AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n° C 96-42.522, D 96-42.523 formés par la SARL Bionostic, société à responsabilité limitée, en la personne du gérant en exercice, dont le siège est ...,
en cassation de deux jugements rendus le 4 décembre 1995 par le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion (section activités diverses), au profit :
1 / de M. Yoland Y..., demeurant ..., ...,
2 / de M. Gérard X..., demeurant ...,
defendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 juin 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Le Roux-Cocheril, Ransac, Chagny, Bouret, conseillers, Mmes Pams-Tatu, Girard-Thuilier, Barberot, Lebée, Andrich , conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de la société Bionostic, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° C 96-42.522 et D 96-42.523 ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, MM. Y... et X... étaient employés par les laboratoires Rochegude et que depuis le 1er janvier 1993, le personnel de la SCP Rochegude bénéficiait d'un accord d'intéressement ; que la SCP Rochegude a été absorbée par la société Bionostic en juillet 1994 ; qu'un protocole d'accord en date du 18 janvier 1995 a précisé que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail seraient appliquées ; que MM. Y... et X... ont saisi la juridiction prud'homale pour demander paiement d'une somme au titre de la prime d'intéressement pour la période comprise entre le 1er juillet 1994 et le 31 décembre 1994 ;
Attendu que la société Bionostic fait grief aux jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Saint-Denis, 4 décembre 1995), d'avoir accueilli la demande alors, selon le moyen, que la reprise des contrats de travail, à la suite d'une modification dans la situation juridique de l'employeur, n'emporte pas reprise des accords d'intéressement, qu'en décidant le contraire, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 122-12 et L. 132-8 du Code du travail, et 1 et suivants de l'ordonnance du 21 octobre 1986, dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juillet 1994 ; alors que, subsidiairement, dans le cas où une modification survenue dans la situation juridique de l'entreprise par fusion, cession ou scission, rend impossible l'application d'un accord d'intéressement, ledit accord cesse de produire effet entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'absorption de la société Laboratoire Rochegude par la société Bionostic avait rendu impossible l'application de l'accord d'intéressement conclu par la première avec son personnel, en raison notamment de l'impossibilité de calculer le montant de l'intéressement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-12 et L. 132-8 du Code du travail, et 1 et suivants de l'ordonnance du 21 octobre 1986, dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juillet 1994 ; alors que, très subsidiairement, dans le cas où une modification survenue dans la situation juridique de l'entreprise par fusion, cession, scission, rend impossible l'application d'un accord d'intéressement, ledit accord cesse de produire effet entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'absorption de la société Laboratoire Rochegude par la société Bionostic avait rendu impossible l'application de l'accord d'intéressement conclu par la première avec son personnel, en raison notamment de l'impossibilité de calculer le montant de l'intéressement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-12 et L. 441-7 du Code du travail, celui-ci étant issu de la loi du 25 juillet 1994 ;
Mais attendu que, procédant à l'interprétation du protocole conclu le 18 janvier 1995 par la société Bionostic avec des membres du personnel, le conseil de prud'hommes a estimé qu'il en résultait l'engagement unilatéral du nouvel employeur d'appliquer aux salariés repris, pour la période du 1er juillet au 31 décembre 1994, l'accord d'intéressement conclu au sein de la SCP Rochegude ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Bionostic aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.