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09/11/1998 | FRANCE | N°97-84696

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 novembre 1998, 97-84696


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel

de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 20 juin 1997, qui, pour le délit prévu ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 20 juin 1997, qui, pour le délit prévu par l'article 432-16 du Code pénal, l'a condamné à une amende de 5 000 francs ainsi qu'à la peine complémentaire d'inéligibilité pendant 5 ans, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble excès de pouvoir et violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de négligence par un dépositaire de l'autorité publique ayant permis une soustraction de fonds publics par un tiers et, en répression, l'a condamné à la peine de 5 000 francs d'amende et à la peine complémentaire d'inéligibilité pendant 5 ans ;

"aux motifs que la requalification d'une infraction volontaire en infraction involontaire de négligence, les faits matériels étant rigoureusement identiques (acceptation de commandes personnelles), est à l'évidence juridiquement possible ;

"alors que si les juges répressifs ont le pouvoir de modifier la qualification des faits dont ils sont saisis et de substituer une qualification nouvelle à celle qui leur était déférée, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé à ces faits et qu'ils restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte saisissant la juridiction ; qu'en l'espèce, Michel X... a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de complicité de soustraction ou détournement de fonds publics par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ; que dès lors, en substituant à cette prévention celle de négligence par un dépositaire de l'autorité publique ayant permis une soustraction de fonds publics par un tiers, qui contient des éléments constitutifs différents, notamment la constatation d'une imprudence ou négligence, et sans constater que le prévenu ait accepté d'être jugé sur les faits nouveaux retenus contre lui, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la secrétaire de mairie de la commune de Schonenbourg a été poursuivie et condamnée du chef du délit prévu par l'article 432-15 nouveau du Code pénal, pour avoir, de 1993 à 1995, acquis dans son intérêt personnel du matériel et des livres, qui ont été payés par la commune, sur présentation de bons de commande et de factures signés par le maire, Michel X... ; que ce dernier, poursuivi pour complicité dudit délit, a été déclaré coupable par les premiers juges, après une requalification des faits, du délit de négligence par dépositaire de l'autorité publique ayant permis une soustraction de fonds publics par un tiers, prévu par l'article 432-16 nouveau du Code pénal ;

Attendu que, pour confirmer cette requalification des faits, les juges du second degré énoncent que, si l'élément intentionnel du délit de complicité reproché à Michel X... n'est pas suffisamment caractérisé, il y a lieu de retenir à sa charge les négligences ayant permis la réalisation des détournements ; qu'ils ajoutent que "la requalification d'une infraction volontaire en infraction involontaire est à l'évidence possible, les faits matériels étant rigoureusement identiques" ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, desquelles il résulte que le prévenu s'est expliqué devant la cour d'appel sur la requalification des faits poursuivis et que les juges ont puisé les éléments de leur décision dans les faits mêmes dont ils étaient saisis, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 432-16 du Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de négligence par un dépositaire de l'autorité publique ayant permis une soustraction de fonds publics par un tiers ;

"aux motifs que Michel X... a prétendu qu'il avait demandé à la secrétaire la destination de certains matériels (hi-fi, four à micro ondes et que celle-ci aurait répondu en indiquant qu'ils étaient au profit de l'école communale) mais qu'il est surprenant que dans cette commune, des contacts avec les responsables de l'école n'aient pas révélé la fraude ;

"et aux motifs adoptés qu'un être moyennement diligent ne saurait signer un certificat de "service fait" notamment pour les livres de M. Y... et autres ouvrages féminins insusceptibles de se rattacher à l'activité communale faute de bibliothèque ;

"alors, d'une part, que dans ses écritures, Michel X... faisait valoir qu'il avait toute confiance dans la secrétaire de mairie, qui occupait ces fonctions depuis 1975, et qu'il n'avait pas de raison de mettre sa parole en doute lorsque celle-ci lui indiquait la destination des marchandises, qu'elle seule réceptionnait ; que dès lors, en omettant de se prononcer sur cette argumentation péremptoire, d'où il résultait que le maire avait accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu de ses fonctions, de ses compétences ainsi que des pouvoirs et des moyens dont il disposait, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif ;

