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06/10/1998 | FRANCE | N°96-30177

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 octobre 1998, 96-30177


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° J 96-30.177 formé par M. Allain A..., demeurant ...,

II - Sur le pourvoi n° K 96-30.178 formé par Mme B... Le Gall, demeurant ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 24 avril 1996 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, au profit de M. le directeur général des Impôts, dont le siège est ...,

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs aux pourvois principal et incident invoquen

t, à l'appui de leur recours, les deux moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° J 96-30.177 formé par M. Allain A..., demeurant ...,

II - Sur le pourvoi n° K 96-30.178 formé par Mme B... Le Gall, demeurant ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 24 avril 1996 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, au profit de M. le directeur général des Impôts, dont le siège est ...,

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs aux pourvois principal et incident invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 juin 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Léonnet, Poullain, Métivet, Mmes Garnier, Tric, conseillers, MM. Huglo, Ponsot, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. A... et de Mme Le Gall, de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions contraires de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n° 96-30.177 et et n° 96-30.178 qui attaquent la même ordonnance ;

Attendu que, par ordonnance du 24 avril 1996, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a, en vertu de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration des Impôts à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux privés ou professionnels de M. Allain A... et/ou de Mme Le Gall, ..., en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de M. A... et de la SCP Guilloux-Belot-Le Sergent ;

Sur le premier moyen, commun aux demandeurs :

Attendu que M. A... et Mme Le Gall font grief à l'ordonnance d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, que la cassation des ordonnances en date du 6 octobre 1994, qui ne manquera pas d'intervenir sur les pourvois formés par la SARL Prodeges et M. C... à propos des visites domiciliaires et des saisies de pièces sur lesquelles l'administration fiscale s'est expressément fondée pour être autorisée à perquisitionner au domicile professionnel de M. A..., entraînera par voie de conséquence la cassation de l'ordonnance attaquée, en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, par 4 arrêts n° 2063, 2064, 2065 et 2066 du 10 décembre 1996, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation a déclaré irrecevables les pourvois formés par M. X..., la SA Sitimo, M. C... et Mme Y... et a rejeté le pourvoi de la Sarl Prodeges investissement et de l'EURL Prodeges contre l'ordonnance rendue le 6 octobre 1994 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre ; que le moyen manque en fait ;

Sur le second moyen, commun aux demandeurs, pris en ses cinq branches :

Attendu que M. A... et Mme Le Gall reprochent aussi à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article L 16 B du Livre des procédure fiscales exige, pour que soit mise en oeuvre une procédure de visite domiciliaire et de saisie, qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt ; que des dénonciations anonymes, sur lesquelles le juge est dans l'impossibilité d'exercer un contrôle concret, notamment en s'assurant que le dénonciateur a été à même de connaître les faits qu'il prétend révéler, ne peuvent être assimilées aux présomptions visées audit texte, si bien qu'en retenant, pour autoriser l'administration fiscale à perquisitionner en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sur les allégations d'une personne "ayant désiré garder l'anonymat" mais pourtant connue des services fiscaux, le juge, qui n'a pu exercer aucun contrôle concret des éléments qui lui étaient présentés, a méconnu le texte susvisé ; alors, d'autre part, que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales fait obligation à l'administration fiscale de fournir au juge tous les éléments d'information en sa possession de nature à justifier sa visite et qu'abusent du droit qu'ils tiennent de ce texte les agents qui sollicitent et obtiennent l'autorisation de perquisitionner et de saisir sans produire au magistrat et en passant ainsi sous silence des pièces en leur possession, de nature à contredire la demande d'autorisation faite ; qu'en l'espèce, l'Administration détenait, pour les avoir saisis au cours d'une autre visite domiciliaire, des pièces démontrant que M. A... n'avait pas été le conseil de la société Prodeges pour des montages fiscaux liés à la défiscalisation de la loi Pons, de sorte qu'il n'avait pu percevoir d'honoraires ou de commissions à cet égard, si bien qu'ayant ainsi été rendue en dissimulation de faits et d'éléments de nature à contredire les affirmations de la requête et partant à empêcher le juge d'exercer son contrôle sur les

