance commerciale relevaient de l'examen de la demande de résiliation du contrat pour inexécution fautive du franchiseur de ses obligations d'assistance, a, répondant ainsi en les rejetant aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision au regard de la demande de nullité du contrat pour erreur sur la substance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le second moyen du pourvoi incident, pris en ses quatre branches :

Attendu que Mme Monique X... fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur pour inexécution de ses obligations contractuelles, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la résolution ne peut être demandée lorsque l'inexécution des obligations du débiteur résulte de la seule faute du créancier, qu'en l'espèce, il avait fait valoir, sans être démenti, que la société Pluri Publi ne respectait pas les engagements pris par elle dans le domaine de la publicité ; qu'en prononçant la résiliation du contrat de franchisage à ses torts exclusifs, sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en refusant de faire droit à sa demande de résiliation pour non-respect par la société Pluri Publi de ses obligations de franchiseur en matière de publicité, au seul motif que la preuve des fautes de cette dernière ne saurait résulter de leur seule dénonciation par le franchisé, cependant que la société Pluri Publi n'avait jamais prétendu dans ses propres écritures, ni offert de prouver s'être acquittée des engagements de publicité pris par elle dans le contrat de franchisage, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et 6 et 9 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que lorsque chacune des parties a manqué à ses engagements et que chacune demande la résolution du contrat, le juge doit prononcer cette résolution aux torts et griefs réciproques des parties ; qu'en prononçant la résiliation des contrats de franchisage aux seuls torts du franchisé et en refusant de se prononcer sur les fautes reprochées, que celui-ci imputait à la société Pluri Publi et qui consistaient notamment à avoir imposé à ses adhérents des pénalités financières non contractuellement prévues pour des motifs totalement abusifs et détourné des fonds collectés au titre de la publicité pour payer son personnel ou rechercher d'autres franchisés, dont le réseau était utilisé pour financer ses propres déficits, au motif vague que la définition des prestations garanties avait été stipulée " évolutive " selon les articles 7 et 10 des contrats conclus, cependant qu'aucun de ces articles ne se rapporte à la publicité et aux fonds recueillis à cet effet, lesquels font l'objet des seuls articles 5 et 11 du contrat de franchisage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ; et alors, enfin, que l'évolution constante, prévue dans le contrat, des services offerts par les franchisés ne pouvait viser des pénalités financières non contractuellement prévues, cependant qu'en aucune de ses clauses le contrat de franchisage ne faisait référence aux pénalités financières instaurées du propre chef de la société Pluri Publi en mars 1991 ; qu'en se déterminant par ce motif inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que les fautes reprochées à la société Pluri Publi par le franchisé pour justifier sa résiliation unilatérale du contrat par lettre du 13 juillet 1993 ne sont que le récit des éléments de sa discorde avec le franchiseur dont la preuve ne saurait résulter de leur seule dénonciation, que le franchisé est malvenu à dénoncer une banalisation du savoir-faire qu'il tenait de la société Pluri Publi pour en faire découler la résiliation du contrat puisqu'il persiste à mettre en oeuvre, à son profit, le mode opératoire dont il dénonce la banalité et qu'il apparaît que, dès le 13 juillet 1993, date à laquelle le franchisé a résilié unilatéralement son contrat, il se trouvait déjà en mesure d'offrir à ses clients les mêmes services sous une autre enseigne, faits qui établissent sa volonté arrêtée bien avant cette date de quitter le réseau et de se réinstaller quel que puisse être le résultat des discussions qu'il entretenait alors avec la société Pluri Publi sur l'évolution du contenu de leurs rapports ; qu'abstraction faite des motifs surabondants visés par la dernière branche du moyen sur le caractère évolutif des obligations réciproques des parties, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve et en répondant, en les rejetant, aux conclusions prétendument délaissées, a fait ressortir que les fautes alléguées par le franchisé n'étaient pas démontrées et a pu retenir que la résiliation du contrat lui était imputable, justifiant ainsi légalement sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 85, alinéa 1er, du Traité instituant la Communauté européenne, ensemble l'article 3 C du règlement CEE n° 4087-88 de la Commission du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85, alinéa 3, du Traité à des catégories d'accords de franchise ;

