AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Concurrence, société anonyme dont le siège est 26120 Montvendre, venant aux droits de l'ancienne société Jean Chapelle, dont le siège était ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 mai 1996 par la cour d'appel de Paris (14e chambre, civile, section B), au profit :
1 / de M. Fabrice X...,
2 / de Mlle Clarisse Y...,
demeurant tous deux 8, rue de Madagascar,75012 Paris,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 octobre 1998, où étaient présents : M. Laplace, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Séné, conseiller rapporteur, M. Buffet, Mmes Borra, Lardet, M. Etienne, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Monnet, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Séné, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Concurrence, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X... et de Mlle Y..., les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mai 1996), que M. X... et Mlle Y... ont acquis un magnétoscope qu'un mois plus tard, ils ont dénoncé comme défectueux, et que la société venderesse, la société Jean Chapelle, aux droits de laquelle se trouve la société Concurrence, a repris pour en faire vérifier l'état ; que des difficultés étant apparues entre les parties, M. X... et Mlle Y... ont saisi un juge des référés pour obtenir la restitution du magnétoscope et le paiement d'une provision ; que les parties s'étant mises d'accord à l'audience de première instance pour la reprise de l'appareil vérifié, à la suite d'essais en présence de techniciens, le juge a déclaré, en conséquence, la demande de restitution sans objet, a débouté M. X... et Mlle Y... de leur demande de provision et a condamné la société venderesse aux dépens et au paiement d'une somme, au titre de frais irrépétibles ; que la société Concurrence a interjeté appel de cette décision ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé cette ordonnance, d'avoir condamné l'appelante aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le moyen, que, d'une part, en se bornant à retenir que l'affaire n'a pu être réglée que grâce à l'introduction de la procédure de référé, le 1er décembre 1994, dès lors qu'après celle-ci, la société Jean Chapelle ne réclamait plus les frais de précontentieux au paiement desquels elle avait, le 6 juin 1994, subordonné la restitution de l'appareil litigieux, sans répondre aux conclusions faisant valoir que le médiateur intervenu pour solutionner le litige avait, dès le 19 octobre 1994, informé M. X... de ce que la société Jean Chapelle avait renoncé à réclamer les frais de précontentieux visés dans sa lettre du 6 juin 1994, et que, depuis lors, celle-ci n'avait plus exigé le paiement de ces frais, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, en tout état de cause, en ne précisant pas à quelle date la société Jean Chapelle avait renoncé à sa demande de frais précontentieux, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'à la date de l'assignation, la restitution de l'appareil était encore subordonnée, par la société Jean Chapelle, au paiement de ces frais, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil, 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu'enfin, les dépens d'une demande en justice déclarée sans objet ne peuvent, sauf décision motivée contraire, qu'être laissés à la charge de l'auteur de cette demande ; qu'ainsi, en confirmant le jugement qui avait, sans motifs spéciaux, mis les dépens à la charge de la société Jean Chapelle, bien qu'elle fût défenderesse à une demande de restitution devenue sans objet, quelle qu'en soit la raison, et à une demande de dommages-intérêts rejetée, la cour d'appel a violé l'article 696 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que les condamnations au paiement de sommes demandées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile n'ont pas à être spécialement motivées ;
Et attendu qu'après avoir dénoncé les exigences de la société venderesse et son absence d'offre de paiement des frais engagés, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'affaire n'avait pu être réglée qu'en raison de l'introduction de la procédure de référé et de l'esprit de conciliation des acquéreurs ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a motivé sa décision et a pu écarter l'abus de procédure reproché à M. X... et à Mlle Y... ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Concurrence aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Concurrence ; la condamne à payer à M. X... et Mlle Y... la somme totale de 12 000 francs ;
Condamne la société Concurrence à une amende civile de 15 000 francs envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.