La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/1998 | FRANCE | N°97-84263

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 juin 1998, 97-84263


REJET du pourvoi formé par :
- X... Bernard,
- la société Gerland Caoutchouc Industriel, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 2 juillet 1997, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, a condamné le premier à 5 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la condamnation et a prononcé sur l'action civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 230-3,

L. 231-2, L. 233-5-1, L. 262-2, L. 263-2, L. 263-2-1, L. 263-6, R. 233-3, alin...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Bernard,
- la société Gerland Caoutchouc Industriel, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 2 juillet 1997, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, a condamné le premier à 5 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la condamnation et a prononcé sur l'action civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 230-3, L. 231-2, L. 233-5-1, L. 262-2, L. 263-2, L. 263-2-1, L. 263-6, R. 233-3, alinéa 2 et 3, du Code du travail, 320 de l'ancien Code pénal, 121-3 du nouveau Code pénal, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de délit de blessures involontaires sur la personne d'Antoine Y... ;
" aux motifs qu'Antoine Y... avait été blessé sur les lieux du travail, pendant son horaire de travail et en utilisant le matériel mis à sa disposition par son employeur ; que le seul fait, à le supposer établi, qu'il ait enfreint les consignes reçues en effectuant un travail pour son compte ne saurait que constituer une faute à lui imputable et ne saurait en aucun cas faire disparaître le lien de subordination dans lequel il se trouvait vis-à-vis de son employeur et permettre d'exclure que l'accident litigieux soit survenu à l'occasion du travail ; que les dirigeants de la société Gerland Caoutchouc Industriel ne s'étaient pas trompés sur cette qualité d'accident survenu à l'occasion du travail, dès lors qu'une déclaration accident du travail avait été adressée à la caisse primaire centrale d'assurance-maladie de Lyon sans émettre la moindre réserve sur le caractère d'accident du travail de celui-ci, le 21 juillet 1993 ; que les seuls commentaires faits par Bernard X..., après l'établissement du procès-verbal de l'inspection du Travail et du rapport de l'APAVE ne sauraient avoir aucune incidence sur le fait qu'Antoine Y... ait été victime d'un accident à l'occasion de son travail, que la faute intempestive du salarié ne privait le chef d'entreprise de sa responsabilité personnelle que dans la mesure où elle n'avait pas été elle-même rendue possible par une faute de celui-ci et où elle était par conséquent la cause exclusive de l'infraction ou de l'accident ; que le rapport de l'APAVE, s'il relevait que, compte tenu du travail à effectuer, l'interdiction d'accès aux éléments de travail ne peut être obtenue, mais que les dispositions prises permettaient d'en limiter l'accès, n'était pas assez précis pour valoir preuve contraire des constatations effectuées par l'Administration ; que Bernard X... ne saurait s'exonérer de toute responsabilité en alléguant sa bonne foi et la conformité de la machine incriminée aux normes françaises en s'appuyant sur une simple attestation du constructeur ; qu'en laissant à la disposition des salariés une machine non conforme à la réglementation en vigueur, d'autant plus dangereuse que l'absence de carter de protection suffisante de la lame ou de la meule de découpe permettait de l'utiliser à des fins contraires à sa destination, Bernard X... avait, par sa faute personnelle, sans preuve de diligence normale, commis les infractions à la législation du travail visées à la prévention et en relation directe de cause à effet avec les blessures subies par Antoine Y... ; qu'il n'avait jamais contesté que, lors de la survenance de l'accident, Antoine Y... travaillait seul dans un local isolé, son supérieur hiérarchique immédiat ayant terminé son service à 15 heures et M. Z... étant dans un autre atelier ; qu'en laissant un salarié travailler seul pendant une longue période puisque M. A..., chargé de contrôler, était parti à 15 heures et qu'Antoine Y... terminait sa journée à 22 heures, même s'agissant d'un ouvrier qualifié P. 3, Bernard X... lui avait laissé toute latitude pour utiliser la machine comme bon lui semblait, sans que l'existence de consignes strictes interdisant d'utiliser cette machine à toutes autres fins que celle de tronçonneuse ne fussent alléguées et établies ;