présomptions dont il était fait état, l'ordonnance ne satisfait pas aux exigences du texte susvisé ; alors, en outre, que le juge statuant en vertu de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ne peut se référer qu'aux informations obtenues par l'Administration de manière licite, de sorte qu'en autorisant des agents des Impôts à perquisitionner en retenant que des présomptions de fraude résultaient d'extraits bancaires obtenus en vertu de leur droit de communication et concernant les époux Z..., qui se trouvaient corroborés par les éléments résultant d'une dénonciation anonyme et en se fondant ainsi sur des informations obtenues par une violation du secret professionnel puiqu'il résulte des mentions de l'ordonnance que l'analyse des documents bancaires avait été faite avec le dénonciateur, le juge n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article précité ; alors, au surplus, que le juge qui, en vertu de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales, autorise une visite ou une saisie à la requête de l'administration fiscale, doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée, si bien qu'en reprenant les motifs avancés par le directeur des Impôts, selon lequels M. A... aurait reçu d'importants honoraires en espèces non déclarés et qu'il aurait perçu des parts de quirats en échange de ses services, sans énoncer en vertu de quelles pièces il se déterminait, pour en déduire que celui-ci s'était livré ou se livrait à des dissimulations de recettes et ce, alors que les pièces produites par l'Administration, soit ne présentaient aucun rapport avec M. A..., soit contredisaient les allégations ainsi avancées, dès lors notamment que M. A... n'avait jamais été propriétaire de parts de quirats, pas plus qu'il n'avait été le conseil de la société Prodeges, au titre de montages fiscaux, l'ordonnance attaquée n'a pas satisfait aux exigences de l'article L 16 B précité ; alors, enfin, que l'article L 16 B exige d'abord que soient apportées des présomptions sérieuses qu'un contribuable s'est soustrait à la déclaration ou au paiement de l'impôt et ensuite, que le juge exerce un contrôle concret sur les pièces qui lui sont présentées à cette fin ; qu'en l'occurrence, les motifs de l'ordonnance se bornent à indiquer d'une part que M. A... "aurait" payé une voiture par chèque sans toutefois que la réalité de ce paiement, facile à établir pour l'Administration, soit assurée, d'autre part, que la déclaration de ressources de M. A... pour 1994 est supérieure de 200 000 francs à celle de ses associés, ce qui n'a aucune signification sinon de montrer que le véhicule aurait été acheté 400 000 francs, et enfin qu'il est "malgré tout présumé" que la valeur vénale (argus) de ce véhicule est supérieure à sa valeur d'achat, sans toutefois que cette valeur, aisée à déterminer, soit indiquée, non plus d'ailleurs que l'état du véhicule ; qu'il apparaît ainsi que le juge s'est borné à des motifs imprécis et à affirmer qu'il existait des présomptions que M. A... avait perçu des rémunérations occultes sans faire état d'aucun élément probant et sans exercer une vérification concrète des éléments qui lui étaient soumis en méconnaissance de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il n'est pas interdit au juge de faire état d'une déclaration anonyme dès lors que cette déclaration lui est soumise au moyen d'un document, établi par les enquêteurs et signé par eux, permettant ainsi d'en apprécier la teneur et est corroborée par d'autres éléments d'information décrits et analysés par lui ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, en deuxième lieu, que les demandeurs au pourvoi ne démontrent pas que les documents dont la dissimulation par l'Administration est alléguée aient été en la possession de celle-ci à la date de la requête ni que ces documents contiennent des informations différentes de celles résultant des documents annexés à la requête ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas du procès-verbal d'audition de la personne ayant souhaité garder l'anonymat que l'Administration ait pris l'initiative de soumettre à cette personne des documents bancaires susceptibles d'être couverts par le secret professionnel ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, enfin, que l'ordonnance se réfère, en les analysant, à ceux des éléments d'information fournis par l'Administration qu'elle retient et relève les faits résultant de ces éléments sur lesquels le juge a fondé son appréciation ; qu'ainsi, le président du tribunal a satisfait aux exigences légales visées aux quatrième et cinquième branches ; que le moyen n'est pas fondé ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-30177
Date de la décision : 06/10/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Eléments d'information - Déclaration anonyme - Prise en compte - Conditions.


Références :

CGI L16 B

Décision attaquée : Président du tribunal de grande instance de Nanterre, 24 avril 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 oct. 1998, pourvoi n°96-30177


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.30177
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