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01/07/1998 | FRANCE | N°96-40642

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 1998, 96-40642


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sopal, société anonyme, dont le siège est Lestrévignon, zone industrielle du Vern 29403 Landivisiau Cedex, en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de M. François X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 mai 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Merlin, Brissier

, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Boinot, Mmes Bourgeot, T...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sopal, société anonyme, dont le siège est Lestrévignon, zone industrielle du Vern 29403 Landivisiau Cedex, en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de M. François X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 mai 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Merlin, Brissier, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Richard de la Tour, Soury, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Sopal, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 décembre 1995), que la société Sopal, qui a pour activité la production de saumons et de poissons fumés, a engagé M. X..., en qualité d'ouvrier de fumaison, par un premier contrat de travail à durée déterminée pour la période du 25 février 1991 au 16 janvier 1992, puis par un deuxième contrat de même nature conclu, en raison d'un accroissement temporaire d'activité lié à l'acquisition de nouvelles machines, pour la période du 18 janvier 1992 au 9 janvier 1993, mais qui a ensuite été renouvelé pour 6 mois, jusqu'au 9 juillet 1993;

que, le 29 octobre 1993, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée et le paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sopal fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié les différents contrats à durée déterminée en une relation de travail à durée indéterminée et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à M. X... une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à rembourser à l'Assedic les allocations de chômage versées à l'intéressé dans la limite de 6 mois, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 122-3-13 du Code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance de l'article L. 122-3-10, 1er alinéa;

que ce dernier texte, qui prévoit que si le contrat à durée déterminée se poursuit à l'échéance du terme, il devient à durée indéterminée, n'est pas applicable au cas d'espèce, puisque le contrat du 25 février 1991 ne s'est pas poursuivi au-delà de son terme, mais a été remplacé par un nouveau contrat, conclu pour un motif différent et afin de pourvoir un autre poste de travail;

que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, sans violer ces deux textes, requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée au motif que l'article L. 122-3-10 interdirait la conclusion de contrats successifs, alors que cette interdiction résulte du deuxième alinéa de ce texte, dont la méconnaissance n'entraîne pas la requalification;

alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article L. 122-3-11 du Code du travail que l'employeur peut conclure des contrats à durée déterminée successifs, sans respecter le délai de carence prévu par ce texte afin de pourvoir des postes de travail différents;

si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il n'était pas contesté que M. X... avait occupé, au titre du contrat du 18 janvier 1992 au 9 juillet 1993, un poste de travail différent de celui qu'il avait occupé au titre du contrat du 25 février 1991 au 16 janvier 1992, la cour d'appel a violé le texte précité ;

alors, de troisième part, que la société Sopal faisait valoir, dans ses conclusions, que "dans le cadre du premier contrat, M. X... a été employé en qualité de manutentionnaire et qu'au titre du contrat qui lui a fait suite, il exerçait les fonctions d'ouvrier de fumaison et qu'il a donc occupé des postes de qualification nettement différents";

que M. X... indiquait lui-même, dans ses conclusions d'appel, qu'il avait été "réemployé... le 25 février 1991, en qualité de manutentionnaire pour une durée de 10 mois et demi, au motif de saison, avec terme au 17 janvier 1992;

qu'ensuite il a souscrit un nouvel engagement au poste d'ouvrier de fumaison pour une durée d'un an...";

si bien qu'en se déterminant, pour dire que la société Sopal avait conclu des contrats à durée déterminée successifs en violation des dispositions légales, sur la circonstance que les contrats mentionnaient tous la qualification d'ouvrier de fumaison, alors que le salarié reconnaissait avoir occupé, au titre des deux contrats, des postes de travail différents, la cour d'appel a méconnu le cadre du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile;

alors, de quatrième part, que, pour l'application de l'article L. 122-3-11 du Code du travail, la notion de poste de travail s'apprécie au regard de la nature des travaux confiés au salarié et non de la qualification mentionnée sur les contrats;

que, dès lors, la cour d'appel, en se bornant à relever que "selon ces différents contrats, M. X... était employé en qualité d'ouvrier de fumaison, et non, comme son employeur le prétend, en qualité de manutentionnaire dans un premier temps jusqu'au 16 janvier 1992, puis en qualité d'ouvrier de fumaison par la suite", sans rechercher si la qualification contractuelle correspondait à la nature des fonctions réellement exercées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte en cause;

