AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Robert X..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 février 1996 par la cour d'appel de Rouen (Chambre sociale), au profit de la société en nom collectif (SNC) Y..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mai 1998, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Texier, Lanquetin, conseillers, M. Richard de La Tour, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de Me Thouin-Palat, avocat de M. X..., de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la SNC Y..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1148 du Code civil et L. 122-9 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 3 novembre 1980 en qualité d'opérateur par la société Y..., puis promu chef d'équipe;
que son contrat de travail a été rompu le 3 mai 1994 ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement d'indemnités de rupture, la cour d'appel énonce que M. X..., détenu, se trouvait, au moment de la rupture de son contrat de travail, dans l'impossibilité d'exécuter son contrat jusqu'à une date imprévisible et pour une durée nécessairement longue;
que, ces circonstances caractérisant la force majeure, la société Y... était en conséquence fondée à rompre le contrat de travail pour ce motif, en raison de la nécessité de pourvoir au remplacement de M. X..., qui occupait un poste de responsabilité, ce qui a été réalisé dès le 1er juin 1994;
qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir agi avec précipitation alors qu'il n'était pas tenu d'accepter la demande de congé sans solde formée par M. X... ni de consulter les délégués du personnel et qu'au regard des faits reprochés, l'incarcération s'annonçait d'une longue durée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la situation résultant de l'incarcération du salarié ne constituait pas un cas de force majeure et que seule l'existence d'une faute grave, non alléguée en l'espèce, pouvait priver le salarié du bénéfice des indemnités demandées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Texier, conseiller le plus ancien en ayant délibéré en remplacement de M. le président, empêché, en son audience publique du premier juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.