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30/06/1998 | FRANCE | N°96-19713

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 1998, 96-19713


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Franck X..., demeurant ..., en cassation d'un jugement rendu le 11 juin 1996 par le tribunal de grande instance de Nanterre (2e Chambre), au profit de M. le directeur général des Impôts, domicilié en ses bureaux, ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Co

de de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mai 1998, où étaient pr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Franck X..., demeurant ..., en cassation d'un jugement rendu le 11 juin 1996 par le tribunal de grande instance de Nanterre (2e Chambre), au profit de M. le directeur général des Impôts, domicilié en ses bureaux, ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mai 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Huglo, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Huglo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de M. X..., de Me Thouin-Palat, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon le jugement déféré, que M. X..., propriétaire d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale de 24 chevaux, a, après le rejet de sa réclamation présentée le 3 mars 1995, assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance pour obtenir la restitution de la taxe différentielle acquittée au titre des années 1992 à 1994 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, que comporte un effet discriminatoire ou protecteur prohibé par l'article 95 du traité de Rome le système de taxation appliquant un coefficient multiplicateur dont la progression de tranche en tranche est plus forte à partir de celles qui correspondent à des véhicules d'importation que pour les tranches inférieures auxquelles correspond l'essentiel de la production nationale;

que le Tribunal, qui n'a pas déchargé le demandeur de la taxe établie par application de l'article 20-1 de la loi du 30 décembre 1987, qui établit un tel système, a violé ledit article du traité de Rome ;

Mais attendu que, dans un arrêt du 30 novembre 1995 (Casarin), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur qui prévoit une augmentation du coefficient de progressivité au-delà du seuil de 18 chevaux, dès lors que cette augmentation n'a pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale par rapport à celle des véhicules importés d'autres Etats membres;

qu'elle a constaté, dans le même arrêt, qu'il n'apparaît pas que, dans le système de la loi du 30 décembre 1987, l'augmentation du coefficient de progressivité puisse avoir pour effet de favoriser la vente des véhicules de fabrication nationale;

que c'est donc à bon droit que le Tribunal a jugé le système de taxe issu de la loi du 30 décembre 1987 compatible avec l'article 95 du Traité;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief au jugement d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, que la Cour de justice des Communautés européennes ayant constaté, dans l'arrêt rendu le 17 septembre 1987, que le mode de détermination de la puissance fiscale des véhicules alors en vigueur avait un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du Traité, le système de taxation comportant ce mode de détermination doit rester sans application;

que, dès lors, le Tribunal, dont les constatations établissent que la puissance administrative du véhicule de M. X..., mis en circulation en 1981, a été déterminée suivant ces modalités, a violé, par refus d'application, l'article 95 du Traité ;

Mais attendu que, dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain), la Cour de justice des Communautés européennes a seulement jugé incompatible la limitation du facteur K dans le mode de calcul de la puissance fiscale introduite par la circulaire du 23 décembre 1977;

qu'il en résulte que la taxe perçue en 1992, 1993 et 1994 sur des véhicules dont le mode de calcul de la puissance fiscale n'a pas subi cette limitation est compatible avec l'article 95 du Traité;

que c'est donc à bon droit que le Tribunal a jugé qu'il appartenait à M. X... de démontrer que, malgré les dispositions des circulaires du 12 janvier 1988 et du 20 septembre 1991, son véhicule avait vu sa puissance fiscale déterminée de façon incompatible avec l'article 95 du Traité;

que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Attendu que, pour condamner M. X... au paiement de l'amende prévue à l'article 1840 N quater du Code général des impôts, le jugement retient que "la Cour de justice" elle-même a exclu du champ d'application de l'article 6 susvisé les majorations fiscales encourues à titre de sanctions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte;

que l'amende fiscale prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition et que cette disposition n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'Administration un recours de pleine juridiction permettant au Tribunal de se prononcer sur le princpe et le montant de l'amende;

qu'il en résulte que l'application de l'article 1840 N quater doit être écartée dans cette mesure au regard de l'article 6-1 susvisé, le Tribunal a violé cette disposition ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... au paiement de l'amende prévue à l'article 1840 N quater du Code général des impôts pour non-paiement de la taxe différentielle due au titre des années 1992 à 1994, le jugement rendu le 11 juin 1996, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Nanterre;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Versailles ;

Condamne le directeur général des Impôts aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-19713
Date de la décision : 30/06/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Taxe sur les véhicules à moteur - Taxe différentielle - Compatibilité avec le droit communautaire.

IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions - Majoration fiscale - Compatibilité avec les droits de l'homme.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6-1
CGI 1840 N quater
Loi 87-1060 du 30 décembre 1987 art. 20-1
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 95

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre (2e Chambre), 11 juin 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 jui. 1998, pourvoi n°96-19713


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.19713
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