Attendu que, pour annuler la clause de non-rétablissement pour une durée de deux ans prévue à l'article 17 du contrat litigieux, l'arrêt retient, par motifs substitués à ceux des premiers juges, que l'article 3 C du règlement d'exemption susvisé subordonne l'exemption à ce que l'interdiction de rétablissement sur le territoire anciennement exploité par le franchisé n'excède pas un an et que, du fait que la clause de non-rétablissement figurant dans le contrat litigieux prévoit une durée supérieure à une année, cette clause doit être annulée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait par ailleurs qu'il n'était démontré, ni un dépassement du seuil de sensibilité, tel qu'un chiffre d'affaires de 200 millions d'écus mentionné par la communication de la Commission des Communautés européennes du 3 septembre 1986, concernant les accords d'importance mineure, au-delà duquel l'article 85, alinéa 1er, du Traité serait applicable, ni la contribution significative du contrat litigieux à un effet de blocage du marché compte tenu de la part de marché réduite détenue par la société Pluri Publi, et qu'il en résultait que l'article 85, alinéa 1er, du Traité et le règlement d'exemption susvisé n'étaient dès lors pas applicables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen du pourvoi principal :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé la clause de non-rétablissement figurant à l'article 17 du contrat de franchisage conclu entre Mme Monique X... et la société Pluri Publi, et a fixé à 5 000 francs le préjudice subi par celle-ci du fait de la résiliation du contrat aux torts de Mme X..., l'arrêt rendu le 8 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-15138
Date de la décision : 17/11/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Consentement - Erreur - Erreur sur la substance - Franchisage - Assistance inexécutée (non).

1° Une cour d'appel, ayant constaté que les dispositions des contrats litigieux définissent de manière détaillée l'ensemble des informations techniques et commerciales, devant être fournies aux franchisés par le franchiseur, et retenu dès lors, que l'existence d'une obligation d'assistance pesant sur le franchiseur n'est pas contestable au regard des prévisions contractuelles, et que les critiques des franchisés quant au service rendu par le franchiseur en matière d'assistance commerciale relevaient de l'examen de la demande de résiliation du contrat pour inexécution fautive du franchiseur de ses obligations d'assistance, a, répondant ainsi en les rejetant aux conclusions prétendûment délaissées, légalement justifié sa décision au regard de la demande de nullité du contrat pour erreur sur la substance.

2° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Résolution et résiliation - Résiliation - Résiliation unilatérale - Faute du cocontractant - Preuve - Absence - Effets - Torts exclusifs.

2° Une cour d'appel, ayant constaté que les fautes reprochées au franchiseur par le franchisé pour justifier sa résiliation unilatérale du contrat par lettre du 13 juillet 1993 ne sont que le récit des éléments de sa discorde dont la preuve ne saurait résulter de leur seule dénonciation, que le franchisé est malvenu à dénoncer une banalisation du savoir-faire qu'il tenait du franchiseur, pour en faire découler la résiliation du contrat puisqu'il persiste à mettre en oeuvre, à son profit, le mode opératoire dont il dénonce la banalité et qu'il apparait que, dès le 13 juillet 1993, date à laquelle le franchisé a résilié unilatéralement son contrat, il se trouvait déjà en mesure d'offrir à ses clients les mêmes services sous une autre enseigne, faits qui établissent sa volonté arrêtée bien avant cette date de quitter le réseau, et de se réinstaller quel que puisse être le résultat des discussions qu'il entretenait alors avec le franchiseur sur l'évolution du contenu de leurs rapports, a fait ressortir que les fautes alléguées par le franchisé n'étaient pas démontrées et a pu retenir que la résiliation lui était imputable.

3° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Libre concurrence - Articles 85 et 86 du traité de Rome - Article 85 - paragraphe 1er - Entrave à la concurrence - Appréciation quantitative - Seuil de sensibilité - Accord de franchise - Seuil non atteint.

3° Viole l'article 85, paragraphe 1er, du Traité instituant la Communauté européenne, ensemble l'article 3 C du règlement CEE n° 4087-88 de la Commission, du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85, alinéa 3, du Traité à des catégories d'accords de franchise une cour d'appel qui, pour annuler la clause de non-rétablissement pour une durée de 2 ans prévue au contrat de franchise litigieux, retient que l'article 3 C du règlement d'exemption susvisé subordonne l'exemption à ce que l'interdiction de rétablissement sur le territoire anciennement exploité par le franchisé n'excède pas un an et que, du fait que la clause de non-rétablissement figurant dans le contrat litigieux prévoit une durée supérieure à une année, cette clause doit être annulée ; alors qu'elle constatait par ailleurs qu'il n'était démontré ni un dépassement du seuil de sensibilité, tel qu'un chiffre d'affaires de 200 millions d'écus mentionné par la communication de la Commission des Communautés européennes du 3 septembre 1986, concernant les accords d'importance mineure, au-delà duquel l'article 85, alinéa 1er, du Traité serait applicable, ni la contribution significative du contrat litigieux à un effet de blocage du marché compte tenu de la part de marché réduite détenue par le franchiseur et qu'il en résultait que l'article 85, alinéa 1er, du Traité et le règlement d'exemption susvisé n'étaient dès lors pas applicables.


Références :

Règlement 4087-88 du 30 novembre 1988 art. 3.c
Traité de Rome du 25 mars 1957 CEE art. 85, al. 1, al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 mars 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 nov. 1998, pourvoi n°96-15138, Bull. civ. 1998 IV N° 271 p. 226
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 271 p. 226

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Lesourd.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.15138
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