AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Y... Bordes, demeurant 40330 Gaujacq, en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1996 par la cour d'appel d'Agen (Chambre sociale), au profit du directeur de l'association CAT et foyers "L'Essor", domicilié 32240 Monguilhem, défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 juin 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Besson, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de Me Copper-Royer, avocat de Mme X..., de Me Luc-Thaler, avocat du directeur de l'association CAT et foyers "L'Essor", les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail ;
Attendu que Mme X... a été engagée le 10 août 1976 par l'association L'Essor, qui gère un établissement d'accueil de personnes handicapées mentales, en qualité de monitrice-éducatrice;
qu'elle a été licenciée par lettre recommandée du 24 novembre 1993 pour négligence durant le service, son employeur lui reprochant de s'être endormie et d'avoir ainsi manqué à son obligation de surveillance des pensionnaires;
qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt énonce qu'il a été constaté que le 14 novembre 1993, la salariée était allongée sur le canapé du salon de télévision, profondément endormie;
que cela ne traduit pas seulement la survenance d'une somnolence subite, mais manifeste un acte délibéré de s'abandonner au sommeil;
que, loin de constituer une excuse, la prise de médicaments susceptibles de provoquer une certaine somnolence devait conduire Mme X... à éviter un comportement qu'elle savait contraire à l'exercice de sa fonction;
que le fait qu'il ne serait resté ce jour-là que quelques pensionnaires dans l'établissement n'est pas de nature à excuser cette faute qui constitue un manquement grave aux fonctions de surveillance incombant à Mme X... et qui était susceptible, en cas d'accident survenu à un pensionnaire, d'engager la responsabilité de l'association;
qu'en conséquence, c'est à bon droit que l'association a licencié Mme X... pour faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le fait isolé pour la salariée, qui totalisait plus de 17 années d'ancienneté et dont il n'a pas été constaté qu'elle ait antérieurement fait l'objet de reproches pour des faits similaires, de s'endormir momentanément pendant son service, ne peut suffire à caractériser un manquement rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et n'est donc pas constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier et le troisième moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne le directeur de l'association CAT et foyers "L'Essor" aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.