Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 59 du Traité instituant la Communauté européenne et 15 de la loi du 24 janvier 1984 ;
Attendu, selon l'arrêt critiqué, que la banque de droit néerlandais H. Albert de X... and Co NV (la banque Albert de X...) a consenti, le 29 novembre 1984, un prêt hypothécaire à la société civile immobilière Parodi ; que, le 13 mars 1990, celle-ci a assigné la banque Albert de X... en nullité du prêt, au motif que la banque n'avait pas, lors de l'octroi du prêt, reçu l'agrément exigé par la loi bancaire du 24 janvier 1984, et réclamé le remboursement d'une somme de 2 151 390 francs correspondant au trop-perçu sur ce prêt ;
Attendu que, dans un arrêt du 9 juillet 1997, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant sur une demande de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation, faite en application de l'article 177 du Traité, a dit pour droit que, pour la période précédant l'entrée en vigueur de la deuxième directive 89-646 CEE du Conseil, du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77-780 CEE, l'article 59 du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre impose à un établissement de crédit, déjà agréé dans un autre Etat membre, d'obtenir un agrément pour pouvoir accorder un prêt hypothécaire à une personne résidant sur son territoire, à moins que cet agrément s'impose à toute personne ou à toute société exerçant une telle activité sur le territoire de l'Etat membre de destination, soit justifié par des raisons liées à l'intérêt général telles que la protection des consommateurs, et soit objectivement nécessaire pour assurer le respect des règles applicables dans le secteur considéré et pour protéger les intérêts que ces règles ont pour but de sauvegarder, étant entendu que le même résultat ne pourrait pas être obtenu par des règles moins contraignantes ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Parodi, l'arrêt retient que, dans ses arrêts Reyners du 21 juin 1974 et Van Binsbergen du 3 décembre 1974, la Cour de justice des Communautés européennes a édicté que les dispositions du Traité, relatives à la liberté de prestation de services, étaient directement applicables dans les pays de la CEE depuis le 1er janvier 1970, qu'en conséquence toutes les activités rentrant dans le domaine des banques, comme en l'espèce le prêt consenti à une société française par la banque néerlandaise H. Albert de X... et Co, dont il n'est nullement allégué par ailleurs qu'elle n'ait pas obtenu les agréments prévus par la législation néerlandaise, étaient libérées de toutes entraves nationales d'ordre discriminatoire, que les entraves dont fait état la SCI appelante et tenant à l'application éventuelle de la loi interne française du 24 janvier 1984, sont inopposables à un organisme bancaire de la Communauté qui comme la banque intimée de droit néerlandais bénéficiait de la liberté d'établissement et de prestation de services, telle que prévue par le Traité de Rome, et que, de surcroît, la Directive communautaire 73-183 du 28 juin 1973 a édicté en ce qui concerne les banques et autres établissements financiers dans son article 3 la suppression " des restrictions qui notamment empêchent les bénéficiaires de s'établir dans le pays d'accueil, ou d'y fournir des prestations de services aux mêmes conditions et avec les mêmes droits que les nationaux " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à l'époque du prêt litigieux l'agrément prévu par l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984 était conforme aux trois conditions exigées, pour sa validité, par l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment en ce qu'il devait être obtenu par toute personne ayant pour activité l'octroi de prêts hypothécaires en France et en ce que, pour l'accorder, le Comité des établissements de crédit devait apprécier l'aptitude de l'entreprise requérante à réaliser ses objectifs de développement, dans des conditions compatibles avec le bon fonctionnement du système bancaire et qui assurent à la clientèle une sécurité satisfaisante, conditions justifiant alors l'implantation de succursales, compte tenu des garanties que celles-ci offraient en l'absence de règles prudentielles suffisamment harmonisées au sein des Etats membres et de relations précisément organisées et effectivement mises en oeuvre entre les autorités de contrôle des pays concernés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.