" alors, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 230-3 du Code du travail modifié par la loi du 31 décembre 1991, tout salarié, quelle que soit sa fonction, a l'obligation de veiller à sa propre sécurité et à celle d'autrui ; que le fait, pour un salarié, qui a reçu la formation appropriée, d'utiliser, à des fins personnelles et à l'insu de son employeur, une machine dangereuse pour un usage autre que celui auquel elle est destinée, constitue un manquement à l'obligation qu'il tient du texte susvisé qui exonère la responsabilité pénale de l'employeur dans l'accident dont il est victime du fait de cet usage ; qu'en l'espèce, il résulte des déclarations de Mme B... qu'Antoine Y... s'est blessé en usinant des pièces pour son propre compte sur une tronçonneuse qu'il utilisait, à l'insu de son employeur, à une fin autre que celle à laquelle elle était destinée ; que, ce faisant, Antoine Y..., qui était au surplus un ouvrier qualifié, a commis un manquement à l'obligation qu'il avait de veiller à sa propre sécurité et que ce manquement excluait que la responsabilité pénale de Bernard X... pût être retenue à raison de cet accident ; qu'en déclarant cependant celui-ci coupable du délit de blessures involontaires qui lui était reproché, la cour d'appel a violé l'article L. 230-3 du Code du travail ;
" alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 121-3 nouveau du Code pénal, il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre, sauf, lorsque la loi le prévoit, en cas d'imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d'autrui ; que ce texte nouveau d'application générale restreint la portée de l'article L. 263-2 du Code du travail, qui ne prévoit pas que l'employeur puisse répondre pénalement de ses fautes d'imprudence ou de négligence ou de la mise en danger délibérée de la personne d'autrui, aux seules fautes personnelles volontaires de celui-ci, ne permet plus de le condamner pénalement pour des manquements involontaires à l'obligation de sécurité ou de surveillance qui seraient à l'origine de blessures involontaires ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Bernard X... pour les seuls motifs susrapportés dont aucun ne constate que Bernard X... ait volontairement commis les manquements aux règles de sécurité et à son obligation de surveillance qui seraient à l'origine des blessures d'Antoine Y..., la cour qui a violé le principe de la rétroactivité in mitius a prononcé une condamnation illégale ;
" alors, de troisième part, que dès lors que l'article R. 233-3 du Code du travail qui prévoyait la protection des parties non travaillantes des instruments tranchants a été abrogé par le décret n° 93-41 du 11 janvier 1993, l'absence de protection de la tronçonneuse, reprochée à Bernard X..., n'était plus constitutive, à la date de l'accident dont a été victime Antoine Y... (le 20 juillet 1993) postérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte, d'un manquement à une règle de sécurité imposée par un règlement ; qu'il s'ensuit qu'aucune faute ne pouvait être relevée contre lui du fait de ce manquement pour maintenir la déclaration de culpabilité du chef de blessures involontaires sur la personne d'Antoine Y... ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a violé par fausse application les textes sur lesquels elle a fondé la déclaration de culpabilité " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1 nouveau du Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 du Pacte international sur les droits civils et politiques, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, R. 233-3 (ancien) pris en ses alinéas 2 et 3 du Code du travail et décret n° 93-41 du 11 janvier 1993, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'infraction à la réglementation sur la sécurité en laissant la victime travailler sur une tronçonneuse à meule dont la partie non travaillante n'était pas protégée ;
" aux motifs qu'il résultait du procès-verbal de l'inspecteur du Travail, dont les constatations faisaient foi jusqu'à preuve contraire, que la machine avec laquelle Antoine Y... s'était blessé, une tronçonneuse pendulaire à meule pour la découpe des métaux entrant dans la catégorie " des machines-outils à instruments tranchants tournant à grande vitesse " présentait un disque ou une meule de découpe constituant son outil, accessible sur les 3/ 4de sa surface ; qu'il était ajouté que, lors de l'accident et de son constat, la partie non travaillante de la meule de découpe, n'était pas complètement protégée correctement et restait accessible au salarié, en infraction à l'article R. 233-3, alinéa 3, ancien du Code du travail applicable en l'espèce ; que l'inspecteur du Travail avait également constaté qu'au moment de l'accident, cette machine n'était pas disposée, protégée, commandée ou utilisée, de telle façon que le salarié ne pouvait toucher même involontairement la partie travaillante de l'instrument tranchant et ce, en infraction à l'alinéa 3 de l'article R. 233-3 du Code du travail ;
