AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de Me THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Eric, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 1997, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamné à une amende de 5 000 francs ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 226-10, alinéa 1er, du Code pénal, 485 et 512 du Code de procédure pénale, 802 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric Y... coupable de dénonciation calomnieuse ;
"aux motifs que "la mise en recouvrement des amendes forfaitaires majorées est effectuée dans les conditions prévues par les articles 707, R. 49-5, R. 49-6 du Code de procédure pénale et par celle du décret n°64-1333 du 22 septembre 1964;
qu'il résulte de ces diverses dispositions qui ne pouvaient être ignorées par le prévenu que le comptable direct du trésor public n'a qu'une compétence liée et qu'il ne lui appartient pas, notamment, de se substituer à l'officier du ministère public pour apprécier la recevabilité ou le bien-fondé de la réclamation du contrevenant;
qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'en l'espèce le comptable direct ait procédé au recouvrement de sommes autres que celles qui figuraient sur les titres exécutoires dont il était chargé d'effectuer le recouvrement;
qu'en conséquence, la prévention est établie dès lors que la plainte en cause dénonçait au procureur de la République des faits qui étaient inexacts par rapport à la stricte mission dont était investi le comptable et dont le prévenu ne pouvait ignorer les limites" ;
1°)alors qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt, que le comptable du trésor, M. X..., avait été informé des réclamations régulièrement formées par Eric Y... auprès du ministère public, et du caractère irrégulier de la procédure d'exécution diligentée par ce dernier au mépris des dispositions de l'article 530-1 du Code de procédure pénale, qui lui imposaient en effet, ce qu'il n'avait pas fait, de saisir le tribunal de police afin qu'il soit statué sur le bien-fondé de ces réclamations;
qu'il s'en déduisait que M. X... se devait de surseoir au recouvrement des amendes litigieuses et de ne pas ordonner la perception de droits qu'il savait ne pas être dûs;
qu'en déclarant le contraire, pour en déduire à tort la fausseté des faits dénoncés par Eric Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°)"alors que le délit de dénonciation calomnieuse est une infraction intentionnelle qui suppose la connaissance, par le prévenu, de la fausseté du fait dénoncé;
qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt qu'Eric Y... avait informé M. X... des réclamations qu'il avait régulièrement formées auprès du ministère public, et du caractère irrégulier de la procédure d'exécution diligentée par ce dernier au mépris des dispositions de l'article 530 du Code de procédure pénale ;
qu'il s'en déduisait à tout le moins l'absence de mauvaise foi d'Eric Y..., de sorte qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Eric Y... a, par lettre de son conseil adressée au procureur de la République, déposé plainte pour concussion contre un comptable du Trésor Public chargé du recouvrement des amendes forfaitaires;
qu'au soutien de cette plainte, il exposait qu'une saisie avait été pratiquée sur l'un de ses comptes bancaires pour un montant de 2 730 francs correspondant "à des amendes de stationnement qui avaient été en temps utile contestées par lui";
que ce comptable n'avait pas tenu compte des oppositions qu'il avait formulées et qu'il avait ordonné la perception de sommes qui n'étaient pas dues ;
Attendu que, pour déclarer le demandeur coupable de dénonciation calomnieuse, la cour d'appel retient que la plainte dénonçait au procureur de la République des faits qui étaient inexacts au regard de la stricte mission dont était investi le comptable et dont le prévenu ne pouvait ignorer les limites ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt qui a fait l'exacte application de l'article 226-10 du Code pénal, n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pinsseau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Poisot conseiller rapporteur, MM. Roman, Joly, Farge, Mme Mazars conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;