AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X... général des Impôts, Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan, domicilié ...,
en cassation d'un jugement rendu le 11 mars 1996 par le tribunal de grande instance de Strasbourg (1ère chambre civile), au profit de M. Jean-Claude Y..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 juin 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Huglo, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller référendaire, les observations de Me Thouin-Palat, avocat de M. X... général des Impôts, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne ;
Attendu, selon le jugement déféré, que M. Y..., propriétaire d'un véhicule d'une puissance fiscale de 33 chevaux a, par réclamation du 21 décembre 1993, demandé la restitution de la taxe différentielle acquittée au titre de l'année 1991 ; qu'après le rejet de sa réclamation, il a assigné le Directeur des Services fiscaux devant le tribunal de grande instance ;
Attendu que, pour accueillir la demande en restitution des taxes dues au titre de l'année 1991, le tribunal retient qu'il n'est pas démontré que les modifications apportées dans le mode de calcul de la puissance fiscale par la circulaire du 12 janvier 1988 pourraient satisfaire à la critique émise par la Cour de justice des Communautés européennes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain), la Cour de justice des Communautés européennes a seulement jugé incompatible avec l'article 95 du Traité la limitation du facteur K dans le mode de calcul de la puissance fiscale introduite par la circulaire du ministre de l'Equipement du 23 décembre 1977 ; qu'il en résulte que la taxe perçue en 1991 sur des véhicules dont le mode de calcul de la puissance fiscale n'a pas subi cette limitation est compatible avec l'article 95 dudit Traité et qu'il appartenait dès lors à M. Y... de démontrer que, malgré les dispositions des circulaires du 12 janvier 1988 et du 20 septembre 1991, la puissance fiscale de son véhicule avait été déterminée de façon incompatible avec l'article 95 du Traité, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 mars 1996, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Strasbourg ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Colmar ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.