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01/07/1998 | FRANCE | N°96-43157

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 1998, 96-43157


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° T 96-43.157 formé par M. Nordi Z..., demeurant ...,

2°/ Sur le pourvoi n° U 96-43.158 formé par l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône, dont le siège est Bourse du Travail Benoît Y..., ..., en cassation du même arrêt rendu le 14 mars 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre sociale), au profit :

1°/ de l'ASSEDIC-FNGS, dont le siège est ...,

2°/ de la société Nacqui distribution, société à res

ponsabilité limitée, dont le siège est ...,

3°/ de M. X..., pris en sa qualité de commissaire à ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° T 96-43.157 formé par M. Nordi Z..., demeurant ...,

2°/ Sur le pourvoi n° U 96-43.158 formé par l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône, dont le siège est Bourse du Travail Benoît Y..., ..., en cassation du même arrêt rendu le 14 mars 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre sociale), au profit :

1°/ de l'ASSEDIC-FNGS, dont le siège est ...,

2°/ de la société Nacqui distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

3°/ de M. X..., pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Nacqui distribution, domicilié ... de Brignoles, 13006 Marseille,

4°/ de M. A..., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Nacqui distribution, domicilié ..., défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 mai 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Texier, Lanquetin, conseillers, M. Richard de la Tour, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n° T 96-43.157 et U 96-43.158 ;

Attendu que M. Z... a été engagé le 10 septembre 1991 en qualité de chauffeur-livreur par la société Nacqui distribution;

que cette société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce le 13 mai 1993;

que le 10 septembre 1993, le salarié a été victime d'un accident du travail;

qu'il a été licencié le 24 février 1994 pour motif économique par l'administrateur au redressement judiciaire, en vertu d'une ordonnance rendue le 21 février 1994 par le juge-commissaire désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire;

que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement, d'indemnité de préavis, de complément de salaire et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur les deux premiers moyens réunis, communs aux deux pourvois :

Attendu que le salarié et l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône font grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 mars 1996) de n'avoir accordé à M. Z... que la somme de 40 000 francs à titre d'indemnité, alors, selon les moyens, premièrement, que, comme l'avait fait le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a considéré que le licenciement intervenu en violation de l'article L. 122-32-2 du Code du travail était nul, mais qu'à l'inverse du conseil de prud'hommes, elle n'a pas retenu l'indemnisation fixée par l'article L. 122-32-7 du Code du travail à 12 mois de salaire minimum;

qu'il y a là une contradiction;

que si le licenciement est considéré comme prononcé en violation de l'article L. 122-32-2 du Code du travail, il ne peut être considéré que comme nul;

que le dispositif de l'arrêt le déclare nul;

que, dès lors, le contrat de travail a repris son existence et s'est formellement poursuivi sans difficultés jusqu'à la reprise d'activité du 18 septembre 1994 ou jusqu'à la demande de réintégration du 10 octobre 1994;

que le contrat se rompt alors à cette date du fait que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-32-4 du Code du travail, M. Z... ne retrouve pas son emploi ou un emploi équivalent et ce malgré sa demande expresse de réintégration;

qu'il y a donc bien lieu de considérer que M. Z... a perdu son emploi par non-respect de l'article L. 122-32-4 du Code du travail et que l'arrêt a faussement défini la situation;

que, de plus, il ne peut y avoir rupture dans le cadre de l'article L. 122-32-2 du Code du travail puisque cette rupture a eu lieu et a été déclarée nulle;

que suivre l'ASSEDIC, M. X... et la cour d'appel dans cette position reviendrait à entériner l'irrationalité suivante : un employeur ayant prononcé un licenciement irrégulier pour n'avoir pas su faire face aux problèmes posés par la reprise d'activité d'un accidenté serait durement sanctionné et celui qui aurait rompu le contrat sans attendre de savoir dans quel état d'aptitude son employé lui reviendra échapperait à cette sanction;

