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20/10/1998 | FRANCE | N°96-30117

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 octobre 1998, 96-30117


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Direction nationale des enquêtes fiscales, dont le siège est ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 4 juillet 1996 par le président du tribunal de grande instance de Paris, au profit :

1 / de M. André Y..., demeurant ...,

2 / de la société Marnthorpe limited, dont le siège est Plumtree Court, London EC4A AHT (Grande-Bretagne),

3 / de la société Pygmalion, dont le siège est ...,

4 /

de la société Airpark services, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

défendeurs...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Direction nationale des enquêtes fiscales, dont le siège est ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 4 juillet 1996 par le président du tribunal de grande instance de Paris, au profit :

1 / de M. André Y..., demeurant ...,

2 / de la société Marnthorpe limited, dont le siège est Plumtree Court, London EC4A AHT (Grande-Bretagne),

3 / de la société Pygmalion, dont le siège est ...,

4 / de la société Airpark services, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 juin 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Ponsot, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de MM. André et Hugh Y..., des sociétés Marnthorpe limited, Pygmalion et Aipark services, de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que par ordonnance du 11 janvier 1996, le président du tribunal de grande instance de Paris, a autorisé des agents de la Direction générale des Impôts, en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux des sociétés Marnthorpe, Pygmalion et Airport services, 13 avenue de I'Opéra, au domicile de M. et Mme Hugh Y..., ..., à celui de M. André Y... et Mme H...
... 1er, et à celui de Mme Anne D...
..., en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale des sociétés Marnthorpe, Pygmalion et Airport services dirigées en droit par M. Hugh Y... et celle de MM. Hugh et André Y... ; que par ordonnance contradictoire du 4 juillet 1996, le juge chargé du contrôle de la régularité des opérations a constaté l'accord des parties sur la restitution ou le maintien sous saisie de certaines pièces, ordonné la distraction d'autres pièces et constitué le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris séquestre des photocopies de ces derniers documents ; que le directeur général des Impôts s'est pourvu en cassation de cette ordonnance ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que le directeur général des Impôts fait grief à l'ordonnance d'avoir ordonné la restitution des pièces numérotées 396 à 403, 2600 à 2608 et 2611 à 2619 émanant de Mes X... et B..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que le secret professionnel ne s'attache pas aux consultations et avis juridiques, lorsque les droits de la défense ne sont pas concernés et lorsque, de surcroît, ils se rapportent aux agissements frauduleux visés par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; qu'en décidant que les consultations de Mes X... et B... devaient être protégées au titre du secret professionnel, sans constater que celles-ci concernaient les droits de la défense des consorts Y... et des sociétés qu'ils dirigent, l'ordonnance a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, de l'article 87 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la directive 77/249 du Conseil des Communautés européennes du 22 mars 1977, de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l'article 160 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; alors, d'autre part, et en tout cas, que seules les lettres de l'avocat à son client peuvent bénéficier du secret professionnel ; qu'en ne constatant pas que la lettre de Me X... était adressée aux consorts Y... et sans constater que ces derniers étaient clients de cet avocat, l'ordonnance a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; et alors, enfin, et en toute hypothèse, qu'en ne recherchant pas si les consorts Y... avaient confié leurs intérêts à Me B... et si les activités des sociétés Siga Spa, Siga E... et Abbot C... concernaient les consorts Y... et les sociétés qu'ils dirigent, le président a encore privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu qu'ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que le document composté 396 à 403, en date du 16 février 1995, intitulé "Opinion" et portant la signature de Giorgio X..., avocat, s'analysait comme une consultation juridique émanant de ce dernier, et dont la présence au sein des documents saisis permettait de présumer qu'elle était adressée aux consorts Y..., le président du Tribunal constate qu'il en allait de même pour les documents en date du 18 septembre 1995, sur papier à en-tête du cabinet Vittorio B..., ayant pour objet les sociétés Ciga Spa, Siga E... et Abbot Fiel et portant les numéros 2600 à 2608 et 2611 à 2619 ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, le président du tribunal, qui a procédé aux recherches prétendument omises visées aux deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision de déclarer ces documents couverts par le secret professionnel et donc insaisissables ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que le directeur des Impôts fait encore grief à l'ordonnance d'avoir décidé qu'il n'y avait lieu au maintien de la saisie des documents nos 001, 002, 1551, 476 à 478, 482 à 484, 783 à 796, 2620, 2766 et 2767, 815 à 818, 870 et 871, 878 et 879, 2653 à 2655, 2752 à 2755, 825 à 827, 2209, 1477, 916 à 932, 933 et 941, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le secret professionnel ne s'attache pas aux consultations et avis juridiques, lorsque les droits de la défense ne sont pas concernés et lorsque, de surcroît, ils se rapportent aux agissements frauduleux visés par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; qu'en décidant par principe que l'ensemble des lettres échangées entre les consorts Y... et leur conseils à quelque titre que ce soit sont protégées par le secret professionnel, l'ordonnance a violé le texte susvisé et l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; et alors, d'autre part, que la confidentialité ne concerne que les correspondances échangées entre un avocat et son client ; que le document composté sous le numéro 1477-1478 est un simple projet de lettre se rapportant à une procédure relative à un tiers ; qu'en retenant que cette pièce serait confidentielle, l'ordonnance a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; et alors, enfin, que faute de préciser que les notes manuscrites de Me A... (cotées sous les numéros 916 à 933 et 941) se rapportent à une poursuite pénale ou fiscale pendante devant une juridiction, l'ordonnance est encore privée de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'ordonnance retient qu'en ce qui concerne cette catégorie de documents, il convient de déclarer couvert par le secret professionnel l'ensemble des correspondances échangées entre les consorts Y... et leurs conseils, à quelque titre que ce soit, et faute pour le texte applicable d'opérer la moindre distinction ; qu'en cet état, le président du tribunal a pu décider qu'il n'y avait lieu au maintien sous saisie des documents concernés ;

