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27/10/1998 | FRANCE | N°96-40880

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 octobre 1998, 96-40880


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Castorama, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 décembre 1995 par la cour d'appel de Paris (22e chambre, section C), au profit de Mme Régine-Eugénie X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 juillet 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli

, Le Roux-Cocheril, Ransac, Chagny, Bouret, conseillers, Mmes Girard, Barberot, Lebée, Andrich, c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Castorama, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 décembre 1995 par la cour d'appel de Paris (22e chambre, section C), au profit de Mme Régine-Eugénie X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 juillet 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli, Le Roux-Cocheril, Ransac, Chagny, Bouret, conseillers, Mmes Girard, Barberot, Lebée, Andrich, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Castorama, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme X... est entrée le 14 janvier 1977 au service de la société Euromarché, soumise à la convention collective de l'alimentation de détail ; qu'en 1992, l'établissement où elle travaillait a été racheté par la société Castorama, elle-même assujettie à la convention collective du bricolage ; qu'après cette reprise, Mme X..., qui avait la qualité de salariée protégée, s'est vu proposer plusieurs modifications de son contrat de travail qu'elle a refusées ; qu'elle a cessé d'occuper son emploi en demandant à l'employeur que ses conditions antérieures soient maintenues ; que l'employeur ayant sollicité l'autorisation de licencier Mme X..., l'inspecteur du Travail a rejeté cette demande par une décision confirmée sur recours hiérarchique par le ministre du Travail ; qu'après l'expiration du mandat représentatif de Mme X..., la société Castorama l'a licenciée pour faute grave, le 20 janvier 1995 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Castorama fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 1995) d'avoir dit que Mme X... avait droit au paiement de ses salaires du 1er juin 1992 au 7 avril 1994 et de l'avoir condamnée à lui payer à ce titre une certaine somme, alors, selon le moyen, d'une part, que faute d'avoir comparé la convention collective de l'alimentation, qui, en son article 4, institue une prime de 13e mois, laquelle ne se cumule pas avec les primes versées dans d'autres entreprises en une ou plusieurs fois dans l'année, quelle que soit l'affectation de ces dernières (prime de bilan, prime de fin d'année), et la convention collective du bricolage complétée par l'accord d'intéressement de Castorama, la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé une modification substantielle au cas d'espèce, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 321-1 du Code du travail ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'elle s'abstient de rechercher, comme elle y était invitée, si la rémunération aux anciens salariés d'Euromarché n'était pas globalement plus favorable, notamment en ce qui concernait les primes, ce qui rendait sans objet le maintien du 13e mois selon les termes mêmes de la convention collective de l'alimentation ; alors, d'autre part, et subsidiairement, qu'en cas de fusion, cession, scission ou de changement d'activité, la précédente convention collective remise en cause continue à produire effet pendant une durée d'un an prévue à l'article L. 132-8, alinéa 3, du Code du travail, éventuellement complété par le délai de 3 mois prévu à l'article L. 132-8, alinéa 5, et qu'à l'issue de cette période de 15 mois, ce régime cesse à l'exception des avantages acquis individuellement, de sorte qu'en affirmant que le 13e mois que percevait la salariée chez Euromarché serait un avantage individuel acquis, tout en constatant qu'il correspondait à la stricte application de la convention collective de l'alimentation, la cour d'appel, qui légitime la position de la salariée postérieurement à l'expiration de ce délai de 15 mois, et alloue une indemnité compensatrice de salaire entre le 15e et le 19e mois, viole l'article susvisé ; alors, en tout état de cause, que le désaccord entre un employeur et un salarié sur un des éléments du salaire, qui ne peut se résoudre en licenciement du fait de la protection accordée en fonction du mandat syndical dudit salarié, ne saurait autoriser ce dernier, en l'absence de toute initiative pour faire fixer judiciairement la rémunération adéquate, à se faire justice à lui-même et à suspendre unilatéralement toute prestation de travail pendant 29 mois, de sorte que l'arrêt attaqué, qui alloue à Y... Bertrand le paiement de sommes correspondant au plein de ses salaires pour la période considérée, viole ensemble l'article L. 121-1 et l'article L. 425-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement rappelé qu'en vertu de l'article L. 132-8 du Code du travail, lorsque la convention collective applicable dans une entreprise déterminée est mise en cause en raison d'une cession, ladite convention continue de produire effet jusquà l'entrée en vigueur d'un accord d'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, et qu'en l'absence d'accord d'adaptation à l'expiration de ces délais, les salariés de l'entreprise concernée conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de la convention mise en cause ;