" alors que le décret n° 93-41 du 11 janvier 1993 a abrogé les alinéas 2 et 3 de l'article R. 233-3 du Code du travail imposant la protection des machines-outils à instruments tranchants tournant à grande vitesse ; que l'accident dont a été victime Antoine Y... s'étant produit le 20 juillet 1993, l'absence de protection constatée par l'inspecteur du Travail n'était constitutive d'aucune infraction punissable ; qu'en retenant le prévenu dans les liens de la prévention de ce chef, la cour d'appel a prononcé une déclaration de culpabilité illégale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspection du Travail, base de la poursuite, que, le 20 juillet 1993, Antoine Y..., employé de la société Gerland Caoutchouc Industriel, a eu le pouce sectionné par le disque d'une tronçonneuse sur laquelle il usinait une pièce de métal ; qu'à la suite de ces faits, Bernard X..., titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité au sein de la société, a été poursuivi pour blessures involontaires et infraction à l'article R. 233-3 ancien du Code du travail ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu, la cour d'appel énonce que la tronçonneuse mise en service " avant 1981, qui entrait dans la catégorie " des machines-outils à instruments tranchants tournant à grande vitesse " visées par l'article précité du Code du travail, ne comportait pas les dispositifs de protection exigés par ce texte ; que les juges relèvent que la partie non travaillante de la meule de découpe n'était pas complètement protégée et qu'aucun dispositif n'avait été mis en place pour empêcher que les ouvriers ne puissent toucher involontairement la partie travaillante, un carter n'ayant été installé à cet effet qu'après l'accident ; qu'ils en déduisent qu'en laissant à la disposition des salariés une machine dangereuse insuffisamment protégée Bernard X... a commis une faute personnelle caractérisant une infraction aux règles de sécurité en relation directe avec l'accident ; que les juges précisent que la circonstance que le salarié n'ait pas fait un usage de la machine conforme à sa destination, n'est pas de nature à exonérer le prévenu de sa responsabilité dès lors que cette faute n'a pas été la cause exclusive du dommage " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine, qui caractérisent la faute du prévenu au sens de l'article 121-3, alinéa 3, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen ;
Que contrairement à ce qui est allégué par le demandeur, il résulte de l'article 7, II, du décret n° 93-40 du 11 janvier 1993 que l'article R. 233-3 ancien du Code du travail est demeuré applicable aux instruments de travail concernés jusqu'à la réalisation effective de leur mise en conformité avec les nouvelles prescriptions techniques issues du décret précité ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-84263
Date de la décision : 30/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Machines et appareils dangereux - Infraction à l'article R. 233-3 ancien du Code du travail - Abrogation par le décret n° 93-40 du 11 janvier 1993 - Portée.

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Travail - Hygiène et sécurité des travailleurs - Article R. 233-3 ancien du Code du travail - Abrogation par le décret n° 93-40 du 11 janvier 1993 - Portée

Il résulte de l'article 7, II, du décret n° 93-40 du 11 janvier 1993 que l'article R. 233-3 ancien du Code du travail est demeuré applicable aux instruments de travail concernés par ce texte jusqu'à la réalisation effective de leur mise en conformité avec les nouvelles prescriptions techniques issues du décret précité. (1).


Références :

Code du travail R233-3
Décret 93-40 du 01 novembre 1993 art. 7 II

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 02 juillet 1997

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1990-01-16, Bulletin criminel 1990, n° 28, p. 68 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 jui. 1998, pourvoi n°97-84263, Bull. crim. criminel 1998 N° 210 p. 602
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 210 p. 602

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desportes.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.84263
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award