AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de Me LUC-THALER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL près la cour d'appel de MONTPELLIER,
- BARSELO Christian,- Y... Jean-Philippe,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de ladite cour d'appel, en date du 23 octobre 1997, qui a rejeté la requête, présentée par le procureur de la république près le tribunal de grande instance de PERPIGNAN, en rectification d'une erreur matérielle affectant un arrêt de la cour d'assises des PYRENEES-ORIENTALES du 7 février 1997 et la demande, présentée par les deuxième et troisième, en annulation de ce même arrêt ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée et des pièces de la procédure que, par arrêt de la cour d'assises des Pyrénées-Orientales, en date du 7 février 1997, Christian X... et Jean-Philippe Y... ont été condamnés, pour vols avec arme et avec violences et vol, en état de récidive quant au premier, respectivement à 9 ans d'emprisonnement et 12 ans de réclusion criminelle ; que, cependant, la feuille de questions mentionne que Christian X... est condamné à 12 ans de réclusion criminelle et Jean-Philippe Y... à 9 ans d'emprisonnement ; que Christian X..., seul à s'être pourvu en cassation, s'est désisté de son recours, ce dont il lui a été donné acte par arrêt du 7 janvier 1998 ;
Attendu que, par requête du 1er août 1997, le procureur de la république près le tribunal de grande instance de Perpignan a saisi la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, sur le fondement de l'article 710, alinéa 2, du Code de procédure pénale, d'une requête en rectification de l'erreur matérielle qui affecterait l'arrêt de condamnation, dès lors que les seules mentions de la feuille de questions établiraient que Christian X... a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle et Jean-Philippe Y... à 9 ans d'emprisonnement ; que ceux-ci ont déposé un mémoire pour soutenir qu'il y avait lieu, une telle rectification étant impossible, de prononcer la nullité de l'arrêt les condamnant ; que, par la décision attaquée, la chambre d'accusation a rejeté tant la requête en rectification d'erreur matérielle que la demande en annulation de l'arrêt ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation du mémoire du procureur général, pris de la violation des articles 364 et 710 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en rectification de l'erreur matérielle affectant l'arrêt de la cour d'assises des Pyrénées-Orientales du 7 février 1997 ;
"au motif que la chambre d'accusation a considéré que le pouvoir, pour une juridiction de jugement ou la chambre d'accusation, de rectifier, par application de l'article 710 du Code de procédure pénale, une erreur purement matérielle, trouvait sa limite dans la défense de modifier la chose jugée ou, sous couvert d'interprétation ou de rectification d'erreur, de modifier le quantum d'une condamnation tel qu'il résulte de la minute du jugement ou de l'arrêt et, en conséquence, rejeté la requête qui lui était présentée sur le fondement de cet article ;
"alors que la feuille de questions, signée par le président de la cour d'assises et par le premier juré, en application de l'article 364 du Code de procédure pénale, présente un caractère authentique ;
"et alors que ce caractère authentique doit être considéré comme supérieur à celui attaché à la minute de l'arrêt qui n'est signée que du président et du greffier ;
"qu'en conséquence, il appartenait à la chambre d'accusation, sans porter, pour autant, atteinte à l'autorité de la chose jugée, de rectifier en application de l'article 710 du Code de procédure pénale, l'erreur matérielle que constitue l'interversion des peines entre les deux condamnés ;
"que, faute de l'avoir fait, elle a violé les dispositions des articles 364 et 710 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que la chambre d'accusation énonce qu'elle ne peut, sous le couvert de rectifier une erreur purement matérielle, modifier les condamnations prononcées par l'arrêt de la cour d'assises ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé
Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, commun aux deux demandeurs, moyen pris de la violation des articles 364, 366, 591, 593 et 710 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande en nullité de l'arrêt de la cour d'assises du 7 février 1997 ayant prononcé une peine de 9 années d'emprisonnement à l'encontre de Christian X... et une peine de 12 années de réclusion criminelle à l'encontre de Jean-Philippe Y... ;
"aux motifs que la demande de la défense d'annulation de cette décision ne peut qu'être rejetée, la chambre d'accusation n'ayant, à l'évidence, pas le pouvoir d'annuler une décision prononcée par la cour d'assises (arrêt, page 4) ;
"alors que si la chambre d'accusation n'a pas, en principe, la faculté d'annuler l'arrêt rendu par la cour d'assises, il en va autrement en cas d'excès de pouvoir ;
"que commet un tel excès de pouvoir la cour d'assises dont les mentions de l'arrêt diffèrent de celles figurant sur la feuille de questions par le quantum de la peine prononcée contre le condamné ;
"qu'ainsi, en refusant d'annuler l'arrêt de la cour d'assises en date du 7 février 1997, sans répondre aux chefs péremptoires du mémoire des demandeurs, qui faisaient valoir qu'en raison de la discordance existante, quant au quantum des peines prononcées contre eux, entre la feuille de questions et l'arrêt, ce dernier devait être annulé, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce, à bon droit, que la chambre d'accusation ne dispose pas du pouvoir d'annuler un arrêt de condamnation prononcé par la cour d'assises ;
Qu'en effet, il résulte de l'article 567 du Code de procédure pénale que seule la Cour de Cassation a le pouvoir d'annuler, en cas de violation de la loi, les décisions des juridictions pénales rendues en dernier ressort ;
Qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Farge conseiller rapporteur, Mme Baillot, MM. Le Gall, Pelletier conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;