que, de plus, il ne pourrait se voir opposer le minimum de 6 mois résultant de l'article L. 122-14-4 du Code du travail;

qu'enfin, l'Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône souligne qu'il y a dans cette disposition sévère de l'article L. 122-32-7 du Code du travail une volonté du législateur de voir les employeurs accorder toute l'importance qu'il convient à la réinsertion professionnelle des accidentés du travail qui ont été victimes d'un concours de circonstances où l'on retrouve des facteurs d'imprudence, d'imprévoyance, d'insuffisance technique, de surcharge de travail ou de fatigue, qu'il importe de ne pas laisser dériver;

que M. Z... devait donc être indemnisé conformément à l'article L. 122-32-7 du Code du travail;

que l'arrêt a faussement défini sa situation;

alors, secondement, que la déclaration d'appel de l'ASSEDIC et son intervention à la barre de la cour d'appel font état de l'ordonnance de M. le juge-commissaire prise en application de l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985 pour soutenir que le licenciement est régulier et licite tandis que M. Z... et l'Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône ont soutenu le contraire par des conclusions écrites;

que la cour d'appel affirme que, par application de l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985, Iadite ordonnance autorise le licenciement de deux membres du personnel de la société, et qu'en l'absence de recours formé à son encontre, il est établi que le licenciement de deux salariés présentait un caractère urgent, inévitable et indispensable en raison de la situation économique de la société ayant fait l'objet d'une procédure collective, sans répondre aux moyens tirés de ce que l'absence du délai de recours (15 jours dans le cas d'une ordonnance) n'est pas opposable à M. Z... parce que l'ordonnance ne lui a jamais été notifiée, parce qu'elle n'est pas jointe à la lettre de licenciement qui lui est notifiée et parce que les voies de recours ne sont pas indiquées;

que la lettre de licenciement a été notifiée avant l'expiration du délai de recours;

que la contestation de la lettre de licenciement qui est ouverte, se substitue à celle de l'ordonnance qui devient sans objet;

que l'ordonnance de M. le juge-commissaire, même si elle avait été notifiée et si elle n'avait pas fait l'objet d'un recours, ne légitime pas le motif du licenciement;

qu'en effet, un employeur détient normalement le pouvoir de licencier un salarié pour motif économique sous réserve que ce motif soit réel et sérieux comme exigé à l'article L. 122-14-4 du Code du travail;

que sa mise en redressement judiciaire lui ôte ce pouvoir du fait de sa mise en tutelle;

que, pour autant, ce pouvoir de licenciement économique n'est pas remis à l'administrateur judiciaire;

que ce dernier, pour pouvoir l'exercer, doit présenter une requête au juge-commissaire et celui-ci, par son ordonnance, lui restitue ce pouvoir que l'employeur a perdu;

qu'aux termes de l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985, il autorise à procéder au licenciement;

que, par contre, il ne l'autorise pas à licencier;

que la nuance est importante;

que cette ordonnance du juge-commissaire est une mesure d'ordre;

qu'elle est notifiée au représentant des salariés qui est ainsi informé que, sur ce point, et dans le cadre délimité défini, l'administrateur judiciaire a recouvré la plénitude des pouvoirs de l'employeur;

que les articles 45, 63, 148 et 153 de la loi précitée fixent les conditions simplifiées de consultation des élus du personnel, conditions simplifiées par rapport à la procédure sans redressement judiciaire parce que l'étude de l'état économique de l'entreprise a déjà été réalisée;

qu'enfin l'article 63 du décret d'application du 27 décembre 1985 précise que l'ordonnance du juge-commissaire fixe le nombre de salariés, les activités et catégories professionnelles concernées "dont le licenciement est autorisé";

que cette phrase doit s'entendre, conformément à l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985, " des licenciements auxquels l'administrateur est autorisé à procéder...";

que "cette autorisation" cerne l'étendue du pouvoir restitué à l'administrateur judiciaire, mais ne confère pas un caractère licite à la mesure définie;

