AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société JM, société civile immobilière, dont le siège est Centre commercial Saint-Nicolas-lès-Arras, 62223 Saint-Laurent-Blangy, en cassation d'un arrêt rendu le 28 mai 1996 par la cour d'appel de Douai (1re chambre), au profit de la société Arrageoise, société civile immobilière, dont le siège est ... défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 juillet 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Masson-Daum, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Cachelot, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mme Boulanger, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Masson-Daum, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société civile immobilière JM, de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de la société civile immobilière Arrageoise, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mai 1996), que la société civile immobilière JM a cédé à la société civile immobilière Arrageoise 1832 actions de la société de construction du centre commercial Saint-Nicolas-Saint-Laurent dont l'objet est l'attribution aux associés de lots en jouissance puis en propriété lors de sa dissolution;
que les parts cédées donnant vocation à la jouissance d'un local à usage de cafétéria correspondant au lot n° 12, la société Arrageoise a assigné la société JM en condamnation à lui assurer la jouissance intégrale des locaux qu'elle estimait amputés d'un pan coupé constituant une extension du lot contigu n° 13 ;
Attendu que la société JM fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1°) que, s'agissant de la cession d'une créance ou d'un autre droit incorporel, le cédant doit seulement en garantir l'existence au temps du transport, quoiqu'il soit fait sans garantie;
qu'en écartant la clause prévoyant exclusivement une garantie de cette nature, au prétexte que la société d'attribution devait octroyer à l'associé une jouissance conforme à ses droits, notamment quant à la surface de la fraction d'immeuble affectée aux parts sociales cédées, la cour d'appel a violé tout à la fois les articles 1134, 1627 et 1693 du Code civil;
2°) que tenus de motiver leur décision, les juges ne peuvent statuer par voie d'affirmations;
qu'en déclarant qu'il n'était pas possible d'envisager, quant au principe de la condamnation, une solution différente de celle du premier juge, dès lors que la société JM était également titulaire des actions donnant droit à la jouissance de bar-bowling et bénéficiait donc indûment du pan coupé dont l'attribution était attachée aux actions cédées, sans constater que, lorsqu'elle avait acquis le 27 février 1989 les actions donnant vocation à la jouissance du lot n° 13 la configuration du local n'aurait pas été celle qui existait, avec le pan coupé, au moment de la cession du lot n° 12 le 17 mai 1989, et que la modification aurait été due à son fait personnel, seule hypothèse pouvant caractériser une faute à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
3°) que les conventions devant être exécutées de bonne foi, une partie ne peut demander l'exécution d'une obligation autre que celle sur laquelle a porté son consentement;
que la société JM faisait valoir que, ayant acquis les actions donnant vocation à la jouissance du lot n° 2 en toute connaissance de sa consistance réelle, la superficie mentionnée à l'acte n'étant d'ailleurs pas garantie, et ce après avoir fait réaliser des plans et devis d'aménagement révélant l'existence de la cloison séparant ce lot du fonds voisin, sa cessionnaire avait par là-même renoncé à en contester ultérieurement la configuration matérielle;
qu'en délaissant de telles écritures objectant que le consentement de l'acquéreur avait été donné en toute connaissance de cause, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les droits de chaque associé résultant des statuts et de l'état descriptif de division de la société lui permettaient de détenir l'usage exclusif de la fraction d'immeuble affectée à ses parts sociales, que le lot n° 12 se présentait comme un rectangle parfait mais qu'il se trouvait amputé en sa partie jouxtant le lot n° 13 d'un espace triangulaire, la cour d'appel, qui a retenu, par motifs propres, que la société JM était également propriétaire des actions donnant droit à la jouissance du bar-bowling et jouissait donc indûment du pan coupé dont la jouissance était attachée aux actions cédées à la société Arrageoise et, par motifs adoptés, que la tardiveté de l'action ne la rendait pas de ce seul fait irrecevable, a, abstraction faite d'un motif surabondant, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière JM aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société civile immobilière JM à payer à la société civile immobilière Arrageoise la somme de 9 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière JM ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.