et alors, enfin, que, statuant en outre par un motif d'ordre général tiré du principe posé par l'article L. 122-1 du Code du travail sans préciser en quoi, en l'espèce, les contrats conclus par M. X... pour les saisons d'hiver et de Pâques, remplacements de salariés absents et surcroît temporaire d'activité lié à l'installation de nouvelles machines, avaient eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Sopal, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt, ainsi que des mentions figurant au contrat établi le 25 février 1991 que l'engagement souscrit à cette date par M. X... avait pour objet, d'abord du 25 février 1991 au 31 mai 1991, l'exécution d'un travail saisonnier, se répétant chaque année à la saison de Pâques, puis, du 1er juin au 31 août 1991, la nécessité de pourvoir au surcroît exceptionnel et temporaire d'activité dû au départ par roulement du personnel en congés payés, et enfin, de nouveau, à partir du 1er septembre 1991, les travaux saisonniers liés à la production du saumon en vue des fêtes de fin d'année, pour une durée minimale de 4 mois, pouvant être prolongés jusqu'à la fin effective de cette saison;

que la cour d'appel a relevé, de plus, qu'en vertu du contrat du 25 février 1991, comme en vertu de celui du 18 janvier 1992, prorogé jusqu'au 9 juillet 1993, M. X... avait occupé le même poste d'ouvrier de fumaison, et n'avait pas travaillé, même pendant une partie de la période considérée, en qualité de manutentionnaire, comme le prétendait l'employeur;

qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résultait que les fonctions confiées au salarié sans solution de continuité correspondaient à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a exactement retenu, abstraction faite de tous autres motifs, fûssent-ils erronés, que le contrat était contraire à l'article L. 122-1 du Code du travail, et qu'il était réputé à durée indéterminée par application de l'article L. 122-3-13 du Code du travail;

que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Sopal fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... des indemnités de préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, calculées sur la base d'une ancienneté supérieure à deux ans et à rembourser à l'Assedic les allocations de chômage versées à l'intéressé dans la limite de 6 mois, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte des articles L. 122-3-11 et L. 122-3-13 du Code du travail que, lorsqu'à la suite d'un premier contrat à durée déterminée conclu pour l'un des cas prévus par la loi, un deuxième contrat à durée déterminée est conclu avant l'expiration du délai de carence prévu par le premier de ces textes, seul le deuxième contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée;

que, dès lors, la cour d'appel, qui relève que la société Sopal avait conclu avec M. X... un contrat à durée déterminée du 25 février 1991 au 16 janvier 1992, puis un autre contrat à durée déterminée du 18 janvier 1992 au 9 janvier 1993, renouvelé jusqu'au 9 juillet 1993, ne pouvait, sans violer les textes précités, requalifier en contrat à durée indéterminée la relation contractuelle depuis le 25 février 1991, date du début du premier contrat;

et alors, d'autre part, qu'en cas de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'ancienneté du salarié est calculée depuis le début de ce dernier contrat;

que, dès lors, la cour d'appel, en condamnant la société Sopal à payer à M. X... des indemnités calculées sur la base d'une ancienneté supérieure à 2 ans, alors que le salarié n'avait été lié à la société par un contrat à durée indéterminée que du 18 janvier 1992 au 9 juillet 1993, la cour d'appel a violé les articles L. 122-3-13, L. 122-6, L. 122-9, L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du Code du travail ;

Mais attendu que la requalification prononcée s'appliquant à l'ensemble des relations professionnelles ayant existé entre les parties, comprenant aussi bien le contrat du 25 février 1991, que celui ayant pris fin le 9 juillet 1993, le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sopal aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-40642
Date de la décision : 01/07/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Définition - Contrat saisonnier - Emploi intermittent, mais se renouvelant chaque année - Ouvrier de fumaison de saumon - Caractère de durée indéterminée.


Références :

Code du travail L122-1 et L122-3-13

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (5e chambre), 05 décembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 1998, pourvoi n°96-40642


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.40642
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