Vu leur connexité, joint les pourvois n° 96-22.127 et n° 97-18.655 ;
Sur l'irrecevabilité du pourvoi n° 96-22.127 soulevée en défense :
(sans intérêt) ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 97-18.655, pris en ses trois branches, commun au moyen unique du pourvoi n° J 96-22.127, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 octobre 1996 :
Attendu que le 19 septembre 1989, M. X..., salarié de l'Hôpital Notre Dame de Bon Secours, a été blessé au doigt par l'aiguille d'une seringue souillée, alors qu'il déchargeait, pendant son travail, des sacs de débris hospitaliers ; que les tests pratiqués alors n'ont pas mis en évidence de contamination par le virus HIV et que la séropositivité de la victime a été révélée à la suite d'un test pratiqué le 22 avril 1993 ; que la cour d'appel, après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, a fait droit à la demande de M. X... tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur ;
Attendu que l'Hôpital Notre Dame de Bon Secours fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'action non prescrite, alors, selon le moyen, d'une part, que selon l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale, le délai de prescription est, en matière d'accident du travail en général, et en matière de faute inexcusable en particulier, de deux ans ; que l'accident dont M. X... a été victime ayant eu lieu le 19 septembre 1989, l'action engagée devant la Caisse en mai 1993 et contre l'employeur le 26 octobre 1994, soit cinq ans plus tard, était par là même irrecevable comme prescrite, dès lors qu'il n'y a pas eu lieu à enquête et à paiement d'indemnités journalières, en l'absence d'arrêt de travail ; que ni le fait que M. X... ait ignoré jusqu'en avril 1993 la réalité de l'affection litigieuse, ni le fait qu'il aurait théoriquement pu, selon l'arrêt, percevoir des indemnités journalières s'il avait à l'origine connu le mal sous-jacent lié à la piqûre et cessé le travail, ce que rien ne nécessitait, ne pouvaient interrompre le délai d'ordre public prévu en la matière ; alors, d'autre part, et de plus fort, que l'accident ayant eu lieu le 19 septembre 1989, la cour d'appel ne pouvait écarter la prescription sur le fondement d'un décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, rétroactivement appliqué et de surcroît pris et publié après que la prescription de deux ans fixée par l'article L. 431-2 précité ait été acquise ; alors, enfin, que, pour écarter la prescription, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait que la maladie s'était révélée tardivement, tout en constatant que l'employeur a fait procéder sur le champ à une recherche d'anticorps anti-HIV, que ce contrôle a été de nouveau effectué le 23 janvier 1990 et que M. X... n'a pas en revanche fait faire pendant le délai d'un an -révélateur absolu de l'état réel du patient- les deux examens complémentaires (indolores et gratuits) qui lui eussent permis de connaître son véritable état, ce que spécifiait clairement la lettre ministérielle du 9 octobre 1989 à laquelle se réfère l'arrêt, et ce quelle que soit sa valeur normative ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les deux premiers tests avaient été négatifs et qu'aucune disposition sanitaire réglementaire n'imposait de délai à la victime pour en faire pratiquer d'autres, l'arrêt retient que, mise en évidence seulement le 22 avril 1993, la séropositivité contractée par M. X... n'a été révélée qu'à cette date ; qu'ayant ainsi fait ressortir que s'était réalisée la condition dont dépendait l'indemnisation de l'assuré, la cour d'appel en a exactement déduit que jusqu'à cet événement, le délai de prescription n'avait pas couru, et que la demande de M. X... était recevable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen du même pourvoi, pris en ses trois branches, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la même cour d'appel du 2 juillet 1997 :
Attendu que l'Hôpital fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, que la cassation qui interviendra tant au vu du moyen du pourvoi n° J 96-22.127 formé contre l'arrêt du 16 octobre 1996 déclarant l'action de M. X... recevable, que sur le premier moyen de l'actuel pourvoi reprenant cette même critique, devra entraîner par voie de conséquence la mise à néant des dispositions retenant l'existence d'une faute inexcusable de l'Hôpital, avec les conséquences qu'il en tire ; alors, d'autre part, que l'arrêt ne pouvait retenir à la charge de l'Hôpital, sans autre précision, une faute d'une gravité exceptionnelle résultant d'une omission volontaire tout en constatant qu'il avait eu recours, pour le ramassage des déchets et aiguilles, à une société spécialisée, le manquement éventuel et occasionnel aux consignes de sécurité par un membre indéterminé du personnel, et de surcroît la victime travaillant à mains nues, ne pouvant caractériser la faute inexcusable ; alors, enfin, que l'arrêt inverse la charge de la preuve en imposant à l'hôpital, qui a justifié par factures l'achat de gants de sécurité, d'établir qu'il en avait acquis une quantité suffisante, ce qui lui était d'autant plus difficile que M. X... a engagé son action cinq ans après la piqûre litigieuse, bien que le délai légal d'action fût de deux ans ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le guide technique adressé aux responsables d'établissements de soins publics et privés exposait, conformément à la réglementation en vigueur, la nécessité d'un préemballage à la fois étanche et hermétique pour chaque type de déchet et que si l'enlèvement et l'incinération de ces déchets avaient été confiés à une société spécialisée, le contrat faisait obligation à l'Hôpital de placer dans des récipients rigides tout objet susceptible de provoquer une perforation des sacs de ramassage ; qu'il retient encore que l'employeur ne justifie pas avoir fourni au personnel de manutention des containers spéciaux ni des gants de protection et qu'aucune consigne n'a été donnée, avant l'accident, concernant les précautions à prendre en présence d'objet perforant ; que la cour d'appel a exactement déduit de ces carences que l'Hôpital ne pouvait ignorer le danger auquel la non-observation des règles de sécurité pouvait exposer son personnel et que ses négligences revêtaient les caractères de la faute inexcusable ; qu'elle a ainsi, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE RECEVABLE le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 16 octobre 1996 ;
REJETTE les pourvois n° 96-22.127 et n° 97-18.655.