AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Montupet, société anonyme, dont le siège est ... et ayant une usine zone industrielle de la Martinerie, 36000 Châteauroux,,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 mars 1997 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), au profit de M. Mustapha X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
En présence de l'ASSEDIC de la région d'Orléans, dont le siège est ...,
LA COUR, en l'audience publique du 15 juillet 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Finance, conseillers, M. Besson, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Montupet, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. X..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., embauché, le 8 mai 1978, par la société Montupet, a été licencié le 18 janvier 1994 pour motif économique ;
Attendu que la société Montupet fait grief à l'arrêt attaqué (Bourges, 14 mars 1997) de l'avoir condamnée à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser aux ASSEDIC une certaine somme, alors, selon le moyen, que le salarié licencié, dans le cadre d'un licenciement collectif et qui conteste le motif économique de son licenciement, ne peut se borner à nier les efforts de reclassement interne fournis par l'employeur sans fournir au juge un minimum de précisions sur le ou les postes disponibles dans l'entreprise ou le groupe qui auraient dû, selon lui, lui être proposés, qu'en retenant, pour octroyer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur ne démontrait pas avoir recherché les possibilités de reclassement interne du salarié, sans exiger de ce dernier la moindre précision sur le ou les postes disponibles dans lesquels son reclassement aurait pu être envisagé après application des critères fixant l'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L. 122-14-3, L. 321-1-1 et L. 321-4-1 du Code du travail ; alors que l'obligation de reclassement interne incombant à l'employeur est une obligation de moyens, qu'en l'espèce après avoir fait application des critères fixant l'ordre des licenciements, la société Montupet avait reclassé aux postes disponibles qu'elle avait pu trouver à l'intérieur du groupe un certain nombre de salariés dont le poste avait été supprimé, qu'en lui reprochant de ne pas avoir recherché le reclassement interne de M. X..., dont les aptitudes professionnelles et la situation sociale n'avaient pas permis de le
faire bénéficier des quelques postes disponibles, la cour d'appel a fait peser sur la société Montupet une obligation de résultat et ainsi violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-4-1 du Code du travail ; alors que ne satisfait pas à son obligation de motivation le jugement qui se borne à retenir qu'un fait n'est pas établi sans procéder à la moindre analyse des documents versés aux débats ; qu'en l'espèce, la société Montupet produisait un certain nombre de documents démontrant les efforts de reclassement interne par elle déployés ; qu'en se bornant à relever que l'employeur n'établissait pas avoir envisagé un quelconque reclassement interne de M. X..., sans s'expliquer en aucune manière sur les documents versés aux débats par l'employeur ni préciser en quoi ils ne pouvaient suffire à rapporter la preuve d'un réel effort de reclassement interne, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, lorsque plusieurs salariés sont concernés par sur suppression de poste, l'employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier, qu'en retenant pour condamner l'employeur à payer à M. X... une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il existait certains postes de gardiennage disponibles dans l'entreprise et qui, nécessitant a priori peu de qualification, auraient pu être proposés à M. X..., sans rechercher si l'application des critères définis pour fixer l'ordre des licenciements n'avait pas conduit l'employeur à proposer en priorité ces postes à d'autres salariés dont le poste était également supprimé et qui étaient mieux placés que M. X... dans l'ordre des licenciements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1-1 et L. 321-4-1 du Code du travail ; alors que les mesures destinées à faciliter le reclassement externe du personnel dont le licenciement n'a pu être évité, si elles doivent être envisagées avant tout licenciement, sont nécessairement mises en oeuvre après le congédiement des salariés auxquels les postes disponibles n'ont pu être proposés après application des critères fixant l'ordre des licenciements, qu'en l'espèce après avoir fait application des critères fixant l'ordre des licenciements la société Montupet avait, dès l'élaboration du plan social, prévu des mesures destinées à faciliter le reclassement externe des salariés dont le licenciement n'avait pu être évité ; qu'elle avait, notamment, créé une structure "antenne emploi" destinée à aider les salariés licenciés à retrouver un nouveau poste, que cette structure avait proposé à M. X... trois offres d'emplois faites par des entreprises extérieures, qu'en écartant des débats les efforts de reclassement externe développés par l'employeur au seul motif qu'ils étaient postérieurs au licenciement de M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 321-4 et L. 321-4-1 du Code du travail ; alors que la recherche de la possibilité d'un reclassement externe ne constitue pas une condition de régularité du licenciement pour motif économique ; que la violation par l'employeur de son obligation de reclassement externe ne peut, dès lors, entraîner que la condamnation de l'employeur à des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi et non sa condamnation aux sanctions prévues par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; qu'en retenant que les efforts de reclassement déployés par l'employeur pour compenser les
conséquences d'un licenciement constituaient une condition de la légitimité du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1, L. 122-14-4 et L. 321-4-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que le licenciement du salarié ne pouvait intervenir que si son reclassement n'était pas possible et qu'il appartenait à la société de rapporter la preuve qu'elle avait tenté de procéder au reclassement du salarié ou que celui-ci s'était refusé à envisager toute possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir tenté de reclasser le salarié, après avoir relevé qu'il résultait de ses propres écritures d'appel qu'il avait plusieurs postes disponibles dont certains n'exigeaient aucun diplôme et peu de qualification et que ces postes n'avaient pas été proposés au salarié, a pu décider que la société n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement était dépourvu de cause économique ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Montupet aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.