AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Bernard X..., demeurant ... et encore 2 bis, Villa du Chemin de Fer, 92240 Malakoff,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mars 1996 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section B), au profit de M. Alain-François Y..., mandataire liquidateur, demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 juin 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Badi, conseiller rapporteur, Grimaldi, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Badi, conseiller, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de M. X..., de Me Bertrand, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X..., dirigeant de la société RESA, mise en redressement puis liquidation judiciaires, fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 15 mars 1996) de l'avoir condamné à supporter l'insuffisance d'actif de cette société à hauteur de trois millions de francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le dirigeant d'une personne morale ne peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif qu'à la condition que soit démontrée une faute de gestion à sa charge, celle-ci ne se présumant pas ; qu'en conséquence, c'est au demandeur qu'il appartient de démontrer la faute de gestion et non pas au dirigeant de prouver l'absence d'une faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. X... avait commis une faute de gestion en réalisant d'importants investissements tandis qu'il n'avait aucune certitude au sujet des contrats qu'il espérait conclure ; que pour retenir que ses contrats n'avaient pas encore été signés, la cour appel s'est bornée à énoncer que M. X... n'avait produit aucune pièce ; qu'en statuant ainsi, la cour appel a inversé la charge de la preuve et, ce faisant, violé l'article 1315 du Code civil ; alors, autre part, que dans ses conclusions d'appel, M. X... avait fait valoir, dans un paragraphe intitulé "sur l'état de cessation des paiements de la société RESA" que, "compte tenu de l'accord conclu avec la banque de la Cité et Alcatel à l'occasion des marchés Eurodisney et Trianon Palace, la société était en mesure de faire face à ses besoins courants au moins jusqu'en septembre 1991, date à laquelle Alcatel a rompu unilatéralement ses engagements" ; qu'en énonçant que M. X... n'avait pas discuté la date retenue par le Tribunal, 1er janvier 1991, pour fixer la date de cessation des paiements, la cour d'appel a dénaturé les conclusions invoquées et, ce faisant, violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin,
que pour retenir à la charge de M. X... une faute de gestion, la cour d'appel s'est bornée à relever que ce dernier avait totalement failli dans la maîtrise de sa gestion, que les frais financiers atteignaient des montants insupportables et que le chiffre d'affaires était en régression ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser une faute de gestion et en s'abstenant de constater en quoi ces fautes avaient contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient, non seulement que M. X... avait totalement "échoué dans la maîtrise de sa gestion, que les frais financiers atteignaient des montants insupportables et que le chiffre d'affaires était en régression, mais encore, en mettant à sa charge uniquement la preuve des moyens de défense qu'il invoquait, que M. X... avait laissé impayées des dettes sociales anciennes, engagé un personnel important et procédé à des investissements tandis qu'il n'avait aucune certitude au sujet des contrats qu'il espérait signer, que le chiffre d'affaires réalisé avait baissé de 12,62 en 1990 à 4,93 millions de francs en 1991, que les pertes d'exploitation avaient augmenté de 4,32 en 1990 à 7,86 millions de francs en 1991 et enfin, que l'insuffisance d'actif constatée de 22,7 millions de francs était égale au passif qui s'était accru sous la direction de M. X..., ayant été constitué pour l'essentiel de son montant au cours de l'année 1991 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, d'où il résultait que M. X... avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 en statuant comme elle a fait ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.