Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 55 de la Constitution ;
Attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Simmenthal, 9 mars 1978) que serait incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit communautaire toute disposition d'un ordre national ou toute pratique législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l'efficacité du droit communautaire par le fait de refuser au juge compétent pour appliquer ce droit, le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions législatives nationales formant éventuellement obstacle, même temporaire, à la pleine efficacité des normes communautaires ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en référé, que, par jugement du 12 septembre 1995, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a condamné avec exécution provisoire la société Pontoizeau automobiles, revendeur indépendant de véhicules automobiles, pour concurrence déloyale envers divers concessionnaires automobiles, à diverses sommes ; que la société Pontoizeau automobiles a interjeté appel de ce jugement ; qu'elle a demandé en référé au premier président de la cour d'appel de Poitiers la suspension de l'exécution provisoire ; que celui-ci a rejeté cette demande par ordonnance du 10 octobre 1995 ; que le 18 octobre 1995, les concessionnaires automobiles ont fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de la société Pontoizeau automobiles ; que, par actes des 21 et 22 novembre 1995, celle-ci a sollicité du juge de l'exécution du tribunal de grande instance des Sables-d'Olonne des délais de paiement ou la substitution d'une caution ; qu'en cours de procédure, la société Pontoizeau automobiles s'est prévalue des arrêts rendus le 15 février 1996 par la Cour de justice des Communautés européennes (Nissan France, Grand Garage albigeois) pour solliciter qu'il soit mis fin aux mesures d'exécution du jugement du tribunal de commerce ou qu'il soit posé une question préjudicielle ; que, par jugement du 6 mai 1996, le juge de l'exécution a rejeté toutes les demandes de la société Pontoizeau automobiles ; que celle-ci a interjeté appel de ce jugement ; que, par ailleurs, elle a saisi en référé le premier président de la cour d'appel de Poitiers " en suspension de l'exécution provisoire de la décision du juge de l'exécution " ; qu'elle a sollicité également le prononcé d'une question préjudicielle ;
Attendu que, pour rejeter la demande de sursis à exécution de la décision du juge de l'exécution, l'ordonnance retient que le sursis à exécution prévu par l'article 31 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 relatif à la réforme des procédures civiles d'exécution ne concerne que l'exécution du jugement du juge de l'exécution, dont appel, et non pas celle du titre ou des poursuites qui ont donné lieu à ce jugement, ainsi qu'il résulte formellement de l'article L. 311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire, lequel ne vise que les mesures prises par le juge de l'exécution, et non celles qu'il refuse d'ordonner et qui, par hypothèse, ne sont pas sujettes à exécution ; qu'en l'espèce, la société Pontoizeau requiert le premier président de statuer sur le fond aux lieu et place de la Cour, tout au moins dans l'attente de l'arrêt à intervenir, et que semblable demande est manifestement irrecevable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en application des principes communautaires susvisés, le premier président était compétent pour statuer sur la demande à lui présentée de sursis provisoire aux poursuites, dès lors que la décision du juge de l'exécution, en rejetant la demande de délais présentée par la société Pontoizeau, avait ordonné leur continuation, le premier président a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé n° 96/1687 F rendue le 25 juin 1996, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Limoges.