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03/11/1998 | FRANCE | N°97-85236

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 1998, 97-85236


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, et de la société civile professionnelle DELAPORTE-BRIARD avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Monique, veuve F...,

- B... Marie-Louise, épouse F...,


- F... Estelle,

- F... Florence, épouse G...,

- F... Henri,

- F... Lucienne, épouse E....

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, et de la société civile professionnelle DELAPORTE-BRIARD avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Monique, veuve F...,

- B... Marie-Louise, épouse F...,

- F... Estelle,

- F... Florence, épouse G...,

- F... Henri,

- F... Lucienne, épouse E...,

- F... Marie-Louise, épouse H...,

- F... Raymonde, épouse D...,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 1997, qui, dans la procédure suivie contre Pierre Z... des chefs d'homicide involontaire et infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, après relaxe, les a déboutés de leurs demandes ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 263-2 du Code du travail, 2, alinéa 1, et 18 du décret du 8 janvier 1965, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté les consorts F... de leur action civile à l'encontre de l'employeur de M. F... suite à l'accident mortel du travail à lui survenu le 12 septembre 1994 ;

"aux motifs que la prévention repose sur l'omission par Pierre A... d'avoir mis à la disposition de M. F... les moyens appropriés aux travaux à effectuer et aux risques encourus ;

que le rapport de l'inspecteur du travail incrimine particulièrement l'inobservation des dispositions de l'article 18 du décret du 8 janvier 1965 d'où il résulte que lorsque la protection d'un travailleur ne peut être assurée qu'au moyen d'une ceinture ou d'un baudrier de sécurité, jamais ce travailleur ne doit demeurer seul sur le chantier ;

que, par ailleurs, l'inadéquation d'une simple échelle à la tâche à effectuer, par référence à l'article 2, alinéa 1, du même décret, est également relevée ; que, cependant, il résulte de la consultation de l'aide-mémoire de "la sécurité du monteur dans les chantiers de construction des réseaux électriques de distribution MT/BT", édité par le syndicat national des entrepreneurs de travaux électriques et versé aux débats, que l'utilisation d'une échelle est prévue pour accéder à la tête des poteaux électriques ; que, d'autre part, il résulte de l'audition d'Alain Y..., nullement contredite par les pièces produites ultérieurement, que le jour des faits, ce dernier a reçu de M. F..., son supérieur, l'ordre de quitter le chantier à l'heure normale soit 17 heures 45, celui-ci indiquant qu'il terminerait seul ;

que c'est donc de sa propre initiative que M. F..., dont la qualification était adaptée aux fonctions exercées, a méconnu les dispositions de l'article 18 du décret précité ; qu'il convient de préciser que l'attestation de M. C... est sans incidence sur le débat puisque celui-ci avait cessé de travailler avec M. F... dès la veille au soir 11 septembre, commençant un stage le lendemain, et puisqu'il est constant que c'est Alain Y... qui a travaillé avec M. F... jusque vers 17 heures 45 le soir des faits ; qu'au surplus, les constatations effectuées après l'accident ont révélé l'omission par la victime de sonder et de découvrir le pied du poteau en bois, technique pourtant formellement recommandée lorsque, comme c'était le cas en l'espèce, il pouvait apparaître que le poteau était en mauvais état de conservation et donc d'une sécurité peu fiable ; que, considérant l'expérience professionnelle de la victime et la possibilité pour elle d'obtenir, si elle l'avait souhaité, en raison de la vétusté du poteau, une protection plus efficace, la Cour, ne relevant pas de faute particulière à l'encontre du prévenu, déboutera les parties civiles de leur action ;

"alors, d'une part, que, la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi, sans rechercher si l'employeur, qui était tenu de mettre à la disposition de son personnel les équipements adaptés aux travaux demandés et aux risques auxquels il l'exposait, n'aurait pas dû avoir conscience du danger spécialement présenté par le travail sur des vieux poteaux de bois, nécessairement fragilisés, ce qui lui imposait de fournir à M. F... des dispositifs de levage et de protection, appropriés aux travaux à effectuer, de nature à prévenir les risques de chute de ces poteaux ;

