AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Alain Y..., demeurant ... Le Grand,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 septembre 1996 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre), au profit de M. X..., représentant des créanciers au redressement judiciaire de M. Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Aux Ouvriers Réunis et ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Aux Ouvriers Réunis, demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 juin 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Badi, conseiller rapporteur, MM. Grimaldi, Apollis, Tricot, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, Mme Geerssen, M. Rémery, Mme Graff, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Badi, conseiller, les observations de Me Guinard, avocat de M. Y..., de Me Delvolvé, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le Tribunal a arrêté le plan de cession de la société Aux Ouvriers Réunis le 24 novembre 1989 et que M. X..., désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan a, en sa qualité "d'administrateur de la société Aux Ouvriers Réunis", saisi le président du tribunal, le 16 octobre 1992, d'une requête tendant à voir M. Y..., dirigeant de ladite société, cité devant cette juridiction et condamné à supporter l'insuffisance d'actif ; que l'ordonnance présidentielle portant saisine d'office a été rendue le 24 novembre 1992 et que M. Y... qui avait été assigné par acte du 30 novembre 1992 et a relevé appel du jugement ayant ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire en application de l'article 182.6 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir écarté le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action de M. X..., alors, selon le pourvoi, qu'après le jugement arrêtant le plan de cession, seul le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour agir sur le fondement des articles 180 et 182 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en l'espèce, le plan de cession ayant été arrêté par jugement du 24 novembre 1989, seul M. X..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, avait qualité pour intenter les actions susvisées dans le délai de prescription de 3 ans fixé par ces textes, soit avant le 24 novembre 1992 ; qu'ainsi, en se bornant à constater qu'avait interrompu la prescription la requête de M. X... du 16 octobre 1992 en sa qualité d'administrateur, commissaire à l'exécution du plan, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de M. Y..., si nonobstant ce cumul de fonctions, la requête du 16 octobre 1992 n'émanait pas de M. X... pris en sa seule qualité d'administrateur, comme tel dépourvu de qualité pour agir, après le jugement arrêtant le plan, sur le fondement des articles 180 et 182 précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 67, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que, l'assignation ayant été délivrée en vertu d'une ordonnance du président du tribunal rendue en application de l'article 8 du décret du 27 décembre 1985, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante dont fait état le moyen ; que celui-ci est sans fondement ;
Mais sur la seconde branche du même moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en confirmant le jugement déféré, sans répondre aux conclusions de M. Y... qui soutenait que, le Tribunal n'étant saisi que d'une action fondée sur l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, la demande d'application de l'article 182 de ladite loi "ne pouvait être introduite par conclusions mais par une nouvelle assignation", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. X..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.