AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) d'Avignon, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 octobre 1994 par la cour d'appel de Nîmes (2e Chambre), au profit :
1 / de M. Henry Y...,
2 / de Mme Danièle Z..., épouse Y...,
demeurant tous deux Quartier Les Blanques, 84210 Pernes-les-Fontaines,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 juin 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la CRCAM d'Avignon, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des époux Y..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Midi traiteur (la société), la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Avignon (la banque) a demandé que M. et Mme Y... soient condamnés à lui payer une certaine somme en leur qualité de cautions des engagements de la société débitrice ; que les cautions ayant fait valoir que la banque n'avait pas régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective de la société, la cour d'appel a rejeté la demande de la banque ;
Sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 117 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt énonce que le défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte et justifiant sa nullité, même en l'absence de tout grief ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ne constitue pas une irrégularité de fond le seul défaut de justification, à l'appui d'une déclaration de créance, du pouvoir d'une personne figurant comme représentant d'une personne morale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la première branche :
Vu les articles 1328 du Code civil et 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la déclaration de créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon le dernier texte susvisé, former lui-même ; que dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles du mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; qu'il peut enfin être justifié de l'existence de la délégation de pouvoirs jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt, après avoir reproduit les termes d'une attestation d'un responsable de service de la banque et d'une déclaration du conseil d'administration de cette banque, retient que le premier de ces documents n'est pas révélateur d'une délégation de pouvoirs, mais révèle seulement que M. X..., signataire de la déclaration de créance, occupait un poste de responsable d'un service juridique, et que le second n'établit pas que M. X... ait été titulaire, le 2 mars 1992, date de la déclaration de créance, d'une délégation de signature ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'étaient produits devant elle une attestation démontrant que M. X... était un préposé de la banque depuis le 1er janvier 1983 jusqu'au 31 décembre 1992, et un procès-verbal du conseil d'administration de la banque, daté du 24 février 1993, dont il résultait que M. X..., en procédant aux déclarations de créances au nom de la banque, avait agi dans le cadre de ses fonctions et conformément à la mission qui lui avait été conférée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendue le 20 octobre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.