AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Telu Tezekjian et compagnie, société en nom collectif, dont le siège est Le Grognard, ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 novembre 1996 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), au profit :
1°/ de M. Ange, Louis Y...,
2°/ de Mme Jeanne X..., épouse Y..., demeurant ensemble ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 juin 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Bourrelly, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bourrelly, conseiller, les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société Telu Tezekjian et compagnie, de Me Cossa, avocat des époux Y..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 26 novembre 1996), que la société Telu Tezekjian et compagnie (société Telu) a apporté au local qui lui avait été donné à bail à usage commercial des modifications non autorisées par le bailleur;
que les époux Y..., devenus propriétaires du local, lui ont délivré, au visa de la clause résolutoire, un commandement d'exécuter des travaux de remise en état dans le mois;
que la société Telu a fait opposition ;
Attendu que la société Telu fait grief à l'arrêt de déclarer la clause résolutoire acquise, d'ordonner son expulsion et de la condamner à payer des dommages-intérêts aux époux Y..., alors, selon le moyen,
"1°) que le bailleur ne peut invoquer de mauvaise foi la clause résolutoire insérée au bail;
qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la clause résolutoire n'avait pas été invoquée de mauvaise foi par la bailleresse, dès lors que le preneur avait été contraint de réaliser, à la place de celle-ci, des travaux dont elle s'est plainte et qui pourtant lui incombaient en vertu de son obligation d'entretien de la chose louée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1719, 1720, 1134 et 1184 du Code civil;
2°) qu'en cas de vente d'un immeuble donné à bail, le nouveau bailleur ne peut solliciter l'application de la clause résolutoire insérée au bail pour un prétendu manquement du preneur à ses obligations envers l'ancien bailleur;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil;
3°) que la vente d'un immeuble n'emporte pas de plein droit cession au profit de l'acquéreur des droits et actions à fin de dommages-intérêts qui ont pu naître au profit du vendeur;
qu'en allouant aux acquéreurs, de plein droit, des dommages-intérêts en réparation d'un prétendu manquement commis par le preneur antérieurement à la vente, la cour d'appel a violé l'article 1615 du Code civil" ;
Mais attendu, d'une part, que la société Telu n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel le grief tiré de la contestation du titre des époux Leca de recevoir réparation du préjudice qu'avait entraîné, pour le propriétaire précédent, la modification des lieux sans autorisation, le moyen est de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que les travaux exécutés par la société Telu n'avaient été qu'en partie justifiés par la vétusté, qu'ils avaient causé des désordres dans l'immeuble, et que la société Telu, ayant reçu un commandement de rendre les locaux conformes au bail, avait révélé sa carence en n'exécutant pas son obligation de faire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Telu Tezekjian et compagnie aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Telu Tezekjian et compagnie à payer aux époux Y... la somme de 9 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Telu Tezekjian et compagnie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.