AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Fondation Elkala, dont le siège social est Stadle 18 FL 9490 Vaduz (Liechtenstein),
en cassation d'un arrêt rendu le 8 décembre 1995 par la cour d'appel de Paris (2e Chambre, Section B), au profit de Mme Marie-Louise X..., épouse A..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 juillet 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Philippot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Launay, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Philippot, conseiller, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de la Fondation Elkala, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de Mme A..., les conclusions de M. Launay, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 1995), que les époux Z... ont vendu un immeuble, moyennant un prix partiellement converti en rente viagère, aux époux Y... qui l'ont revendu à la Fondation Elkala (Fondation) ; que Mme Z... a assigné la Fondation en paiement avec exécution provisoire des sommes dues au titre d'arrérages de la rente viagère et des intérêts de retard sur ces sommes ; qu'un premier jugement du 25 février 1994 a déclaré valables les clauses de révision de la rente viagère, déclaré irrecevables les demandes de Mme Z... présentées au titre des arrérages restant dus antérieurement au 1er octobre 1987, invité cette dernière à produire un décompte précis des arrérages restant dus postérieurement au 1er octobre 1987, ordonné la réouverture des débats sur ce point et assorti sa décision de l'exécution provisoire ; qu'un second jugement du 16 septembre 1994 a condamné la Fondation à payer à Mme Z... une somme au titre de la rente révisée et ordonné l'exécution provisoire à concurrence d'un certain montant de cette somme à valoir sur le principal ; que la Fondation a interjeté appel des deux jugements ;
Attendu que la Fondation fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "qu'en se contentant d'indiquer qu'en ce qui concerne la validité de la clause contractuelle d'indexation, les moyens invoqués par la Fondation au soutien de son appel ne font que réitérer "sous une forme nouvelle", mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour d'appel adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation, la cour d'appel, qui n'a pas analysé les moyens formulés par la Fondation qu'elle qualifie d'argumentation, a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé, en ce qui concerne la validité de la clause contractuelle d'indexation, que les moyens invoqués par la Fondation au soutien de son appel ne faisaient que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges avaient connu et auxquels ils avaient répondu, la cour d'appel, qui a adopté ces motifs et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau de la simple argumentation, a analysé les moyens et a motivé sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la Fondation fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "que le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; que la Fondation faisait valoir qu'ayant interjeté appel du jugement rendu le 25 février 1994, le Tribunal était, dès lors, dessaisi et n'avait pu valablement rendre sa décision du 16 septembre 1994 ; qu'en affirmant que le Tribunal, dans sa décision du 25 février 1994 ayant ordonné l'exécution provisoire de celle-ci, en l'absence de toute suspension de cette exécution provisoire, il n'était pas dessaisi par l'appel de la Fondation et pouvait donc statuer sur les points par lui réservés, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 481 dudit Code" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le jugement du 25 février 1994 était assorti de l'exécution provisoire qui n'avait pas été arrêtée par le premier président, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le Tribunal n'était pas dessaisi par l'appel de la Fondation sur les points par lui réservés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la Fondation fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1 / qu'il était stipulé que "faute d'en fixer conventionnellement le montant, il serait alors procédé à sa détermination par un expert qui serait judiciairement nommé par M. le président du tribunal de grande instance du ressort de la propriété sur simple requête de la partie la plus diligente" ; que la Fondation invitait la cour d'appel à nommer un expert en l'état du désaccord des parties ; qu'en décidant que la cour d'appel n'estime pas nécesaire de recourir à un expert pour effectuer de simples calculs de multiplications et d'additions et vérifier ceux effectués et présentés par Marie-Louise Z..., que cette demande sera rejetée, la cour d'appel qui, saisie d'une demande d'expertise prévue dans le cadre des stipulations contractuelles, en l'état d'un désaccord des parties sur le nouveau montant de la rente qui n'a pas recherché si, dès lors, cette demande n'était pas contractuellement recevable, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 2 / qu'en relevant que les pièces produites par Mme Z... justifient exactement les calculs par elle avancés pour décider que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la Fondation à payer à Mme Z... 258 222 033 francs au titre de l'arriéré de la rente viagère et 36 583,51 francs au titre des intérêts de retard arrêtés au 10 avril 1994, que compte tenu des échéances intervenues depuis ce précédent arrêt dont il y a lieu d'élever le montant de ces condamnations arrêtées au 30 août 1995 aux sommes de 400 567,75 francs en ce qui concerne l'arriéré de la rente viagère et de 46 890, 43 francs en ce qui concerne les intérêts de retard, la cour d'appel, qui se contente de viser les pièces produites par Mme Z..., sans aucunement procéder à leur analyse tant par motifs propres qu'adoptés, a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; 3 / qu'en condamnant la Fondation à payer la somme de 46 890,43 francs au titre des intérêts par le seul motif que "les pièces produites par Mme Z... justifient exactement les calculs par elle avancés", la cour d'appel, qui n'a pas procédé à l'analyse desdits documents, a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il n'était pas nécessaire de recourir à un expert pour effectuer de simples calculs de multiplication et d'addition et pour vérifier ceux effectués et présentés par Mme Z... et constaté que les pièces produites par cette dernière justifiaient exactement les calculs et les chiffres par elle avancés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et qui s'est ainsi référée aux pièces soumises à son examen, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Fondation Elkala aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.