AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller JOLY, les observations de Me de Z..., et de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- BERNARD Y..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 26 septembre 1997, qui, infirmant sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyée devant le tribunal correctionnel pour dénonciation calomnieuse ;
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 226-10 du Code pénal, de l'article 5 du Code civil, des articles 207, 212, 213, 218, 574, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et excès de pouvoir ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant une ordonnance de non-lieu, a renvoyé Evelyne X... devant le tribunal correctionnel de Paris, pour y répondre du délit de dénonciation calomnieuse ;
"aux motifs que, contrairement à ce qui était soutenu dans les réquisitions et dans l'ordonnance, Evelyne X... n'avait pas utilisé le procédé de la déclaration par main courante, mais s'était présentée spontanément au commissariat de police et avait été entendue par un lieutenant de police, agent de police judiciaire;
qu'elle avait ainsi dénoncé un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires, contre une personne dénommée, à une autorité susceptible d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente;
qu'en l'absence de toute décision de non-lieu ou de relaxe, la chambre d'accusation devait apprécier la pertinence des accusations portées;
qu'il résultait des éléments de la procédure qu'Evelyne X... avait répliqué par sa déclaration à la police à un incident de nature purement professionnel ;
que ses déclarations avaient été faites de mauvaise foi, car elles n'étaient pas pertinentes, défaut que ne pouvait pallier la production d'un certificat médical dont Evelyne X... faisait état pour la première fois devant la chambre d'accusation sans l'avoir soumis préalablement au juge d'instruction, ce qui enlevait à cette pièce tout caractère probant ;
"alors que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs;
que la chambre d'accusation a affirmé expressément qu'Evelyne X... n'avait pas utilisé le procédé dit de déclaration de main courante (arrêt, page 4, avant dernier alinéa), après avoir affirmé exactement le contraire une page avant (arrêt, page 3, 4ème alinéa) ;
"et alors que la chambre d'accusation est saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'examen du litige dans tous ses aspects;
qu'il lui appartient d'examiner les pièces versées aux débats par les parties, quand bien même le juge d'instruction n'en aurait pas eu connaissance;
qu'en déniant toute valeur probante au certificat médical produit par Evelyne X..., sous le seul prétexte que ce document n'avait pas été soumis au juge d'instruction, la chambre d'accusation a statué par voie de motif général et abstrait et a commis un excès de pouvoir" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt critiquées par ce moyen, qui sont relatives aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et aux charges que la chambre d'accusation a retenues contre la prévenue pour la renvoyer devant la juridiction correctionnelle, ne contiennent aucune disposition définitive que le tribunal n'a pas le pouvoir de modifier ;
Qu'il s'ensuit qu'un tel moyen n'est pas recevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pinsseau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Joly conseiller rapporteur, MM. Roman, Farge, Mme Mazars conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;