AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'EURL X..., dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 mai 1995 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre, section A), au profit de M. Patrick X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 juin 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Texier, conseillers, M. Soury, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'EURL X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé le 2 février 1981, en qualité d'ébéniste, par la société EURL X..., a été en arrêt de travail pour maladie du 16 janvier 1992 au 20 avril 1992, du 21 juin 1992 au 9 juillet 1992 et du 11 juillet 1992 au 20 septembre 1992 ; que le médecin du travail qui l'a autorisé à reprendre le travail le 21 septembre 1992, a émis plusieurs avis d'aptitude provisoire avant de le déclarer, le 25 novembre 1992, apte avec restrictions ("pas de port de charges lourdes, éviter la pose, prévoir poste de finition, traçage, vernissage") ; qu'il a été licencié, le 15 décembre 1992, pour inaptitude physique partielle et impossibilité de reclassement ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 18 mai 1995) de l'avoir condamné à verser au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que le licenciement étant fondé sur l'inaptitude du salarié médicalement constatée, la cour d'appel devait exclusivement rechercher si le salarié pouvait, à la date de son licenciement, continuer à occuper son emploi initial à plein temps et essentiellement polyvalent ; que la nature des tâches effectuées par le salarié avant l'avis définitif du médecin du travail était sans incidence sur la question ainsi posée ; que la cour d'appel a donc violé les articles L. 122-14-3 et L. 241-10-1 du Code du travail ; d'autre part, que l'EURL X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'elle avait occupé M. X..., après son retour dans l'entreprise, à des travaux conformes aux restrictions posées par le médecin du travail ; qu'en énonçant que le salarié n'avait pas été contredit dans ses affirmations selon lesquelles il n'aurait pas été tenu compte de ces restrictions, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'employeur et en conséquence violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que le fait que l'avis d'inaptitude du médecin du travail n'ait pas été momentanément respecté n'était pas de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement fondé sur l'impossibilité, résultant des restrictions imposées par cet avis,
de maintenir le salarié dans ses anciennes fonctions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé les articles L. 122-14-3, L. 241-10-1 et R. 241-51 du Code du travail ;
Mais attendu que l'impossiblité de maintenir le salarié dans son emploi ne pouvait justifier le licenciement du salarié que si l'employeur rapportait la preuve de l'impossiblité de reclasser l'intéressé dans un autre poste correspondant aux prescriptions du médecin du travail ; que la cour d'appel qui, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, a fait ressortir que l'employeur aurait pu reclasser le salarié a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'EURL X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.