AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Susan X..., demeurant ..., 95420 Cléry en Vexin, en cassation d'un jugement rendu le 9 septembre 1996 par le tribunal de grande instance de Nanterre (2e chambre), au profit de M. Y... général des Impôts, dont le siège est ..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mai 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Huglo, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de Mme X..., de Me Thouin-Palat, avocat du Directeur général des Impôts, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon le jugement déféré, que Mme X..., propriétaire d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale de 23 chevaux, a, après le rejet de sa réclamation présentée le 28 février 1995, assigné le Directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance pour obtenir la restitution de la taxe différentielle acquittée au titre des années 1993 et 1994 ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le Tribunal n'a pas répondu aux conclusions de Mme X... faisant valoir que la fixation du montant de l'amende ne pouvait être laissée à la seule appréciation de l'Administration ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte;
que l'amende fiscale prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition et que cette disposition n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'Administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende;
qu'il en résulte que l'application de l'article 1840 N quater doit être dans cette mesure écartée au regard de l'article 6-1 susvisé, le Tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme X... au paiement de l'amende du double droit pour non-paiement de la taxe différentielle due au titre des années 1993 et 1994, le jugement rendu le 9 septembre 1996, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Nanterre;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Versailles ;
Condamne M. Y... général des Impôts aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.