Attendu, en second lieu, que le président du tribunal a souverainement estimé, d'une part, que le projet de lettre composté sous le numéro 1477-1478 qui commence par la formule "Cher Maître" et se réfère expressément aux projets de conclusions préparées pour "son altesse L'Aga F..." concernait à l'évidence Maître A... et devait être à ce titre protégé, et d'autre part, en ce qui concerne les pièces nos 916 à 932, 933 et 941, qu'il s'agissait de notes manuscrites de la main même de Me A..., destinées à la préparation de la défense de ses clients ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, le président du tribunal a légalement justifié sa décision de déclarer ces documents couverts par le secret professionnel et donc insaisissables ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le directeur général des Impôts fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir dit n'y avoir lieu au maintien de la saisie des documents nos 812, 814, 851 à 853, 856, 857, 882, 886 à 889, 892, 895 à 897, 898 à 901, 904, 1243, 1274 à 1276, 1280, 1311 à 1315, 1552, 1554, 1557, 1559, 1571, 1569, 1575, 1590, 1596, 1598, 1599, 1601, 2592 à 2594, 2597, 2706, 2710 à 2713, 2716, 2719 à 2722, 2727, 2729 à 2732, 2735, 2737 à 2740, 2770, 2771, 5844, 5875, 5952 à 5954, outre les deux documents émanant de Me G..., avocat, en date des 5 avril 1993 et 8 mars 1995, adressés respectivement à M. Félix Z... et M. A. Y..., et dont le numéro est illisible, alors, selon le pourvoi, d'une part, que faute d'avoir analysé, même succinctement, les pièces visées au dispositif et énumérées aux motifs, l'ordonnance a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que faute d'avoir constaté que ces pièces ont trait aux droits de la défense et intéressent des poursuites fiscales pendantes devant une juridiction répressive, l'ordonnance est privée de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Mais attendu que l'ordonnance retient qu'en ce qui concerne les notes d'honoraires et correspondances y afférentes, il convient, ainsi que l'a suggéré le représentant du conseil de l'Ordre, de ne maintenir sous saisie que les pièces strictement comptables ; qu'il en résulte nécessairement, sans avoir à motiver plus précisément, que les documents dont la distraction a été ordonnée étaient couverts par le secret professionnel et, comme tels, insaisissables ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur général des Impôts aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-30117
Date de la décision : 20/10/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

AVOCAT - Secret professionnel - Etendue - Consultations à un client - Visites et saisies domiciliaires.

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Exécution des opérations - Documents saisis - Consultations données par un avocat - Secret professionnel.


Références :

CGI L16 B
Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 art. 66-5

Décision attaquée : Président du tribunal de grande instance de Paris, 04 juillet 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 oct. 1998, pourvoi n°96-30117


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.30117
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