Et attendu, d'abord, que la cour d'appel a retenu à bon droit qu'en l'absence de toute négociation en vue de la conclusion d'un accord d'adaptation, la convention collective de l'alimentation avait continué à produire effet pendant un an à l'expiration du délai du préavis ; qu'il était d'autant moins soutenu par la société Castorama que le salarié ne pouvait prétendre à la prime de 13e mois prévue par ladite convention, en raison d'un avantage comparable prévu par la convention collective du bricolage qu'il a été relevé par la cour d'appel par un motif non critiqué que la société Castorama, dès après le rachat de l'établissement où travaillait la salariée, avait proposé à celle-ci la suppression de la prime de 13e mois par voie d'avenant à son contrat individuel de travail ; qu'il s'ensuit que les deux premiers griefs du moyen, nouveaux et mélangés de fait et de droit, sont irrecevables ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a justement décidé que le droit du salarié au paiement de la prime de 13e mois prévue par la convention collective mise en cause constituait, à l'expiration des délais mentionnés à l'alinéa 3 de l'article L. 132-8 du Code du travail, un avantage individuel acquis par le salarié qui s'était incorporé à son contrat de travail ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur avait l'obligation de maintenir à la salariée ses anciennes conditions de salaire prévues par la convention collective de l'alimentation, et notamment la prime de 13e mois, d'abord pendant 15 mois et ensuite au titre des avantages individuels acquis, et que la salariée s'était toujours tenue à la disposition de l'employeur pour exécuter sa prestation de travail à ces conditions, a, sans encourir le dernier grief du moyen, légalement justifié sa décision ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Castorama fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de Mme X... ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une somme à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se déterminant par la circonstance que le 7 novembre 1994 l'accès de l'entreprise avait été interdit à Mme X..., sans répondre aux conclusions et aux motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui faisaient valoir que l'intéressée avait refusé d'effectuer le stage de formation nécessaire, puis avait refusé à nouveau d'intégrer le magasin de Créteil le 8 septembre 1992, et que la tentative subite de reprendre un poste dans ce magasin était de parfaite mauvaise foi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, qu'au surplus, pour les mêmes motifs, l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale tant au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail qu'au regard de l'article 1134 du Code civil selon lequel les conventions doivent s'exécuter de bonne foi ; alors, d'autre part, que le seul fait que le motif de licenciement retenu ait été précédemment écarté par l'inspecteur du Travail à une époque où Mme X... était salariée protégée ne saurait priver de cause réelle et sérieuse le licenciement fondé sur une absence du poste de travail de près de deux ans et demi, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'inexécution par l'employeur de son obligation d'exécuter le contrat aux conditions convenues était de nature à affranchir la salariée de l'obligation de fournir sa prestation de travail faute de recevoir la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Et attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que le licenciement de la salariée, prononcé à l'expiration de la période de protection pour un motif invoqué lors de la demande d'autorisation présentée à l'inspecteur du Travail et qui avait donné lieu à une décision de refus d'autorisation du licenciement, n'avait pas de cause réelle et sérieuse ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Castorama aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-40880
Date de la décision : 27/10/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS COLLECTIVES - Dispositions générales - Application - Cession de l'entreprise - Maintien des effets pendant un an.

CONVENTIONS COLLECTIVES - Alimentation - Bricolage - Salaire - Prime de 13ème mois.

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement économique - Autorisation administrative - Refus - Conséquences.


Références :

Code du travail L132-8 et L122-14-3
Convention collective de l'alimentation de détail art. 4
Convention collective du bricolage

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (22e chambre, section C), 14 décembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 oct. 1998, pourvoi n°96-40880


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.40880
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