"alors, d'autre part, qu'elle ne pouvait encore écarter toute faute de l'employeur au motif que l'utilisation d'une simple échelle serait prévue par l'aide-mémoire édité par le syndicat national des entrepreneurs de travaux publics, sans rechercher si, comme le soutenaient les demandeurs, ce document ne préconisait pas lui-même d'adapter les moyens d'ascension aux possibilités d'accès, au type de support et au travail à réaliser ;

"alors, de troisième part, que la cour d'appel ne pouvait reprocher à la victime d'avoir renvoyé le second ouvrier qui travaillait avec lui, sans rechercher si cette initiative, à la supposer établie, de la victime, avait eu une incidence sur la rupture inopinée du poteau en bois sur lequel travaillait celle-ci, et ainsi sur la réalisation de l'accident ;

"alors, enfin, qu'elle ne pouvait également retenir l'omission par la victime de sonder et de découvrir le pied du poteau, sans répondre aux conclusions des demandeurs qui faisaient valoir que, selon l'inspecteur du travail, il n'était pas établi que la victime eût négligé cette précaution, alors que celle-ci avait respecté toutes les règles de sécurité" ;

Vu l'article L. 263-2 du Code du travail, les articles 2, alinéa 1, et 18 du décret du 8 janvier 1965 et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les dispositions édictées par le Code du travail, ou les règlements pris pour leur exécution, à l'effet d'assurer la sécurité des travailleurs sont d'application stricte et qu'il appartient au chef d'entreprise, ou à celui auquel il a délégué ses pouvoirs dans ce domaine, de veiller personnellement à leur constante observation ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du travail, base des poursuites, qu'un salarié de la société ETDE, travaillant seul sur un chantier, au sommet d'un poteau électrique dont il décrochait les câbles, a été entraîné dans la chute de ce poteau auquel il s'était attaché à l'aide d'un baudrier de sécurité, et a été mortellement blessé ; que l'inspecteur du travail, a relevé, d'une part, qu'en raison de l'état du poteau, atteint de pourriture au niveau du sol, celui-ci ne devait pas être employé comme support et que, selon les prescriptions de l'article 2 alinéa 1 du décret du 8 janvier 1965, l'employeur aurait dû mettre à la disposition de son salarié un matériel approprié, tel un engin avec nacelle, pour exécuter ce type de travail sans risque, et d'autre part, qu'en application de l'article 18 dudit décret, ce salarié n'aurait pas dû travailler seul sur le chantier, alors que sa protection n'était assurée qu'au moyen d'un baudrier de sécurité ;

Attendu que, Pierre Z..., chef de l'agence Val de Loire de la société ETDE, a été poursuivi pour homicide involontaire et pour infractions aux règles de sécurité susvisées ;

Attendu que, pour dire les infractions non établies, les juges, après avoir retenu que la victime avait méconnu les dispositions de l'article 18 du décret du 8 janvier 1965 en donnant l'ordre à l'autre salarié de quitter le chantier à l'heure normale, et qu'elle n'avait pas vérifié l'état du poteau, alors qu'elle aurait pu obtenir, si elle l'avait souhaité, une protection plus efficace, énoncent qu'ils ne relèvent pas de faute particulière à l'encontre du prévenu ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les négligences reprochées à la victime n'étaient pas dues à un défaut de surveillance du chantier et à un manque d'organisation du travail imputables au prévenu, délégataire de pouvoirs en matière de sécurité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 13 mai 1997 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Simon conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mme Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-85236
Date de la décision : 03/11/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Responsabilité pénale - Chef d'établissements, directeur, gérants ou préposés - Exonération - Cas - Absence de faute personnelle - Recherches nécessaires.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code du travail L263-2

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 13 mai 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 1998, pourvoi n°97-85236


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.85236
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