AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Euro Fac, dont le siège est rue Jean Racine, BP 10, 61270 Rai, en cassation d'un jugement rendu le 26 février 1996 par le conseil de prud'hommes d'Alençon (section industrie), au profit :
1°/ de M. Robert Y..., domicilié Maison du gardien, Euro Fac Corru, 61270 Aube,
2°/ de M. Michel Z..., demeurant ..., 61270 Rai,
3°/ de M. Lionel X..., demeurant ..., 61270 Rai, défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 juin 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Brissier, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Richard de la Tour, Soury, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de Me Vuitton, avocat de la société Euro Fac, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L.132-8 du Code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le 18 mars 1994, la société Euro Fac a dénoncé aux organisations syndicales qui en étaient les signataires l'accord collectif d'entreprise qui avait été conclu en 1976 et reconduit le 12 novembre 1986, et qui prévoyait en son article 23 que les heures de travail de nuit bénéficieraient d'une majoration de 25 %;
que, le 4 juillet 1995, trois salariés de la société Euro-Fac, MM. Z..., X... et Y..., faisant valoir que cette modification n'avait pas été portée à leur connaissance et que, depuis le 18 juin 1995, ils n'avaient perçu qu'une majoration de 15 % pour les heures de travail de nuit, ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de la majoration de 25 % ;
Attendu que, pour condamner la société Euro Fac à verser les sommes réclamées, le conseil de prud'hommes se borne à énoncer que, si l'accord d'entreprise a bien été dénoncé dans le délai légal - 3 mois de préavis plus un an - cette dénonciation n'a pas été signifiée individuellement aux salariés ;
Attendu, cependant, que la dénonciation d'une convention ou d'un accord collectif n'a pas, en principe, à être notifiée aux salariés;
que, toutefois, si la convention ou l'accord dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au troisième alinéa de l'article L. 132-8 du Code du travail, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ces délais ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, en exigeant une dénonciation individuelle et sans rechercher si un accord de substitution était intervenu et, dans la négative, si les salariés concernés ne devaient pas conserver au titre des avantages individuels acquis le bénéfice de la majoration litigieuse, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 février 1996, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Alençon;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Argentan ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.