"alors, d'autre part, que le fait de ne pas vérifier une réponse cohérente émanant d'une personne de confiance ne constitue pas une négligence ; qu'en se fondant essentiellement sur cette constatation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale" ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité de Michel X..., les juges relèvent qu'il a commis de graves négligences, au sens de l'article 432-16 du Code pénal, en signant des bons de commande et des factures qui concernaient certains objets ne pouvant manifestement pas être destinés à la commune, et en se contentant des déclarations de la secrétaire de mairie en ce qui concerne les matériels hi-fi ou électroménager, alors que des contacts avec les responsables scolaires de cette petite commune lui auraient permis de déceler la fraude ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance et procédant d'une appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, d'où il résulte que Michel X... n'a pas accompli, en sa qualité de maire, les diligences normales qui lui incombaient avant de signer les bons de commande et factures présentés par la secrétaire de mairie, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles 121-3 et 432-16 du Code pénal ;

Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 42, 169, 254 anciens, 112-1, 432-16 et 432-17 nouveaux du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable, de 1993 à 1995, de négligence par un dépositaire de l'autorité publique ayant permis une soustraction de fonds publics par un tiers et, en répression, l'a condamné à la peine de 5 000 francs d'amende et à la peine complémentaire d'inéligibilité pendant 5 ans ;

"alors, d'une part, que les dispositions nouvelles ne sont pas applicables aux faits commis avant leur entrée en vigueur ;

que l'incrimination prévue par l'article 432-16 du nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er mers 1994 est nouvelle ; qu'elle est en toute hypothèse plus large que celle de l'article 254 ancien du même Code, qui incriminait la négligence des "greffiers, archivistes, notaires ou autres dépositaires" ayant permis "les soustractions, destructions et enlèvements de pièces ou de procédures criminelles ou d'autres papiers, registres, actes et effets contenus dans les archives, greffes ou dépôts publics ou remis à un dépositaire public en cette qualité" ; que cet article n'était pas applicable au maire qui n'a pas la qualité de dépositaire public ; que dès lors, en déclarant Michel X... coupable, en sa qualité de maire, de négligence ayant permis la soustraction de fonds publics au sens de l'article 432-16 pour des faits commis de 1993 à 1995, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que ne sauraient être considérées comme justifiées la peine principale d'amende et la peine complémentaire d'inéligibilité pendant 5 ans prononcées par les juges du fond en considération de faits commis de 1993 à 1995, alors que les faits commis antérieurement au 1er mars 1994 n'étaient pas légalement punissables et qu'aucune peine complémentaire d'inéligibilité n'était encourue pour ces mêmes faits en application de l'article 42 ancien du Code pénal alors en vigueur" ;

Attendu que, si c'est à tort que les juges ont condamné le prévenu du chef du délit prévu par l'article 432-16 nouveau du Code pénal pour les faits commis antérieurement au 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur de ce texte, l'arrêt qui l'a condamné, pour des faits commis de 1993 à 1995, à une amende de 5 000 francs et à la peine complémentaire d'inéligibilité pendant 5 ans n'encourt cependant pas la censure, dès lors que ces peines prononcées sont justifiées par la déclaration de culpabilité du chef dudit délit pour les faits commis après le 1er mars 1994 et durant l'année 1995 ;

Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Simon conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mme Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-84696
Date de la décision : 09/11/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Disqualification - - Conditions - Identité de faits matériels - Délit prévu à l'article 432-16 du code pénal.


Références :

Code pénal 432-15 et 432-16

Décision attaquée : Cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, 20 juin 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 nov. 1998, pourvoi n°97-84696


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.84696
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