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17/11/1998 | FRANCE | N°96-13748

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 novembre 1998, 96-13748


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Liliane Y..., demeurant ..., agissant en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Socovibe en remplacement de M. Georges X...,

en cassation d'un arrêt rendu le 30 janvier 1996 par la cour d'appel de Toulouse (2e Chambre, 1re Section), au profit de la Caisse régionale de Crédit agricole Sud-Alliance, société civile coopérative, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation

;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation an...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Liliane Y..., demeurant ..., agissant en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Socovibe en remplacement de M. Georges X...,

en cassation d'un arrêt rendu le 30 janvier 1996 par la cour d'appel de Toulouse (2e Chambre, 1re Section), au profit de la Caisse régionale de Crédit agricole Sud-Alliance, société civile coopérative, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 octobre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mme Y..., ès qualités, de la SCP Defrénois et Levis, avocat de la Caisse régionale de Crédit agricole Sud-Alliance, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 janvier 1996), que la mandataire à la liquidation judiciaire de la société Socovibe a demandé que soit judiciairement reconnue la responsabilité de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Alliance (la banque), pour avoir assuré par des crédits importants la survie de cette société ;

Attendu que la mandataire judiciaire de la société Socovibe fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'est fautif le maintien de crédits à une entreprise subissant des pertes successives et grandissantes en-dehors d'une stratégie de redressement présentant des chances sérieuses de succès ; que la cour d'appel qui a écarté la faute de la banque sans rechercher, ainsi que l'y invitait le liquidateur, alléguant la progression inversement proportionnelle de l'endettement de la Socovibe et des capitaux propres durant les années 1988 à 1990, si la CRCAM, unique banquier de l'entreprise, avait fautivement maintenu ses crédits et concours durant cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 1382 du Code civil et 22 du décret 83-1020 du 29 novembre 1983 ; alors, d'autre part, que commet une faute de négligence, le banquier qui maintient des concours ou crédits importants devant certains signes de faiblesse de l'entreprise sans prendre la précaution de solliciter du commissaire aux comptes des documents comptables récents et certifiés par lui ; qu'en l'espèce, vu la dégradation sérieuse des capitaux propres en 1988, la CRCAM, unique banquier de la Socovibe, ne pouvait maintenir ses crédits et concours en 1989 sans s'informer auprès du commissaire aux comptes de la situation réelle de l'entreprise en sollicitant des documents comptables certifiés sans attendre le déclenchement éventuel de la procédure d'alerte ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil par refus d'application ; alors, en outre, que le banquier qui met fin à son concours doit respecter un délai de préavis suffisant pour permettre à l'entreprise bénéficiaire de trouver d'autres sources de financement, notamment par le recours à une augmentation de capital par souscription d'actions nouvelles ; qu'en ne précisant pas dans quel délai la banque, qui s'avisait tardivement de la situation, avait mis fin aux découverts et crédits consentis de manière constante depuis plusieurs années, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a dès lors privé sa décision de base au regard des dispositions combinées des articles 1382 du Code civil et 60 de la loi 84-46 du 24 janvier 1984 ; et alors, enfin, que l'arrêt brutal d'un soutien trop longtemps accordé est constitutif d'une double faute génératrice d'un préjudice aggravé pour l'ensemble des créanciers, abusés par la solvabilité apparente du débiteur durant une longue période et pris au dépourvu par la soudaineté de sa déconfiture : qu'en ne recherchant pas en l'espèce si la CRCAM avait mis fin brutalement aux concours trop longtemps maintenus dès qu'elle-même avait recouvré l'essentiel de ses créances sur la Socovibe, ainsi que l'y invitait encore la mandataire judiciaire dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a recherché si la banque avait pu savoir sa cliente en situation irrémédiablement compromise, ou si elle avait manqué de vigilance pour vérifier si sa cliente n'était pas dans cet état ; qu'elle a constaté que le soutien fourni par la banque à la société Socovibe était modéré, sans augmentation au cours de la dernière année d'activité de celle-ci, et que sa survie n'était pas due aux seuls crédits bancaires ; qu'elle a relevé également qu'elle s'est fiée au rapport, non alarmant, de l'expert-comptable et qu'elle a, elle-même, fait procéder à une analyse de la situation de l'entreprise par des collaborateurs ; qu'en écartant, en conséquence, la responsabilité de la banque, l'arrêt est légalement justifié et ne méconnaît pas les dispositions légales invoquées ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte pas des conclusions de la mandataire judiciaire qu'elle ait invoqué devant la cour d'appel la brutalité de la rupture de ses crédits par la banque pour fonder son action en responsabilité contre elle ; que le moyen est nouveau, en ses troisième et quatrième branches ; qu'étant mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches et irrecevable en ses deux dernières ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y..., ès qualités aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Alliance ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-13748
Date de la décision : 17/11/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Ouverture du crédit - Faute (non).


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (2e Chambre, 1re Section), 30 janvier 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 nov. 1998, pourvoi n°96-13748


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.13748
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