CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Alain, partie civile, agissant en son nom personnel et au nom de ses enfants mineures,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 27 juin 1997, qui, après condamnation de Pascal Y... à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, et relaxe d'Hélène Z..., dans la procédure suivie contre eux du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 319 ancien, 221-6, 221-8 et 221-10 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la décision de relaxe prononcée à l'égard d'Hélène Z..., poursuivie pour homicide involontaire ;
" aux motifs qu'il n'est pas possible d'envisager quant à la culpabilité en fait comme en droit une solution différente de celle du tribunal ; que si les experts ont objectivé 2 fautes à charge d'Hélène Z..., à savoir le fait d'avoir arrêté la perfusion de Syntocinon à 3 heures du matin et d'avoir méconnu l'existence d'une hémorragie interne, ces mêmes experts ont déclaré que ces fautes à caractère objectif n'étaient pas imputables à la sage-femme ; qu'en effet, face à un accouchement gémellaire, qui, de l'avis de tous les professionnels, génère une haute probabilité de risque et de potentialité de difficultés à l'accouchement, c'était au médecin de donner les directives utiles en ce qui concerne l'arrêt de la perfusion comme il était du devoir du médecin d'examiner la patiente aux fins de déceler l'existence d'une hémorragie interne, car, comme l'indiquent encore les experts, un accouchement devenant compliqué n'est plus du ressort de la sage-femme ;
" alors que, d'une part, la circonstance que le médecin obstétricien ait failli à ses obligations en s'abstenant de donner des directives nécessaires à la sage-femme et d'examiner lui-même la patiente ne pouvait légalement dispenser la Cour de rechercher si le fait pour la sage-femme d'avoir pris l'initiative d'interrompre la perfusion comme celui de ne pas avoir décelé l'existence d'une hémorragie interne ne témoignait pas d'une méconnaissance des données acquises de la science qu'en sa qualité professionnelle elle ne pouvait ignorer ;
" alors que, d'autre part, la Cour ne pouvait prétendre entrer en voie de relaxe sans examiner, comme l'y invitaient expressément les conclusions de la partie civile, si le fait pour la sage-femme de n'avoir effectué qu'un examen succinct et incomplet de la patiente et de ne pas avoir fait part, lors de son premier appel téléphonique au docteur Y..., de la totalité des symptômes constatés permettant de suspecter l'existence d'une hémorragie, ne constituait pas tout à la fois un ensemble de négligences et de manquements à ses obligations professionnelles ayant différé les interventions médicales qui s'imposaient et, par là même, contribué au décès de la jeune femme ;
" alors, qu'enfin, la Cour ne pouvait considérer que la sage-femme n'avait commis aucune faute ayant contribué au décès de la patiente sans répondre à l'argumentation péremptoire des conclusions de la partie civile faisant valoir qu'à raison de son ancienneté à la clinique du Parc, Hélène Z... ne pouvait ignorer l'existence de listes comportant toutes les coordonnées des différents médecins ainsi que leur numéro d'eurosignal et que, faute d'obtenir des services qu'ils parviennent à contacter le médecin anesthésiste par eurosignal, Hélène Z... avait ainsi commis une faute ayant contribué à ce qu'en l'absence d'anesthésiste, la délivrance ait été réalisée dans des conditions telles que, non seulement elles avaient favorisé l'apparition d'une hémorragie interne, mais que, de plus, elles en avaient masqué les symptômes " ;
Vu les articles 319 ancien et 221-6 du Code pénal, L. 370, et L. 374 du Code de la santé publique ;
Attendu que, si les sages-femmes, en application des articles L. 370 et L. 374 du Code de la santé publique, ne peuvent prescrire que les examens et les médicaments nécessaires à l'exercice de leur profession, elles sont libres de leurs prescriptions dans les limites fixées par ces textes, qui leur attribuent notamment la pratique des soins postnataux à la mère ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Arlette A..., épouse X..., après avoir donné le jour à 2 jumelles, est morte des suites d'une hémorragie intra-utérine postérieure à l'accouchement et à la délivrance, pratiqués par Pascal Y..., médecin gynécologue indépendant assurant le remplacement des médecins de la clinique, assisté par Hélène Z..., sage-femme salariée de l'établissement ;
Attendu qu'à l'issue de l'information ouverte sur les causes de ce décès, le gynécologue et la sage-femme ont été renvoyés sous la prévention d'homicide involontaire devant le tribunal correctionnel, qui a condamné le premier et relaxé la seconde ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, la cour d'appel retient que les 2 fautes, entretenant un lien de causalité avec le décès de la patiente, que constituent l'arrêt prématuré de la perfusion de produits ocytociques et le défaut de diagnostic de l'hémorragie intra-utérine, ne peuvent être imputées à la sage-femme, dès lors qu'en l'état d'un accouchement gémellaire présentant " une haute probabilité de risques ", il appartenait au médecin gynécologue de donner à celle-ci les directives nécessaires au sujet de la durée de la perfusion et de procéder lui-même à l'examen clinique qui aurait permis de diagnostiquer l'hémorragie interne ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, d'une part, au cours de la phase postopératoire, la sage-femme était libre de prescrire, ou d'interrompre, sous sa propre responsabilité, l'administration d'ocytociques, inscrits sur la liste des médicaments que les sages-femmes peuvent prescrire, et que, d'autre part, l'existence des fautes relevées à l'encontre du gynécologue pendant les opérations d'évacuation de la cavité utérine ne suffit pas à exclure l'éventualité de fautes commises par la sage-femme pendant ces opérations ou dans la surveillance des suites de couches, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur le second moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 27 juin 1997, en ses seules dispositions civiles ayant débouté Alain X... de ses demandes contre Hélène Z... et ayant prononcé, à l'égard de Pascal Y..., sur la réparation de son préjudice économique, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Reims.