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30/06/1998 | FRANCE | N°96-19401

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 1998, 96-19401


Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 2 juillet 1996) que la société SEFRB fabrique des produits bronzants et de protection solaire sous les marques BBR et phase O dont elle est titulaire ; que la commercialisation des produits BBR est assurée par la société Ceredap ; que la société Cosmétique active France (société Cosmétique), filiale de la société l'Oréal commercialise des produits concurrents sous la marque Vichy qu'elle dénomme " Capital soleil " ; qu'elle a entrepris une opération publicitaire " de très grande envergure " pour la période d

u 24 juin au 6 juillet 1996 portant sur ces produits consistant dans ...

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 2 juillet 1996) que la société SEFRB fabrique des produits bronzants et de protection solaire sous les marques BBR et phase O dont elle est titulaire ; que la commercialisation des produits BBR est assurée par la société Ceredap ; que la société Cosmétique active France (société Cosmétique), filiale de la société l'Oréal commercialise des produits concurrents sous la marque Vichy qu'elle dénomme " Capital soleil " ; qu'elle a entrepris une opération publicitaire " de très grande envergure " pour la période du 24 juin au 6 juillet 1996 portant sur ces produits consistant dans des annonces publicitaires, sur des supports divers, offrant de rembourser, pendant cette période, le produit acheté aux conditions suivantes : " le remboursement est plafonné à 76 francs et limité à un remboursement par foyer, moins10 francs reversé à la Fondation pour la recherche médicale, à condition que le consommateur renvoie à Vichy le bulletin de participation dûment complété, le ticket de caisse comportant la date, le cachet du point de vente, le code barre du produit recopié, un relevé d'identité bancaire " ; que les sociétés SEFRB et Ceredap estimant que l'offre promotionnelle ainsi faite constituait un acte de concurrence déloyale, dont il résultait un trouble manifestement illicite et une atteinte à l'ordre public économique, a saisi le 21 juin 1996 le président du tribunal de commerce statuant en référé pour faire cesser sous astreinte cette pratique ;

Sur le moyen unique de cassation, pris en ses trois branches :

Attendu que les sociétés SEFRB et Ceredap font grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision du juge des référés faisant droit à leur demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une opération promotionnelle de produits saisonniers pratiquée par une entreprise ayant une position dominante sur le marché, qui associe une offre de remboursement quasi intégral du prix moyen unitaire du produit et de la soi-disante générosité calculée de reversement de partie de cette remise à une oeuvre caritative, tout en limitant cette offre à la période des ventes habituelles de ce produit, constitue manifestement un acte illicite et déloyal à l'égard de concurrents n'ayant qu'une part très minoritaire du marché ; que l'arrêt a donc violé les articles 1382 du Code civil et 8 de la loi du 1er décembre 1986, pour avoir négligé de relier ces données reconnues de l'opération Capital soleil par le groupe L'Oréal, étant rappelé aux conclusions que 80 % de la vente des produits bronzants et de protection solaire s'effectuaient pendant la durée de cette campagne ; alors, d'autre part, que l'arrêt a méconnu que l'opération promotionnelle était nécessairement génératrice de perte, dans la mesure où il constate qu'à défaut de s'être assuré, le Groupe L'Oréal aurait eu une perte théorique de 8 francs par produit, où l'assurance contractée moyennant une prime élevée ne garantissait pas cette perte en deçà du remboursement d'un montant de 857 340 francs et ne la garantissait pas au-delà des remboursements d'un montant de 1 664 019 francs, d'autant que s'y ajoutaient les frais considérables découlant de l'ampleur de la campagne par presse et radio, ainsi que par prospectus et matériels chiffrés respectivement par millions et par milliers, ainsi que le rappelaient les conclusions ; que cette pratique de vente à perte constitue un acte illicite et déloyal, traduisant aussi un abus de position dominante ; que l'arrêt a donc encore violé les articles 1382 du Code Civil et 8 de l'ordonnance du ler décembre 1986 ; et alors, enfin, qu'il y avait trouble manifestement illicite et dommageable à l'égard de concurrents ne disposant que d'une faible part du marché des produits bronzants et assimilés qui auraient inévitablement risqué, si l'opération promotionnelle avait pu se dérouler dans toute son ampleur, d'être pour le moins déstabilisés, du fait qu'ils n'avaient pas les moyens de vendre à perte 80 % de leur production saisonnière et de faire orchestrer par les médias une publicité en ce sens, pas plus qu'ils n'avaient la notoriété du Groupe L'Oréal lui ayant permis de se servir abusivement d'une oeuvre caritative à des fins purement commerciales ; que l'arrêt a donc violé les articles 1382 du Code Civil, 8 de l'ordonnance du ler décembre 1986 et 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt ne relève pas que la société Cosmétique, filiale de la société L'Oréal et dont l'activité ne saurait se confondre avec les activités diversifiées " de l'ensemble des sociétés du groupe ", détienne une part de marché suffisante sur les produits bronzants et de protection solaire pour lui assurer une position dominante sur ce marché ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir analysé les éléments statistiques concernant les prévisions de vente par suite de cette opération promotionnelle relatifs à 100 000 produits, chiffre ayant été retenu par la compagnie d'assurances pour couvrir, en partie, le risque éventuellement encouru, la cour d'appel a pu en déduire qu'il ne peut être retenu " a priori que l'on est en présence d'une opération intervenant à perte " ;