qu'une confirmation de la justesse juridique de cette interprétation ressort de la considération suivante, à savoir que la constatation du caractère réel et sérieux du motif du licenciement, lorsqu'elle est portée devant le conseil de prud'hommes ou la cour d'appel, est tranchée par un bureau de jugement après échange des moyens de fait et de droit définis aux articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile, débat public et contradictoire entre les parties appelées et notification du jugement prononcé;

que la même appréciation du caractère réel et sérieux du motif du licenciement ne peut à l'évidence résulter d'une ordonnance sur requête prise sans débat, sans échange de pièces, sans appeler les parties et sans notification aux personnes concernées;

que la cour d'appel écarte l'ordonnance du juge-commissaire pour une faute de détail alors que sa validité fondamentale est contestée;

qu'il y a là un manquement à l'article 455 du nouveau Code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a exactement énoncé que l'ordonnance rendue par le juge-commissaire en application de l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985, indiquant le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les catégories et activités professionnelles concernées, ne statuant que sur la nécessité du licenciement et son importance en nombre, lui permettait de statuer sur la demande du salarié licencié au regard de sa situation individuelle ;

Attendu, ensuite, que, hors toute contradiction, elle a exactement décidé que l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-7 du Code du travail n'était pas applicable au licenciement prononcé au cours de la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle et que la nullité du licenciement prononcé en violation de l'article L. 122-32-2 du Code du travail ouvrait droit pour le salarié qui ne demande pas sa réintégration, au moment de la rupture du contrat de travail, à des dommages-intérêts dont elle a souverainement apprécié le montant en fonction du préjudice nécessairement subi par l'intéressé ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le troisième moyen, commun aux deux pourvois :

Attendu que le salarié et l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône font encore grief à l'arrêt d'avoir débouté M. Z... de sa demande en indemnité par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, que M. Z... a été attrait devant la juridiction par le FNGS qui l'a, de ce fait, contraint à en supporter les frais;

que la demande de l'ASSEDIC soutenait qu'il n'avait droit à rien et que, même si la somme allouée par le conseil de prud'hommes a été réduite, il n'en a pas moins gagné son procès à hauteur de 40 000 francs;

qu'en regard de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, il a incontestablement droit à une somme à fixer, sauf si le juge estime, pour des considérations tirées de la situation économique (de l'ASSEDIC) qu'il n'y a pas lieu à condamnation;

que l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône tient à souligner que, même assurée par des bénévoles, l'assistance des salariés entraîne des frais (dactylos, poste, photocopies, téléphone, déplacements) parfois très consistants;

que le refus d'appliquer l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, tiré de ce que le salarié a succombé partiellement dans ses prétentions, n'est pas fondé ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a écarté le bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit du salarié;

que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi formé par l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône, alors, selon le moyen, que même si l'ordonnance du juge-commissaire a été écartée pour d'autres raisons que celles contestées par l'Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, il n'en reste pas moins que dans ses conclusions, l'Union départementale contredisait les affirmations de M. X... et du FNGS ASSEDIC;

que la cour d'appel ne pouvait écarter un litige susceptible d'une incidence pour tous les salariés ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'un syndicat est recevable à intervenir dans une instance lorsque celle-ci soulève une question de principe dont la solution est susceptible d'être étendue à toutes les entreprises y adhérant et de porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, la cour d'appel, qui a constaté que, dans le cas d'espèce, s'agissant de l'application pure et simple d'une législation protectrice, l'intérêt collectif n'était pas suffisamment caractérisé, n'encourt pas le grief du moyen;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. Z... et l'Union départementale des syndicats CGT des Bouches-du-Rhône aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-43157
Date de la décision : 01/07/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Suspension - Accident du travail ou maladie professionnelle - Indemnités dues en cas de licenciement.

SYNDICAT PROFESSIONNELS - Action en justice - Conditions - Pure application de la législation protectrice (non).


Références :

Code du travail L122-32-2, L122-32-7 et L411-11

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre sociale), 14 mars 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 1998, pourvoi n°96-43157


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WAQUET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.43157
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