Attendu, enfin, que le message promotionnel s'accompagnant de l'indication qu'une somme de 10 francs serait reversée à une oeuvre caritative sur chaque produit acheté n'est pas illicite, dès lors que, comme tel est le cas en l'espèce, il n' a pas été prétendu que cette indication était fallacieuse ; qu'ayant constaté que, même appuyé sur une publicité importante, ce message publicitaire, limité dans le temps, ne saurait être considéré comme étant un acte de concurrence déloyale suffisamment caractérisé pour constituer un trouble manifestement illicite au sens de des articles 872 et 873 du nouiveau Code de procédure civile, la cour d'appel a pu statuer ainsi qu'elle l'a fait ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-19401
Date de la décision : 30/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Vente à perte - Couverture par une compagnie d'assurances - Prévisions analysées (non).

1° VENTE - Vente à perte - Couverture par une compagnie d'assurances - Prévisions analysées - Référé - Vente manifestement illicite (non).

1° Ayant analysé les éléments statistiques concernant les prévisions de vente d'une opération promotionnelle, relatifs à 100 000 produits, chiffre retenu par la compagnie d'assurances pour couvrir, en partie, le risque éventuellement encouru, une cour d'appel a pu en déduire qu'il ne peut être retenu, " a priori, que l'on est en présence d'une opération intervenant à perte ".

2° REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Concurrence déloyale ou illicite - Vente - Promotion - Reversement non fallacieux (non).

2° CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Vente - Promotion - Reversement non fallacieux (non).

2° Un message promotionnel s'accompagnant de l'indication qu'une somme de 10 francs serait reversée à une oeuvre caritative sur chaque produit acheté n'est pas illicite, dès lors qu'il n'est pas prétendu que cette indication est fallacieuse. Ayant constaté que, même accompagné d'une publicité importante, ce message publicitaire, limité dans le temps, ne saurait être considéré comme un acte de concurrence déloyale suffisamment caractérisé pour constituer un trouble manifestement illicite au sens des articles 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile, une cour d'appel, statuant en reféré, a pu refuser de faire cesser sous astreinte cette pratique.


Références :

2° :
nouveau Code de procédure civile 872, 873

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 02 juillet 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 jui. 1998, pourvoi n°96-19401, Bull. civ. 1998 IV N° 217 p. 178
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 217 p. 178

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Léonnet.
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.19401
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